Accord sur le solaire entre la Chine et l’UE : l’Europe tombée dans le panneau ?

Tout vient à point à qui sait attendre … et négocier. A moins que la partie immergée de l’iceberg ne soit pas aussi rose que ce que l’on voudrait bien nous faire croire.
Après six semaines de tractations et de « menaces économiques » de part et d’autre, la Chine et l’Union européenne viennent de trouver un terrain d’entente sur l’épineux dossier des ventes des panneaux solaires chinois à destinations des consommateurs européens.

Les deux parties sont en effet parvenues samedi à un accord sur le contentieux commercial de plusieurs milliards de dollars qui les opposait. Bruxelles estimant jusqu’à présent que Pékin menait des actions de dumping.

Pointant du doigt les pratiques commerciales chinoises, l’Union européenne accusait la partie chinoise de vendre à des prix inférieurs à leurs coûts de revient. Procédé d’autant plus impactant pour les industriels européennes que les exportations chinoises dans le domaine ont atteint la bagatelle de 21 milliards d’euros l’an passé.
Plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, avaient montré leur désaccord face aux mesures envisagées par l’UE – hausse des tarifs douaniers à compter du 6 août – redoutant que la Chine ne leur bloque l’accès à un marché à fort potentiel, en guise de représailles.

Au final, négociateurs européens et chinois sont convenus d’un prix plancher, proche de celui du marché.  Si l’on en croit une source diplomatique européenne, celui-ci serait de 0,56 euro par watt. Ce qui, le cas échéant, serait inférieur au montant souhaité par les constructeurs européens de panneaux solaires, et pourrait donc présager de nouvelles discussions sur le dossier.

D’autant plus que cette tarification s’appliquerait aux 7 premiers gigawatts de panneaux solaires importés, tout dépassement de ce quota devant certes être frappé d’une taxe antidumping de 47,6%.

La Chine est donc loin d’être perdante dans l’affaire, loin s’en faut ! Puisque, selon les termes de l’accord, l’Empire du Milieu devrait fournir la moitié des besoins énergétiques de l’Europe dans ce domaine sans être soumis à la nouvelle taxe douanière. Ces derniers s’élevant à 15 gigawatts en 2012 , les constructeurs chinois devraient ainsi logiquement fournir 7 gigawatts sans frein supplémentaire.
Les industriels de l’UE considèrent que ce niveau de prix équivaut toujours à du dumping. Même s’ils peuvent être satisfaits – certes en partie – de l’avancée réalisée, la Commission européenne rappelant que les constructeurs chinois ont pratiqué des prix de vente allant jusqu’à 0,38 euro par watt.
Le groupement d’entreprises européennes du secteur EU ProSun, qui avait saisi la justice en juin dernier, a d’ores et déjà qualifié ces chiffres d » »absurdes », rappelant pour sa part que les panneaux solaires chinois sont actuellement vendus à 59 cents par watt. Il considère ni plus ni moins que la limitation à 7 gigawatts donnerait à Pékin une part garantie du marché.

Certains pourront donc considérer cet accord comme une « reculade » alors qu’en juin dernier, après des mois de conflits, Bruxelles avait imposé un droit de douane antidumping de 11,8% sur les importations de panneaux solaires chinois, lequel devait passer à 47,6 % le 6 août prochain en l’absence d’accord entre les deux parties d’ici là.
A cette date, le commissaire européen chargé du Commerce, Karel de Gucht avait justifié ces mesures   en arguant que les panneaux solaires chinois étaient vendus en Europe à un prix de près de 90% inférieur à leur coût, conduisant les constructeurs européens à supprimer des milliers d’emplois.
Début juillet, la Chine avait proposé de plafonner à dix gigawatts ses exportations annuelles de composants solaires vers l’UE, à condition que ces derniers soient exempts de droits de douane ou taxés à un faible taux.

L’affaire est d’autant moins achevée que le contentieux relatif aux panneaux solaires avait conduit Pékin à ouvrir une enquête officielle sur les conditions de production et de financement des vins produits dans la communauté et commercialisés en Chine. Laissant ainsi pointer la menace d’éventuelles mesures de rétorsion susceptibles d’impacter la France, l’Espagne et l’Italie.
Or, aucune précision n’a été fournie à l’heure actuelle au sujet d’un éventuel abandon de cette action.

A Paris, la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, a salué avec prudence l’accord conclu samedi.
« La France a toujours plaidé pour une résolution de ce conflit par la négociation et pour un strict respect des règles du commerce international », a-t-elle ainsi rappelé dans un communiqué. Ajoutant prudemment attendre «de connaître les termes exacts de cet accord avant de se prononcer ». Souhaitant également qu’en retour, « les autorités chinoises mettent fin à l’enquête antidumping lancée sur le vin européen. »

Reste que l’Union européenne est le premier partenaire commercial de la Chine, l’Empire du Milieur étant quant à lui le deuxième partenaire pour les Européens derrière les Etats-Unis.
Les exportations chinoises vers l’Europe ont atteint 290 milliards d’euros en 2012 et les exportations européennes vers la Chine, 144 milliards d’euros. De quoi faire réfléchir les négociateurs …

Sources : Reuters, AFP

Elisabeth STUDER – www.leblogfinance.com – 27 juillet 2013


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