Assurance à la demande : peut-elle devenir la norme ?

Une assurance utile, transparente et à la portée de toutes les bourses, tels sont les arguments le plus souvent avancés en faveur de l’assurance à la demande. Portée pour le moment par de nouveaux acteurs tels que Valoo et Revolut, tient-elle vraiment ces promesses ? Peut-elle à terme remplacer l’assurance traditionnelle ? Eléments de réponse.

Vous ignorez ce qu’est l’assurance à la demande… Rien d’anormal, ce nouveau pan de l’assurance reste encore à ses prémisses. Comme son nom l’indique, l’assurance à la demande permet de s’assurer ponctuellement, quand on en ressent le besoin, et instantanément, souvent depuis son smartphone. Apparue au début des années 2010 – pas surprenant, elle va de pair avec l’essor du numérique et du mobile – elle a fait son entrée en France seulement cette année, introduite par quelques nouveaux acteurs.

La néobanque britannique Revolut est la première à avoir lancé une offre de ce type dans l’Hexagone. Depuis janvier 2018, elle propose à ses utilisateurs d’activer d’un simple clic une assurance voyage facturée 1€ par jour. De son côté, Valoo – jusqu’alors une plateforme pour répertorier ses biens et faciliter la déclaration de sinistres – permet depuis mars de les assurer à la journée. « Nous couvrons les smartphones, l’équipement informatique, son et vidéo ou encore certains accessoires de sport et instruments de musique », indique David Gascoin, cofondateur de la start-up. Pour ce faire, Valoo a noué un partenariat avec l’assureur Altima, filiale « tech » de la Maif. Plus récemment encore, la jeune pousse rennaise Insurlytech a lancé Leocare avec l’assureur Generali. Cette offre permet d’activer et de désactiver des clauses à ses contrats auto et habitation.

Si les assureurs commencent à peine à s’intéresser au concept, de nombreux observateurs pronostiquent que ces formules vont se développer. L’assurance à la demande correspond aux « nouveaux modes de vie des assurés », explique ainsi Patrice Bernard, consultant en transformation digitale. « Nous sommes dans un monde où les consommateurs veulent avoir accès à des services instantanément, peu importe l’endroit où ils se trouvent, sans complication et pour pas trop cher ». En ce sens, « l’assurance à la demande leur donne l’impression qu’ils sont couverts au moment où ils en ont besoin et de ne pas avoir souscrit une police d’assurance inutilement », poursuit le consultant.

« L’objectif de l’assurance à la demande n’est pas d’être économique »

La transparence et la maîtrise des frais sont en effet les deux arguments mis en avant par les sociétés proposant de l’assurance à la demande. A son activation, l’assuré connaît exactement le tarif journalier appliqué. Et comme il peut activer la couverture seulement quelques jours, cela lui permet de maîtriser son coût. Toutefois, comme l’indique Patrice Bernard, « l’objectif de l’assurance à la demande n’est pas de proposer une assurance économique, mais de redonner le contrôle aux assurés ». En cas d’usage répété et prolongé, celle-ci peut même devenir plus onéreuse qu’une formule classique. Ainsi, une assurance smartphone souscrite à l’année coûte entre 7 et 20 euros par mois selon les opérateurs et les garanties. Chez Valoo, assurer son smartphone pendant une journée est facturé 1 euro en général, soit 30 euros par mois. Un surcoût venant de la flexibilité même de l’assurance à la demande.

Contrairement à l’assurance à la demande, l’assurance traditionnelle repose sur l’aléa et la mutualisation des risques. Les assureurs s’appuient sur les cotisations des assurés n’ayant pas subi de dégâts pour indemniser les sinistrés. Problème, dans le cas de l’assurance à la demande, la garantie est activée à l’occasion et lorsque le risque encouru augmente. Résultat, pour arriver à l’équilibre – c’est-à-dire pour que les cotisations perçues soient au moins égales aux indemnités versées – les assureurs imposent des tarifs journaliers plus élevés que dans le cadre d’une assurance à l’année. Pour limiter la facture, l’assurance à la demande doit donc répondre à un besoin ponctuel.

Satisfaire de nouveaux besoins

Plus que son prix donc, ce sont davantage les évolutions des modes de vie qui peuvent porter ce nouveau type d’assurance. En premier lieu, la mobilité. « Si je me fais voler mon appareil photo à l’étranger, généralement mon assurance multirisques habitation ne fonctionnera pas », souligne David Gascoin de Valoo.

Plus spécifiquement encore, la start-up veut cibler en premier lieu les jeunes, mobiles, et qui ne sont pas déjà assurés par ailleurs. « Auparavant, on souscrivait sa première assurance lorsqu’on achetait sa première voiture ou lorsqu’on quittait le domicile familial. Demain, les gens vont rentrer dans l’assurance parce qu’ils auront un smartphone, un ordinateur, un vélo… des objets en mobilité et coûteux », explique le co-fondateur de Valoo.

Le danger de la « sur-assurance »

Parce qu’elle ne couvre pas les mêmes risques, l’assurance à la demande ne remplace donc pas les assurances obligatoires comme l’assurance habitation ou l’assurance auto, mais les complète. En revanche, elle concurrence directement les assurances facultatives : les assurances voyage ou de biens par exemple. Des garanties parfois souscrites sans le savoir ou sans connaître l’étendue de leur couverture. C’est le cas par exemple de l’assurance perte ou vol des moyens de paiement souvent incluse d’office dans les packages bancaires, qui couvre parfois aussi le vol des clés, du sac, du téléphone et autres appareils multimédias intervenu en même temps que celui de la carte bancaire ou du chéquier. Autre exemple, les cartes haut de gamme intègrent des assurances et des services d’assistance, notamment en voyage.

Avec l’assurance à la demande, il y a donc un danger de s’assurer pour un risque déjà couvert par ailleurs. Pour éviter ce qu’on peut appeler la « sur-assurance », Valoo explique dialoguer avec ses partenaires. « Certaines start-ups informent les consommateurs des assurances dont ils disposent [c’est le cas notamment de Fluo, ndlr]. De notre côté, nous avons une obligation de conseil […]. Nous mettons en place avec nos partenaires assureurs une stratégie de cobranding nous permettant de reconnaître un internaute déjà client de Macif, Maif ou encore Matmut. Demain, on veut aller plus loin en analysant les contrats et les clauses couvertes et en ne proposant que les garanties complémentaires ».

Et après-demain alors…

Même si les formules « à la demande » ne pourront, par définition, pas remplacer les assurances légalement obligatoires, les technologies sous-jacentes devraient ouvrir de nouvelles perspectives pour le secteur. Pour Patrice Bernard, grâce à l’analyse de données, l’assurance à la demande actuelle ne serait qu’une étape vers une assurance encore plus personnalisée et activée sans intervention de l’assuré. « Prenez un contrat habitation. A l’avenir, un assureur pourrait moduler la couverture en fonction de certaines conditions : si on est présent à son domicile, si au contraire l’habitation est vide, si on organise une soirée, si on loue son logement… Chacune de ces périodes correspondant à un niveau de risque différent, les primes seraient adaptées instantanément », conclut le consultant spécialisé.

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