Analyse et Stratégie : GESTION-Les marchés ont changé de régime de risque-BFT IM

par Patrick Vignal

PARIS, 24 mai (Reuters) – Alors qu’ils étaient poussés par des vents favorables aux actifs risqués depuis le début de l’année, les marchés financiers ont changé de régime début mai et sont désormais pilotés par des risques géopolitiques qui prennent de l’ampleur, dit-on chez BFT Investment Managers.

Le soutien apporté par la macroéconomie avec la posture plus accommodante adoptée par les grandes banques centrales n’a pas disparu mais ne suffit plus à compenser des incertitudes de plus en plus grandes, notamment sur le front du commerce, dit à Reuters Laurent Gonon, directeur des gestions de la société, filiale d’Amundi.

« On a eu quatre mois, jusqu’à fin avril, avec des marchés portés par les banques centrales qui ont complètement retourné leur politique monétaire en début d’année et qui ont offert au marché un retour vers des configurations porteuses », dit-il.

Mais la donne a changé lorsque Donald Trump a annoncé le 5 mai dernier que 200 milliards de dollars de produits chinois jusque-là soumis à des droits de douane de 10% à leur entrée aux Etats-Unis seraient taxés à hauteur de 25%.

Et la situation pourrait encore empirer si le président américain mettait à exécution sa menace de taxer les 325 milliards de dollars d’importations chinoises qui ne le sont pas encore, fait valoir pour sa part Mabrouk Chetouane, directeur de la recherche et de la stratégie de BFT IM.

« Si la Chine voyait toutes ses exportations vers les Etats-Unis taxées, cela affecterait le secteur exportateur et donc l’activité économique dans son ensemble. Il serait alors possible de voir la prévision de croissance de la Chine tomber en dessous de 6% », dit-il.

« Le moteur chinois serait ralenti, bridé, et, mécaniquement, cela aurait des effets en cascade sur la croissance mondiale et sur celle d’autres zones économiques, notamment la zone émergente. »

Pour l’instant, l’environnement global des marchés n’a rien de catastrophique, soulignent les deux experts de la société de gestion.

LES OBLIGATIONS CONVERTIBLES PLAISENT

« Les aspects macroéconomiques sont un facteur de soutien parce que, même s’il y a un ralentissement, on évite la récession, on reste au-dessus du potentiel et il n’y pas d’inflation et pas trop de dérapages avec une visibilité qui est plutôt bonne », dit Laurent Gonon.

« Par contre, sur tout ce qui est risques géopolitiques, on revient dans un environnement avec zéro visibilité, de grosses incertitudes et le retour de la volatilité. »

La conséquence pour les gestions de BFT IM est une réduction du niveau de risque des portefeuilles, notamment sur les actifs risqués les plus exposés à la thématique commerciale, comme les actifs émergents.

« Sur les actions, on privilégie plutôt l’Europe, qui n’est pas complètement au coeur de la guerre commerciale, avec des signaux macroéconomiques plutôt positifs et des valorisations intéressantes par rapport à d’autres zones », dit Laurent Gonon.

« Dans le contexte actuel, il y a une classe d’actifs que l’on aime bien, ce sont les obligations convertibles, parce qu’elles permettent d’avoir une approche un peu plus défensive dans ce contexte incertain et qu’elles fonctionnent bien parce que le crédit résiste bien. »

Du côté de l’obligataire, la dette souveraine est peu attrayante dans un environnement de taux bas, explique le directeur des gestions de BFT IM.

« Il faut aller chercher du rendement vers le crédit, qui est aujourd’hui une source de performance, notamment le ‘high yield’ européen, moins endetté que les boites américaines. »

La question qui agite les marchés et perturbe les prévisions des économistes est de savoir jusqu’où Donald Trump est capable d’aller.

« Trump a-t-il un intérêt, d’un point de vue économique, à aller sur ces 325 milliards ? La réponse est non. Le problème est que, d’un point de vue politique, cette stratégie est payante dans le but de préparer les primaires et l’élection présidentielle de 2020 », explique Mabrouk Chetouane.

« On parlera de guerre quand tout sera taxé et tous les coups seront permis. Pour l’instant, il reste de la marge de négociation, comme on vient de le voir avec le délai accordé à Huawei pour trouver un terrain d’entente. »

(Edité par Marc Angrand)


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