Analyse et Stratégie : Les Etats-Unis, importateurs d'iPhones « made in China » et exportateurs de BMW… Pas très claires les raisons de la guerre commerciale de Trump

« Make America Great Again ». Pensez donc : la Chine ne peut tout de même pas devenir la première puissance économique mondiale sous la présidence de Donald Trump ; c’est interdit par le règlement intérieur de son orgueil. S’il veut éviter cet affront, le président américain doit faire vite. Selon le cabinet d’informations économiques IHS, la création de richesse par la Chine dépassera celle des Etats-Unis en 2024 si l’on retient, comme outil de mesure, le PIB nominal. Pile dans la dernière année du second mandat de Donald Trump. Parce que, avertit Thierry de Montbrial, fondateur et président de l’Institut français des relations internationales (Ifri), « ce serait une erreur majeure de penser qu’il ne fera qu’un mandat, il sait diviser ses adversaires. »

Trump le Spartiate

Un peu à la façon de Sparte, constatant la rapide ascension d’Athènes, Donald Trump est parti en guerre (commerciale) contre la Chine. L’économie étant une arme, il a prétexté le creusement du déficit commercial pour ériger des barrières douanières. La semaine dernière, Washington a confirmé qu’elle appliquerait une surtaxe de 25% sur un millier de marchandises importées de Chine, soit pour 50 milliards de dollars de produits. Sont concernés, pour une taxation effective à partir du 6 juillet, un peu plus de huit cents produits d’équipements pour l’industrie (34 milliards de dollars) : les moteurs d’avions, les compresseurs d’air pour réfrigérateurs, des pièces détachées pour plateformes de forage pétroliers, les transformateurs électriques, les pièces détachées pour télévisions ou encore les batteries à lithium. Dans une seconde vague, ce sera au tour des produits dits à « haute technologie », identifiés comme prioritaires par Pékin dans le cadre de son plan « Made in China 2025 », d’être imposés.

Sur dix produits chinois qui sont importés aux Etats-Unis, quatre sont des produits de technologie. « La Chine exporte pour 70 milliards de dollars de téléphones portables aux Etats-Unis », faisait remarquer, début juin, Catherine Guarrigues, responsable de la gestion actions chez Allianz GI, lors de la présentation des perspectives de marchés pour le second semestre. Mais, « ce n’est pas si simple », Apple ayant délocalisé la totalité de sa production en Chine…. L’iPhone est donc un produit d’exportation chinois. 310 millions d’iPhones actifs en Chine, deux fois plus qu’aux Etats-Unis, c’est autant de milliards de dollars de manque à gagner en exportation pour les Etats-Unis. Viendra-t-il à l’idée de Donald Trump de taxer les produits Apple qui rentrent aux Etats-Unis ? D’après le New York Times, le président a tenu à rassurer Tim Cook lui assurant que le groupe serait épargné. N’empêche que le patron de la marque la plus puissante du monde craint des représailles de la Chine à son égard. Pékin pourrait par exemple perturber sa chaîne d’approvisionnement. L’administration n’a pas hésité, rapporte Reuters, à bloquer les voitures Ford dans les ports chinois, leur imposant des contrôles douaniers accrus.

En 2017, les Etats-Unis avaient un déficit commercial de 375 milliards de dollars avec la Chine et de 64 milliards avec l'Allemagne.

En 2017, les Etats-Unis avaient un déficit commercial de 375 milliards de dollars avec la Chine et de 64 milliards avec l'Allemagne.

En 2017, les Etats-Unis avaient un déficit commercial de 375 milliards de dollars avec la Chine et de 64 milliards avec l’Allemagne. | Crédits photo : Bloomberg

Les X5 de BMW sont produits aux Etats-Unis

Si les Etats-Unis sont toujours devant la Chine dans la « tech » – il n’y a qu’à voir ZTE, l’équivalent chinois de Samsung, paralysé parque les américains ne le livrent plus -, leur leadership est contesté (au début d’année, Tencent a d’ailleurs bouté brièvement Facebook du Top 5 des capitalisations mondiales) comme ce fut le cas, sous Reagan, avec l’industrie automobile alors menacée dans sa toute-puissance par le Japon. Aujourd’hui, le premier constructeur américain, est loin derrière les groupes Toyota (n°3), Volkswagen et l’alliance Renaut-Nissan (si on y inclut Mitsubishi).

Pas étonnant aussi que le président Trump, furieux du trop grand nombre de Mercedes sur la Cinquième Avenue, en ait également après les voitures importées qu’il menace, là aussi, d’une taxe de 25%. Surtout que, au rang des pays avec lesquels les Etats-Unis ont le plus gros déficit, l’Allemagne figure en quatrième place. Mais, encore une fois, rien est simple puisque, comme l’indiquait Mme Guarrigues, « BMW est un exportateur net des Etats-Unis. » Le constructeur produit 370.000 véhicules aux Etats-Unis, en vend 100.000 sur place et en exporte 270.000. Cela se complique sachant que BMW vend au total 350.000 voitures sur le territoire américain… 250.000 sont donc importés. La raison ? Le groupe allemand a organisé ses usines par modèle. Lorsqu’un Européen achète une X5, elle est produite aux Etats-Unis. Lorsqu’un Américain achète une Série 5, elle vient d’Allemagne. C’est aussi cela la globalisation, une spécialisation par région de l’outil industriel.


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