Air France: Valls ne fait pas peur aux pilotes en grève

Malgré des pressions de plus en plus fortes pour arrêter la grève, les pilotes d’Air France ont conditionné vendredi soir la fin du conflit à la nomination d’un médiateur indépendant, une proposition rejetée par Matignon et la direction du groupe.

La compagnie aérienne avait annoncé un peu plus tôt avoir proposé aux syndicats de pilotes un plan « de sortie de crise » sur la base inchangée de son projet Transavia France, la filiale low cost hexagonale mais avec l’abandon définitif de Transavia Europe.

Selon les termes du protocole, la direction maintient la nécessité d’employer les pilotes « aux conditions d’exploitation et de rémunération de Transavia France, afin de garantir la compétitivité de cette dernière ainsi que son développement en complémentarité avec le réseau Air France ».

« Les propositions faites par la direction d’Air France ne répondent pas aux préoccupations de la profession », a réagi dans la soirée le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL, majoritaire), estimant que le PDG du groupe d’Air France-KLM Alexandre de Juniac « a démontré son incapacité à mener un dialogue social respectueux ».

Pour mettre un terme à la situation, « nous demandons que le gouvernement nomme au plus vite un médiateur indépendant », a indiqué le porte-parole du SNPL, Guillaume Schmid, à l’AFP.

Le non de Matignon

Une proposition aussitôt rejetée par Matignon, qui a jugé qu’une solution de sortie du conflit était déjà « sur la table ». « Les médiations sont utiles lorsque le dialogue social n’a pas lieu, dans le cas d’Air France il a eu lieu. Depuis 12 jours la négociation a été intense, des avancées ont été faites par la direction. La négociation est maintenant arrivée à son terme », a fait savoir le cabinet du Premier ministre Manuel Valls dans une déclaration à l’AFP. Et d’ajouter : « Il n’y a pas lieu de relancer une nouvelle négociation avec un médiateur. Chacun est maintenant face à ses responsabilités ».

Manuel Valls avait dans l’après-midi stigmatisé « l’attitude égoïste » des pilotes de ligne, en grève depuis le 15 septembre contre les conditions de développement de la filiale low cost de la compagnie aérienne, Transavia. Le Premier ministre avait demandé aux grévistes de renoncer à leur revendication principale – un « contrat unique » pour les pilotes d’Air France et de Transavia-, car incompatible avec le modèle du low cost.

Le préavis de grève court jusqu’au 30

Les pilotes redoutent de voir leur statut Air France (avantages au comité d’entreprise, couverture santé, temps de récupération plus longs) fondre au profit de celui proposé chez Transavia, moins avantageux. Le préavis de grève du SNPL court jusqu’à mardi 30 septembre inclus. Le Spaf, deuxième syndicat représentatif, s’est aligné vendredi sur cette date, accusant la direction d’être « responsable du pourrissement de la situation ».

La direction d’Air France a également rejeté la nomination d’un médiateur et s’est dite surprise de voir les représentants des pilotes quitter la salle des négociations vendredi alors que « la discussion se passait bien ». « Nous n’étions pas loin de trouver une solution », a assuré Eric Schramm, porte-parole. Il a surtout souligné que la situation de l’entreprise devenait « extrêmement délicate » avec des pertes de 20 millions d’euros par jour, soit déjà 240 millions. 

Ce samedi, la compagnie estime pouvoir assurer plus d’un vol sur deux, une légère amélioration par rapport à la veille (48%). Vendredi, les taux d’annulation sont restés très élevés à Marseille (85%), Toulouse (84%), Nice (69%) ou Roissy (près de 50%), contrairement à Rennes (25%). Comme depuis le 15 septembre, au premier jour de la mobilisation, les grévistes resteront majoritaires samedi, à 57% selon Air France.

Les effets financiers de la grève

A la Bourse de Paris, l’enlisement des négociations s’est traduit par une chute de 15% du titre Air France-KLM depuis le 11 septembre. Détenu à 16% par l’Etat, AF-KLM, numéro deux européen derrière l’allemand Lufthansa, n’entend pas sacrifier ses ambitions dans le transport aérien à bas coûts, où se nichent des « opportunités de Alexandre de Juniac.

Son plan stratégique « Perform 2020 », qui prendra en janvier le relais du plan de restructuration « Transform 2015 », vise à tenter de combler le retard pris face à Ryanair et easyJet, les deux poids lourds du secteur.

Vendredi midi, une manifestation de salariés opposés à la grève a rassemblé environ 200 personnes devant le siège d’Air France à Roissy. Les professionnels du secteur (aéroports, voyagistes, etc.) ont eux souligné que cette grève était « catastrophique pour le secteur aérien français ».


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