Analyse et Stratégie : Au grand jeu des prévisions, ce sera bien plus compliqué en 2018

C’est un bon cru pour les marchés d’actions. L’année 2017 se termine à Paris sur un gain de l’ordre de 10% selon le Cac 40. C’est encore bien mieux aux Etats-Unis, où les grands indices ont enquillé les records. Le Dow Jones bondit de 25% sur douze mois, dont onze gagnants, du jamais vu depuis 1958, et le Nasdaq Composite 29%. La réforme fiscale promise par Donald Trump, votée au forceps et au prix de nombreux amendements par rapport à la proposition initiale, a naturellement été l’élément déterminant de l’année et son principal catalyseur.

Et maintenant ? Pour la plupart des grandes maisons de gestion qui, comme chaque fin d’année, se sont livrées à l’exercice des prévisions, il ne faut pas s’attendre à ce que 2018 soit aussi faste. Le regain de volatilité, que l’on anticipait déjà en 2017, pourrait cette fois se matérialiser. Les banques centrales devront encore manier la politique monétaire avec le plus grand doigté, en particulier le nouveau président de la Fed à compter de février, Jerome Powell. La Banque centrale européenne devra, elle, encore compter sur le dynamisme économique de la zone euro qui semble s’être installé pour asseoir la « forward guidance » avancée au dernier trimestre de 2017. Dans ce cadre, l’inflation sera une nouvelle fois l’un des éléments les plus suivis, voire le plus suivi, dans tous les grands pays du monde.

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Voici dans le détail les prévisions des grandes maisons de gestion pour 2018 :

Morgan Stanley prédit une année moins faste pour les actions

« L’environnement macro demeurera positif en 2018. Nous pensons toutefois qu’une nouvelle année de gains importants sur fond de faible volatilité est peu probable. Les marchés d’actions surperforment l’économie réelle depuis plusieurs années mais ils auront du mal à le faire à nouveau l’année prochaine. » Le climat devrait se détériorer au fil de l’année avec une poussée de la volatilité, prédisent-ils en prévoyant notamment une dégradation des indices PMI sur l’activité du secteur privé, notamment en Chine, avec un impact sur l’économie mondiale. Morgan Stanley évoque en outre une accélération du rythme du resserrement monétaire à l’échelle mondiale, avec comme conséquences un écartement des spreads de crédit, davantage de volatilité et l’aplatissement de la courbe des taux aux Etats-Unis avec un resserrement de l’écart de rendement entre les taux courts et les taux longs.

Invesco optimiste sur les actions mais vigilant sur les USA

Les économistes d’Invesco restent optimistes sur les perspectives de croissance des marchés actions en 2018 malgré des niveaux de valorisation élevés, une légère décélération attendue de la croissance mondiale et une inflation qui devrait rester modeste : « La période de décélération qui s’annonce n’est toutefois pas synonyme d’une période difficile pour les actions. En 2018, les meilleurs retours sur investissements seront encore une fois à rechercher parmi les actions et l’immobilier ». Aux Etats-Unis, Invesco surveille notamment l’indice PE de Shiller. Ce ratio cours/bénéfices lissé sur dix ans, qui mesure la cherté du marché à long terme, a rarement été aussi élevé qu’aujourd’hui. Un PE de Shiller même élevé n’est pas une raison suffisante pour provoquer une correction mais, « en cas de retournement de tendance, un tel niveau de valorisation pourrait présager une chute brutale des cours ».

Les actions à privilégier, la volatilité pourrait remonter – Macquarie

La combinaison d’une croissance économique solide et d’une inflation faible a permis aux actifs risqués de fortement progresser en 2017, mais « ce rally a été parmi les moins aimés dans l’histoire », en raison des craintes de beaucoup d’investisseurs sur les valorisations et les risques de nouveaux chocs. Selon Macquarie, trois facteurs devraient déterminer si les marchés d’actions pourront continuer à croître tranquillement en 2018 ou si les investisseurs feront face à une année beaucoup plus mouvementée : l’impact du retrait des liquidités des banques centrales – « un changement fondamental, comparable au mélange d’éléments combustibles avec un résultat incertain » -, le maintien ou non d’une croissance chinoise assez forte pour soutenir la demande en matières premières et une possible erreur de pilotage des politiques monétaires.

