Autriche : initiative populaire pour un retrait de l’UE … d’un partenaire stratégique de Gazprom

Simple hasard ? Permettez-moi d’en douter … alors que nous laissons entendre déjà depuis de nombreux mois que le groupe pétrolier ‘autrichien pourrait être le cheval de Troie guidé par la Russie pour pouvoir s’insérer chaque jour un peu plus sur le marché européen du gaz via notamment la plate-forme – autrichienne – de transit gazier de Baumgartner, l’« Initiative populaire pour le retrait de l’UE » a été déposée le 17 décembre dernier auprès des autorités compétentes autrichiennes.

Objectif affiché : demander une « votation populaire » pour le retrait de l’Autriche de l’Union européenne.  Arguments invoqués : selon l’Initiative populaire, presque toutes les promesses faites avant l’adhésion à l’UE il y a vingt ans, ayant mené à son acceptation par les votants, auraient été bafouées.

Selon elle, « au lieu d’avoir favorisé une progression, on a assisté à une débâcle de l’Autriche dans presque tous les domaines : augmentation du chômage, accroissement des dettes de l’État, baisse du pouvoir d’achat pour la grande majorité des gens, hausse de la criminalité, disparition presque totale de la petite paysannerie et détérioration de l’environnement ».

D’après l’Itiniative populaire, « les décisions de l’UE sont dictées, selon l’avis de larges franges de la population, par les multinationales du nucléaire, de la technique génétique et de la chimie ainsi que par des chaînes commerciales internationales ne laissant aucune chance à un approvisionnement de proximité respectueux de la nature et garanti également en cas de crise ».

Des arguments certes dotés d’une certaine pertinence … mais auxquels il faut rajouter d’autres un peu plus sujets à caution … et laissant entrevoir une relation quelque peu privilégiée avec la Russie, justement. Parmi eux, le fait que « la participation de l’Autriche aux sanctions contre la Russie » soit « incompatible avec sa neutralité perpétuelle inscrite dans sa Constitution ». Le ton se veut même on ne peut plus ferme, l’Initiative Populaire, déclarant « nous voulons une Autriche libre et neutre, qui ne soit pas une « colonie » de Bruxelles ou de Washington ».

Avec au final, l’énoncé d’un des enjeux majeurs : « les négociations secrètes menées depuis plusieurs années entre l’UE et les États-Unis/Canada pour créer un traité de libre-échange transatlantique (appelé TAFTA ou TTIP en anglais et PTCI en français) ne seraient pas valables pour nous si nous n’étions plus membres de l’UE. Il en irait de même pour les contributions nettes que l’Autriche doit payer en tant que membre de l’UE depuis vingt ans. »
L’Initiative Populaire enfonce même le clou : « l’Autriche ne reçoit en retour qu’une faible partie de ces trente milliards de schillings autrichiens qu’elle doit verser annuellement, ce retour étant taxé faussement d’« aides financières » par l’UE estime-t-elle.
Selon elle, il s’agit, « d’une perte nette depuis vingt ans pour l’Autriche, contribuant ainsi à la réduction de la politique sociale et des prestations sociales de l’État en faveur de la population en général. »
Reste que l’Autriche pourrait être tentée de sortir de l’UE pour mieux se tourner vers la Russie, voire l’Iran, et s’affranchir de la législation europénne, le tout pas forcément pour une plus grabnde liberté de son peuple … Encore une fois, la manipulation de masse pourrait être d’un grand secours pour peuvrer en faveur des groupes énergétiques russes et/ou lutter contre les majors pétrolières US.
– L’Autriche pourrait devenir pays de transit pour le gaz en provenance d’Iran à destination de l’UE – 

En septembre dernier, nous indiquions ainsi que selon les propos même du président iranien Hassan Rouhani, l’Iran était prête à d’exporter du gaz en Europe à travers le territoire autrichien. Une information que j’avais à cette date qualifiée d’intéressante à plus d’un titre quand on sait que l’Autriche  constitue parallèlement une sorte de cheval de Troie envoyée par la Russie pour d’une manière ou d’une autre rendre l’Union européenne dépendante. Via notamment un jeu subtil de transit à travers les pipelines qui sillonnent l’Europe.

