Asphyxiés, les hôpitaux veulent s’imposer dans le grand débat

La santé est-elle la grande oubliée d’Emmanuel Macron, dans son effort de calmer la fronde des gilets jaunes? C’est ce que déplore amèrement Frédéric Valletoux, le président de la Fédération des hôpitaux de France (FHF) et maire de Fontainebleau, qui regroupe les 1.000 hôpitaux publics et plus de 3.800 établissements médico-sociaux publics en France. « La santé n’est pas inscrite directement dans les sujets du grand débat national [qui est organisé du 15 janvier à la mi-mars, NDLR] », a-t-il martelé lors de ses vœux à la presse, jeudi 24 janvier. « Nous avons la volonté de profiter de l’occasion pour pousser nos idées. Il y aura une contribution des hospitaliers! »

Cela fait plusieurs semaines que Frédéric Valletoux interpelle le sommet de l’Etat pour exprimer « regret et stupéfaction » au sujet des problématiques retenues par le gouvernement dans le cadre du grand débat. « Faire l’impasse sur le sujet des hôpitaux et de l’accès aux soins constituerait une erreur majeure alors qu’il s’agit de l’une des préoccupations les plus prégnantes des Français », a-t-il lancé dans une tribune dans Le Parisien le 16 décembre. Puis début janvier, il a directement écrit une lettre à Emmanuel Macron, dévoilée par le JDD: « De plus en plus de Français renoncent encore à se faire soigner, soit pour des raisons économiques, soit parce qu’ils vivent dans des « déserts médicaux ». » Une lettre à ce jour sans réponse.

Le projet de loi santé, texte de «technocrates»

Qu’à cela ne tienne, c’est au niveau local que la FHF compte maintenant s’imposer. « La crise des gilets jaunes est aussi une crise d’un certain rapport à l’Etat », tacle au passage Frédéric Valletoux. Lors de son dernier conseil d’administration, le 23 janvier, elle a décidé de « rédiger un vœu » qui va être adressé « dans les prochains jours » aux élus des collectivités territoriales (villes, départements, régions) pour qu’ils le votent. Financement de la recherche et de l’innovation, allègement de la gestion administrative qui « asphyxie » les établissements ou encore davantage de concertation entre les pouvoirs publics et les acteurs du système de santé, ce texte réaffirme les « grands principes » qui doivent, selon la FHF, guider toute réforme future du secteur sanitaire et médico-social.

Car, au-delà du grand débat, le calendrier n’est pas anodin: le projet de loi santé doit être présenté en conseil des ministres le 13 février prochain. Et pour Frédéric Valletoux, qui dénonce un texte rédigé par des « technocrates » sans avoir fait l’objet d’une « réelle concertation » des professionnels sur le terrain, « ce n’est pas une loi santé mais à nouveau une loi hospitalière ». En clair, elle a été « pensée comme si l’hôpital était le seul enfant malade du système de santé ». La FHF « exige » donc aujourd’hui d’avoir son mot à dire « sur les ordonnances et décrets à venir ».

Le «grand hold-up»

En tout état de cause, prévient Frédéric Valletoux, « le projet de loi est sans doute compromis si aucun accompagnement financier de court terme n’est donné aux hôpitaux ». Pour le président de la FHF, les hôpitaux ont subi la plus grosse part des efforts d’économies réclamés à la santé publique, alors qu’ils pèsent moins dans les dépenses. Les dépenses des établissements de santé ont ainsi augmenté de 1,76% par an ces quatre dernières années, contre 2,66% pour la médecine de ville. « De 2005 à 2019, les établissements de santé se sont vu imposer des plans d’économies à hauteur de plus de 8,6 milliards d’euros! » Il dénonce un « grand hold-up ».

Afin que les efforts ne se fassent plus « que sur le dos des établissements de santé », Frédéric Valletoux réclame une refonte complète de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam) -créé en 1996 et fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour fixer une estimation prévisionnelle des dépenses de santé– qu’il juge « obsolète ». D’autant que, conclut, le président de la FHF, la situation financière des hôpitaux publics est restée « très tendue » en 2018. Leur déficit devrait « approcher le milliard d’euros », y compris après le dégel de crédits mis en réserve décidé en fin d’année. En 2017, il avait doublé, à 890 millions d’euros.

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