10 propositions pour rendre les villes françaises plus intelligentes

La vie devient smart (comprenez intelligente). Smart glass, smart watch, smart box… Et pourquoi pas une « smart city » et un « smart maire »? Alors que les élections municipales approchent à grand pas, l’Institut de l’entreprise a publié vendredi 15 novembre une étude intitulée « Smart cities. Efficace, innovante, participative : comment rendre la ville plus intelligente ?« .

Le think tank libéral part du principe que l’urbanisation est une des principales thématiques d’avenir. Et pour cause, en 2050, 70% de la population mondiale vivra dans une ville, soit 6,3 milliards de citadins contre 3,6 milliards en 2010, selon les projections de l’ONU.

En France, ce taux a été franchi il y a longtemps. 77,5% des Français sont citadins. En 10 ans la superficie de l’espace urbaine a progressé sur le territoire de 19%, explique l’Insee. Difficile donc de passer à côté du phénomène, qui plus est, à l’origine de près de 50% de la valeur ajoutée en France.

Donc autant rendre la vie urbaine plus intelligente. La France en a fait une de ses priorités, via notamment les 34 plans pour construire une offre industrielle nouvelle, afin notamment de faire de l’Hexagone une référence en matière de villes intelligentes. (voir les 34 projets pour réindustrialiser la France). 

Mais au fait, c’est quoi une ville intelligente ?

« Une métropole intelligente, c’est, à l’ère de la révolution numérique, une ville qui permet une meilleure maîtrise des informations et circulations urbaines », explique Julien Darmon, professeur d’urbanisme à Sciences Po. Un peu à l’image du défi que s’est lancé Barcelone, en voulant devenir le modèle universel de la ville intelligente (Pour en savoir plus, « Comment Barcelone veut devenir le modèle de la ville intelligente« ). Mais au-delà des équipements sur lesquels les municipalités peuvent miser pour connecter l’environnement urbain, ce sont bien ses habitants, ses entreprises et ses passants qui la rendent intelligente, prévient le rapport.  

Au moment où il est question de serrer les coûts un peu partout sur le territoire et de réduire les déficits, il va de soi que repenser les politiques publiques à l’aune de l’ère numérique est l’une des priorités. La numérisation des données doit permettre à la fois d’optimiser la situation des finances publiques et de rendre les collectivités territoriales plus productives.

En préconisant des métropoles 2.0, le rapport milite donc pour une révolution des services publics et des infrastructures urbaines afin de rendre la ville plus efficace. La smart city, c’est une bonne gestion de la ville et de ses mécanismes en mêlant public et privé, la municipalité et ses habitants, le fournisseur de service et ses usagers.

10 orientations pour la ville de demain

A partir de ces nombreux constats, l’institut de l’entreprise fait 10 propositions pour favoriser l’émergence de villes intelligentes en France. 

¤ Evaluer les coûts et les opportunités du « smart ». L’idée est d’évaluer une telle démarche, en confiant notamment au Commissariat général à la stratégie et à la prospective la mutualisation des évaluations des coûts et bénéfices des expériences intelligentes, pour ensuite réviser les politiques publiques locales via une Révision générale des politiques publiques appliquées aux villes. Selon le think tank, cette « RGPP locale » pourrait passer par le non-remplacement d’un fonctionnaire municipal sur deux partant à la retraite ou la lutte contre l’absentéisme. (Pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, quelque 150.000 postes ont été supprimés notamment via la RGPP, dont la mesure phare était le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans la fonction publique d’État).

¤ Améliorer la qualité de vie et l’attractivité urbaines. Une meilleure information au bénéfice des services publics et privés, des services adaptés aux horaires de travail des salariés, lutter contre la criminalité grâce aux nouvelles technologies… Tels sont les objectifs. Cela passe notamment par des panneaux d’information communicants et connectés, à l’image des abris voyageurs développés par JCDecaux à Paris. Mais aussi par une généralisation du Wi-Fi dans les espaces publics, à l’image de ce qui a pu être fait à Londres pour les Jeux Olympiques. En matière de lutte contre la criminalité, l’Institut de l’entreprise met en avant la solution informatique développé par IBM et adopté à New York.