Selon Shana News, lors d’une rencontre avec le Président autrichien Hans Fischer à New-York (…. !), le ministre iranien du pétrole a en effet déclaré que l’Iran pourrait être un point central pour la fourniture d’énergie vers l’Europe.
Selon les officiels iraniens en charge du secteur de l’énergie, la construction du pipeline IGAT-9 (Iran Gas Trunkline-9) devrait permettre d’améliorer la fourniture de gaz dans la partie ouest du pays et de faciliter les futurs exports de gaz vers les pays européens.

Ali-Reza Gharibi, le responsable opérationnel de la compagnie iranienne de développement et d’ingénierie du gaz, a par ailleurs déclaré que le gazoduc long de 1800 kilomètres, s’étendra d’Assaluyeh dans le Sud de l’Iran vers les provinces occidentales et nord-occidentales.

Précisons que la National Iranian Gas Company (NIGC) projette d’investir 8.5 billion de dollars dans le pipeline IGAT-9, (connu comme étant l’Europe Gas Export Line). Lequel transitera par le Kurdistan, l’Azerbaijan avant d’atteindre les frontières de la Turquie.

– L’Autriche …. une position on ne peut plus stratégique sur l’échiquier énergétique mondial … – 

En avril 2014, nous avions indiqué que grand seigneur, le géant gazier russe Gazprom venait de déclarer avoir « accepté la proposition du côté autrichien d’explorer les possibilités de construire un gazoduc en Autriche ». Et ce, alors même, qu’il ne pouvait pas rêver meilleure proposition pour voir aboutir toute sa stratégie gazière en Europe … avais-je alors précisé.
Le groupe énergétique russe avait alors annoncé qu’il envisageait d’étendre à l’Autriche son gazoduc South Stream. Ce dernier, destiné à assurer la distribution du gaz russe en l’Europe, en contournant l’Ukraine, est actuellement en construction. Le cas échéant, cette nouvelle branche du pipeline compléterait l’itinéraire actuel, lequel fait déboucher le gazoduc en Italie via la Slovénie.

« L’actuelle situation géopolitique confirme la pertinence d’itinéraires alternatifs pour les livraisons de gaz russe aux consommateurs européens », avait par ailleurs ajouté Gazprom.  Un contexte idéal pour Moscou pour accélérer la mise en place d’un nouveau tracé qui renforce la place de l’Autriche et du groupe gazier autrichien OMVcomme véritable hub de transit du gaz européen, à la croisée de gazoducs on ne peut plus stratégique.  C’est donc dans un tel contexte que le PDG de Gazprom, Alexeï Miller, a rencontré à Vienne le ministre autrichien de l’Économie, Reinhold Mitterlehner, et le PDG d’OMV, Gerhard Roiss.

– L’UE gèle les travaux de South Stream en Bulgarie tant que le projet n’est pas conforme au droit européen

Reste qu’en juin 2014, le Premier ministre bulgare Plamen Oresharski avait indiqué que la Bulgarie « avait suspendu les travaux de construction du gazoduc South Stream ». De quoi déplaire fortement à la Russie, cette dernière comptant sur le pipeline pour asseoir sa position dans le secteur énergétique européen, avais-je alors ajouté. Plamen Oresharski avait tenu par ailleurs à préciser que l’itinéraire des futurs travaux sera fonction de l’issue des prochaines consultations prévues avec Bruxelles.

Or, le tracé du pipeline est on ne peut plus stratégique, puisque le gazoduc – destiné en grande partie à éviter l’Ukraine – passe sous la Mer Noire, puis doit se poursuivre vers la Grèce, l’Italie, la Serbie, la Hongrie, la Slovénie et l’Autriche. Le tout via d’importants efforts financiers de la Russie, laquelle espérait jusqu’à présent un retour rapide sur ses investissements.

