Analyse et Stratégie : Deux semaines de travail sont nécessaires pour acheter une unité de S&P 500, plus encore que pendant la bulle Internet

Toujours plus haut. Chaque jour de Bourse ou presque, les indices américains inscrivent de nouveaux records. Vendredi, il y a même eu combo : à la fois, le Dow Jones, le S&P 500 et le Nasdaq Composite ont visité des sommets, encore sous le charme du discours, devant le Congrès, de Janet Yellen, la présidente de la Réserve fédérale américaine.

« La semaine dernière, nous avons pu constater que les marchés financiers pouvaient être sensibles à n’importe quel léger changement dans la communication des banques centrales », fait observer Pierre-Olivier Beffy, chef économiste chez Exane, la filiale « investissement » de la banque BNP Paribas. Si, lors de son audition semestrielle devant les parlementaires, « Janet Yellen n’a pas apporté beaucoup d’éclaircissements sur les perspectives de la politique monétaire », si les boursiers « n’[ont] pas eu tellement plus à [se] mettre sous la dent que ce qui avait déjà été annoncé lors de la réunion du FOMC [le conseil de politique monétaire] en juin », « son ton légèrement plus accommodant que celui de la conférence de presse du FOMC, lorsqu’elle a mis l’accent sur l’incertitude un peu plus grande liée à l’inflation, a déclenché un bond des marchés d’obligations souveraines et d’actions », constate l’économiste pour qui cette réaction « montre la sensibilité des investisseurs à la politique monétaire. »

D'après les contrats futures sur Fed Funds, l'agence Bloomberg calcule que les opérateurs n'attendent plus d'annonce de hausse des taux avant la réunion de mars. A moins d'être renouvelée à son poste, Janet Yellen ne sera plus présidente de la Fed.

D'après les contrats futures sur Fed Funds, l'agence Bloomberg calcule que les opérateurs n'attendent plus d'annonce de hausse des taux avant la réunion de mars. A moins d'être renouvelée à son poste, Janet Yellen ne sera plus présidente de la Fed.

D’après les contrats futures sur Fed Funds, l’agence Bloomberg calcule que les opérateurs n’attendent plus d’annonce de hausse des taux avant la réunion de mars. A moins d’être renouvelée à son poste, Janet Yellen ne sera plus présidente de la Fed.

 | Crédits photo : Bloomberg

D’ailleurs, pour Jamie Dimon, le patron de JPMorgan, de la plus grande banque américaine par les actifs, « la plus grande menace » actuelle pour l’économie, c’est « la sortie de la politique monétaire expansionniste, confiait-il la semaine dernière dans une interview aux Echos. Jamais dans l’Histoire, on a mené une telle politique et jamais a fortiori on a expérimenté la manière dont on en sort ! Ça crée une grande incertitude. » Mais nous en sommes-là où l’absence d’inflation « rend la Fed clairement craintive de relever les taux courts trop vite », analyse Bank of America Merrill Lynch. Désormais, après trois hausses depuis la fin d’année dernière, la Bourse n’en attend plus de nouvelle avant la réunion de mars, d’après les indications données par les contrats futures sur Fed Funds. D’ici là toutefois, la banque centrale américaine aura commencé à réduire son bilan qui s’élève à plus de 4.000 milliards de dollars, hors réserves de changes, gorgé par trois vagues d’achats d’actifs obligataires entre 2008 et 2011. Le top départ devrait être donné lors de la réunion de septembre. Il ne sera pas question pour la Fed de vendre sur le marché les titres de dette qu’elle a acquise mais de les laisser arriver à échéance sans en réinvestir le montant. Certains membres de la Fed, inquiets du niveau actuel de valorisation des marchés boursiers, estiment que l’abondance des liquidités est dangereuse pour la stabilité financière puisqu’elle contribue à une trop grande complaisance des investisseurs face à la prise de risque ; en témoigne la faible volatilité… Le calme avant la tempête pour Bank of America Merrill Lynch.

Attention à la poussée des rendements obligataires

Six mois après avoir prédit un « Big Short » pour cet été, les stratégistes de la division de recherche de la banque américaine estiment maintenant que la Bourse pourrait aller encore un peu plus haut avant de plonger. Les « problèmes » ne manqueront pas d’arriver un peu plus tard dans l’année, « d’abord parce que les banques centrales vont exacerber les inégalités », pointent-ils notamment alors que « le nombre d’heures travaillées qu’il faut pour acheter une unité du S&P 500 [environ 2.450 points, sachant que 1 point = 1 dollar] a atteint un record historique. » Pas loin de 120 heures sont nécessaires pour se payer l’indice américain, en considérant le salaire horaire médian américain, soit quinze jours de travail à un rythme de huit heures par jour… C’est plus que lors de la bulle Internet, mettent en avant les stratégistes dans un graphique ce qui leur fait dire que, au bout du compte, « la Fed ou une autre banque centrale va être forcée d’éclater la bulle plus tard cette année. […] Pour réduire les inégalités, il n’y a que deux façons de faire : vous pouvez rendre les pauvres plus riches ou les riches plus pauvres. »

Considérant le salaire horaire médian américian, près de 120 heures de travail, sont nécessaires pour acheter une unité de S&P 500, plus encore que pendant la bulle Internet.

Considérant le salaire horaire médian américian, près de 120 heures de travail, sont nécessaires pour acheter une unité de S&P 500, plus encore que pendant la bulle Internet.

Considérant le salaire horaire médian américian, près de 120 heures de travail, sont nécessaires pour acheter une unité de S&P 500, plus encore que pendant la bulle Internet.

De toutes les manières, « la combinaison de la hausse du prix des actions et le début de la réduction du bilan en septembre provoquera une poussée des rendement obligataires », poursuivent-ils, se montrant d’autant inquiets que « les banques centrales sont devenues le marché obligataire » : en effet, elles détiennent un tiers (31%) des 49.000 milliards de dollars de l’univers des titres de dette suivis par Bank of America Merill Lynch et « la part des bénéfices qui s’expliquent par les modifications mensuelles dans le bilan des banques centrales a dramatiquement augmenté ces dernières années. Remarquez comment les mois au cours desquels les achats par les banques centrales ont soit décliné, soit été limités coïncident avec les mois durant lesquels les performances sur le marché obligataire ont été faiblardes. » Au final, « alors que les rendements vont progresser, les conditions financières vont se tendre. » Or, les conditions financières sont un indicateur avancé des résultats des entreprises. Et la Bourse évolue en fonction des anticipations que les investisseurs font des bénéfices futurs.

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