¤ Permettre la mobilité et limiter le stress et les congestions. Les bouchons restent un cauchemar. Marseille et Paris arrive en 5e et 7e positions des villes européennes les plus embouteillées (Voir l’étude). C’est pourquoi le rapport préconise d’optimiser les transports et réduire les pertes de temps via la diversification des transports publics, le développement des nouveaux usages (covoiturage, location à durée limitée de véhicules). Cela passe enfin par le développement d’espace de coworking. La France compte actuellement plus de 120 espaces de lieu de travail partagés (Pour en savoir plus, lire « J’ai testé le coworking« ).

¤ Adapter l’administration locale. C’est l’idée d’un guichet unique pour les services aux entreprises et pour les habitants, à l’image de la stratégie britannique de modernisation du service public en ligne, ou bien du guichet unique Facil’Familles de la mairie de Paris. Cela passe également par une interconnexion entre villes intelligentes pour permettre l’échange des meilleures pratiques.

¤ Consacrer la participation directe des habitants et des entreprises. Les habitants deviennent acteur de leur ville, à l’image de l’application Dansmarue de la ville de Paris qui permet de signaler les anomalies constatées dans la rue et améliorer ainsi la qualité de l’espace public.  Il s’agit également de permettre aux entreprises et aux habitants de s’investir dans le montage et le suivi des grands projets, voire de leur financement. Le crowdfunding  est également une solution proposée (Pour en savoir plus; lire : « le crowdfunding entre dans la cour des grands).

¤ Ouvrir les données. Pour l’institut, « l’open data est nécessaire pour à la fois favoriser le contrôle démocratique et susciter des retombées économique ». Pour cela, il faut notamment développer la mise à disposition systématique des données locales publiques mais aussi et surtout la traiter. Le rapport préconise d’instituer un droit opposable à l’open data. Avec pour finalité notamment de développer la transparence et la géolocalisation des dépenses publiques. 

¤ Augmenter les performances environnementales. Il faut optimiser les consommations en améliorant les services logistiques et afin de réduire l’empreinte écologique. Péages urbains, véhicules électriques, capteur de pollution sont des exemples avancés dans le rapport. En exemple, l’agglomération du Havre qui, pour réduire la consommation d’eau, a équipé les foyers de compteurs d’eau intelligents. Un coût de 15 millions d’euros pour la réduction de la facture au compteur d’environ 15%. Ne plus concevoir enfin les performances énergétiques d’un bâtiment pris isolément, mais par quartier, à l’image du projet IssyGrid à Issy-les-Moulineaux.

¤ Favoriser les entreprises et l’émergence de business models associés. Pour cela, il faut notamment améliorer la transparence des marchés publics, privilégier la logique d’incubation, à l’image de la transformation de la Halle Freyssinet à Paris en incubateur de start-up numériques.

¤ Protéger les risques numériques. La lutte contre la fracture doit être une priorité tout comme la protection contre les cyberattaques.

¤ Valoriser les villes et les entreprises françaises. Cela passe notamment par une mise en avant des interactions entre les entreprises et les villes tant auprès des habitants qu’à l’échelle mondiale, en promouvant les expériences développées pour rendre les villes plus intelligentes.

Face à ces nombreuses innovations, le rapport prévient toutefois que le modèle à ses limites. Il ne faut pas tomber dans l’excès d’optimisme lié au tout technologique qui ne peut pas tout régler. Certains problèmes nécessiteront encore et toujours des réponses managériales ou politiques. Autre facteur à ne pas négliger, et non des moindres, la capacité des habitants à se mobiliser. Au risque là encore de voir perdurer la fameuse fracture numérique.

 >> Pour aller plus loin, lire : WeAreData : le site qui dévoile l’hyperconnectivité en bas de chez vous


Challenges.fr – Toute l’actualité de l’économie en temps réel