Autre élément non négligeable : cette déclaration du chef de gouvernement bulgare, intervenait à la suite d’entretiens menés entre lui et les sénateurs américains John McCain, Ron Johnson et Christopher Murphy, en visite dans le pays.

Démontrant s’il en était besoin le lien entre le conflit Russie/Ukraine et la nouvelle position de la Bulgarie – voire la pression mise par les Etats-Unis sur le gouvernement bulgare – McCain a indiqué quant à lui qu’il souhaiterait à terme voir moins d’implication de la Russie dans les questions concernant le South Stream.

Cette annonce intervenait à la suite de la proposition faite mardi par la Commission européenne de « suspendre la construction » du gazoduc sur le territoire européen, et ce « tant que le projet ne sera pas conforme avec le droit européen».

La porte-parole du commissaire européen à l’Energie Gunther Oettinger, Sabine Berger, avait tenu à préciser pour sa part qu’il ne s’agissait pas d’un blocage, mais que la décision était motivée par la volonté de Bruxelles de voir respecter la législation de l’Union européenne.
Une des motivations premières pour sortir de l’UE au final ? Tel pourrait bien être le cas …

– Poutine en discussion avec le chancelier autrichien au sujet de South Stream – 

Pas plus tard que début décembre, Vladimir Poutine a téléphoné au chancelier autrichien Werner Faymann pour discuter de la situation en Ukraine et du projet de gazoduc South Stream, a récemment indiqué un porte-parole de la chancellerie. Sans toutefois fournir de détails sur le contenu des discussions intervenant après l’annonce de l’abandon du projet South Stream, gazoduc qui devrait alimenter les pays européens en gaz russe en contournant l’Ukraine.

Rappelons que le groupe énergétique autrichien OMV s’était mis d’accord en juin avec le géant russe Gazprom en vue de prolonger le gazoduc, dont la construction est estimée à 40 milliards de dollars, du sud-est de l’Europe jusqu’à l’Autriche.

Par la suite, la Commission européenne a tenu à indiquer que l’Union européenne souhaitait « obtenir des clarifications de la part de Moscou sur ce qui semble être une annonce « officieuse » de l’abandon du projet ».

– L’autrichien OMV : un partenaire incontournable de la Russie – 

Mais attardons-nous un instant sur OMV et son partenaire russe …. le géant tentaculaire Gazprom, le groupe gazier et pétrolier autrichien pouvant s’avérer être au final le cheval de Troie de la Russie au sein de l’échiquier énergétique mondial  …

Précisons tout d’abord qu’en décembre 2009, le groupe d’hydrocarbures autrichien, premier groupe gazier et pétrolier d’Europe centrale, et la Bourse de Vienne ont créé une « Bourse du gaz ». Son ambition d’alors ? Devenir numéro un en Europe continentale …. en partenariat avec le géant gazier russe Gazprom. Comment ? via la plate-forme de Baumgarten qui permet – notamment – d’assurer la livraison du gaz russe à l’Europe occidentale, disposant ainsi d’une position stratégique au coeur de l’Europe centrale.

La nouvelle entité, qui s’appuie sur la plate-forme de distribution Central European Gas Hub (CEGH) opérée par OMV à Baumgarten, a commencé fin 2009 à proposer des contrats spots, le négoce de contrats à terme étant alors planifié pour une mise en oeuvre au printemps 2010. L’objectif à terme est de faire du CEGH « la première place d’Europe continentale pour le commerce du gaz« , avait alors précisé OMV.