Inflation et volatilité pourraient semer le trouble – Vanguard

« Les risques pour l’année à venir résident dans une possible confusion entre des tendances durables liées aux évolutions démographiques, aux changements technologiques et à la mondialisation et l’évolution du cycle économique au cours de l’année prochaine (…) Nous anticipons un peu plus de volatilité et une accélération de l’inflation accompagnées de rendements sur les actions plus faibles (…) et les probabilités de chocs inattendus pour les marchés sont élevées. » Pour Vanguard, c’est aux Etats-Unis que le consensus risque le plus d’être mis à mal en raison d’un marché du travail déjà très tendu et qui va se tendre plus encore, poussant le taux de chômage sous les 4%. Cela entraînera une remontée cyclique des salaires et de l’inflation qui devrait justifier un relèvement des taux directeurs par la Réserve fédérale, au moins jusqu’à 2%, d’ici la fin 2018.

Le soutien des banques centrales restera capital – Deutsche AM

La filiale de la banque allemande table sur une remontée « modérée » des rendements des emprunts d’Etat, une poursuite de la hausse des actions, un regain de vigueur du dollar et une stabilité du prix du pétrole. « L’augmentation des bilans des banques centrales n’est pas terminée. Le ‘peak QE‘ est attendu pour la fin de l’année prochaine, peut-être même début 2019 (…) La monnaie créée au Japon et dans la zone euro doit aller quelque part. La BoJ et la BCE produisent une demande additionnelle de bons du Trésor américain. » Deutsche Bank AM table sur trois hausses de la Fed l’an prochain, ainsi que sur une remontée du rendement à dix ans américain entre 2,6% et 2,8%, contre un peu plus de 2,3% actuellement.

Le débat sur le taux de dépôt de la BCE inéluctable – JPMorgan AM

La Banque centrale européenne (BCE) pourrait ouvrir dès l’an prochain le débat sur l’opportunité d’une remontée de son taux de dépôt, qui reste fixé à -0,40%. « Peut-être que l’action sera pour 2019 mais toutes choses égales par ailleurs, compte tenu de la dynamique actuelle en Europe, d’une inflation stable, du fait que l’’output gap’ sera clos l’an prochain, du fait que les créations d’emplois continuent, il y a quand même une opportunité pour le faire. Et il faut se réarmer pour une période qui pourrait être plus chahutée après 2019 si les Etats-Unis sont vraiment au bout du cycle. »

« Aujourd’hui, le secteur bancaire a une taxe qui est inouïe au niveau européen : 1.000 milliards d’euros sur la facilité de dépôt de la BCE taxés à 40 points de base. Le jour où on revient à zéro ou à un niveau positif, vous imaginez le ‘boost’ sur la rentabilité ! »

En Europe, Deutsche Bank mise sur la Suisse et l’Espagne

« Notre allocation tactique par pays (à un horizon de six mois) reflète notre opinion selon laquelle la tendance des PMI de la zone euro va s’estomper, maintenant une pression à la baisse forte sur les indices cycliques. En conséquence, nous sommes sous-pondérés sur l’Allemagne, la France et l’Italie et surpondérés sur la Suisse. » Pour la France et l’Italie, au-delà du risque de ralentissement de la tendance des indices d’activité, Deutsche Bank, note que ces deux marchés semblent chers avec des PE de Shiller à des plus hauts post-crise. Elle souligne que le marché italien serait vulnérable à une montée du risque politique avant les élections à venir, au plus tard en mai. 

La Chine candidate à une crise mais pas tout de suite – Pictet

« La Chine a totalement modifié la régulation de l’économie mondiale et, étant donné sa taille actuelle, fait face, comme toute économie émergente qui devient mature, à un défi qui est de faire atterrir son taux de croissance sans krach financier et sans récession, ce qu’aucun pays émergent n’a réussi (…) Pour 2018, on considère que les autorités chinoises vont faire du ‘stop and go’ pour éviter que ça craque. » Par « stop and go », Christophe Donay, de Pictet, évoque le fait pour la banque centrale chinoise d’injecter du crédit et pour les autorités chinoises de soutenir la croissance, notamment par des dépenses d’investissement, quand le ralentissement de l’économie devient trop marqué.

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