Le début des opérations en Bourse marque « une nouvelle étape pour la création d’un marché européen du gaz » et « renforce la sécurité des approvisionnements« , avait parallèlement déclaré  alors le ministre autrichien de l’Economie, Reinhold Mitterlehner. On ne demandait alors qu’à le croire …

En novembre 2008, les compagnies gazières et pétrolières autrichienne OMV et russe Gazprom avaient indiqué que les deux entreprises projetaient de créer conjointement une bourse du gaz et une plate-forme de distribution à partir de 2009 en Europe centrale. Cette place devait permettre des échanges sur les produits gaziers sur les marchés spot et à terme. OMV avait alors souligné être en contact permanent avec Gazprom, son fournisseur depuis 1968, en insistant que celui-ci a jusqu’à présent toujours été « un partenaire fiable ».

Parallèlement, OMV s’associait à Gazprom pour développer cette plate-forme de distribution en Autriche, l’une des trois plus importantes d’Europe continentale. La structure dessert, outre l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie, la France, la Slovénie, la Croatie et la Hongrie.

Selon un accord initial, OMV et Gazprom devaient détenir chacun 30 % du Central European Gas Hub. Mais en juin 2011, la Commission européenne a bloqué l’achat par le géant gazier russe d’une partie de la plate-forme de distribution gazière Central European Gas Hub GmbH (CEGH). A cette occasion, le vice-président du géant gazier russe, Alexandre Medvedev avait indiqué : « malgré les souhaits de nos partenaires, la Commission européenne a commencé à chercher des intentions cachées derrière cet accord, comme si nous allions l’utiliser pour asservir l’Europe. Je suis très déçu« . Il avait alors estimé que la désapprobation de la Commission européenne était une « décision à courte vue ».

A l’heure actuelle, le capital de CEGH est réparti de la manière suivante : 65 % à OMV, 20 % à la Bourse de Vienne et 15 % au groupe énergétique slovaque Eustream.

Mais Moscou revient donc à la charge désormais, certes d’une manière détournée, alors que la plate-forme de Baumgarten est interconnectée à la plupart des différents pipelines qui traversent déjà ou devraient traverser l’Europe.

Située « idéalement » au débouché du gazoduc Droujba, le Central European Gas Hub voit transiter annuellement 55 milliards de mètres cubes de gaz, principalement de Russie et de Norvège. En une sorte de goulet d’étranglement ou noeud de transit gazier (ou hub) quasi-incontournable ou presque, surtout si tout est fait pour le rendre ainsi. Permettant de tirer les ficelles de l’approvisionnement en gaz de l’Europe …..

Pour rappel, OMV – régie autrichienne de gestion du pétrole – est une compagnie pétrolière privée, fondée en 1956, ayant son siège à Vienne. 51 % de son capital circule sur le marché, 31,5 % est détenu par le holding public des participations de l’Etat autrichien, 17,5 % par IPIC, l’office public des participations pétrolières de l’État d’Abou Dhabi.

L’entreprise est chef de file pour la construction du gazoduc Nabucco, qui doit amener le gaz naturel iranien jusqu’à l’Autriche via les Balkans et la Turquie, dont un des objectifs est initialement d’assurer le transit d’hydrocarbures en contournant la Russie. Malgré ce projet européen que la Russie voit d’un mauvais oeil mais pourrait à son tour « contourner » à sa manière, OMV fonde néanmoins sa stratégie sur un partenariat avec les compagnies russes.

L’entreprise autrichienne s’est également associée à Transpetrol, pétrolier semi-public slovaque, pour construire à partir de 2008 l’oléoduc Bratislava-Schwechat. Ce tronçon doit relier la raffinerie autrichienne à l’oléoduc transeuropéen Droujba et ainsi être connecté directement aux champs pétrolifères russes.

Par ailleurs, OMV, qui achète 6,5 milliards m³/an à Gazprom, fait partie des rares compagnies européennes autorisées à revendre le gaz russe hors de son marché domestique. P

Enfin, l’achat par OMV  d’actifs pétroliers en Tunisie – en janvier 2011 !!!  –  est loin d’être anodin, les livraisons d’hydrocarbures tunisiens ou transitant par la Tunisie influant grandement sur les débouchés du géant gazier russe Gazprom.

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 02 janvier 2015


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