AZF : quand Libé parlait d’odeur de poudre liée à un projet de fusion d’activités SNPE / Snecma

En  ce jour de 21 septembre 2017, de sinistre mémoire à Toulouse … date dite de la catastrophe AZF et alors que le 13 janvier 2015,  la Cour de cassation a annulé la décision de la cour d’appel de Toulouse condamnant Serge Biechlin, l’ancien directeur de l’usine AZF et sa maison mère, Grande Paroisse, pour leur responsabilité dans l’explosion du 21 septembre 2001, renvoyant l’affaire devant la cour d’appel de Paris, je choisis délibérément de vous parler non pas d’AZF mais du secteur industriel français, et tout particulièrement des branches d’activité liées à l’aéronautique et à la défense, dont nombre de sites stratégiques sont implantés dans la Ville rose. Simple hasard ?

Je reprendrai pour cela un article paru dans Libération le 6 septembre 2001 !!!! avec un titre on ne peut plus prémonitoire : « Ça sent la poudre entre les explosifs et l’aéronautique ». Non, vous n’avez pas rêvé !! Ni même cauchemardé …. !

Alors revenons un instant sur son contenu …

Le journaliste de Libération, Grégoire Biseau, y relatait que Jean Faure, le patron de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), et Jean-Paul Béchat, le patron du groupe aéronautique Snecma étaient passés du rang de rivaux à celui d’ennemis.

« Depuis quelques semaines, la mèche brûle » indiquait ainsi le journaliste en une sorte de phrase à la limite du prémonitoire. Alors que seule la Garonne sépare le site d’ AZF-Grande Paroisse de celui … de la SNPE. Site qui quoiqu’on en dise n’a pas été épargné – loin s’en faut – par la (les?) explosions survenue(s) en cette fatale journée du 21 septembre 2001.

«  L’objet du litige? Un projet de société mixte entre les deux groupes, baptisée Herakles » ajoutait-il. En précisant qu’il s’agissait alors de marier les activités  espace-défense de la SNPE avec celles de propulsion de missiles de la Snecma. Cette dernière se faisant alors prier pour donner son aval à la proposition du partage 50/50 qui lui avait été faite. S’attirant ainsi l’ire de la SNPE et du gouvernement français lui-même.

« Tout dans cette histoire franco-française sent la poudre » indiquait le journaliste, évoquant « des vieilles rivalités de chefs, des questions financières, des syndicats maison sur le pied de guerre et une campagne de lobbying pour se disputer la prochaine succession de Jean Faure ».
Grégoire Biseau nous révélait ainsi qu’au début du mois de septembre 2001, une coordination syndicale de la SNPE était venue demander audience au ministère de la Défense « pour exprimer de vive voix sa crainte d’assister au démantèlement pur et simple de son entreprise ». Réponse lui avait été faite en retour : « pas de projet de démantèlement de la SNPE en vue et maintien du principe de parité dans le capital d’Herakles ». Une situation tellement idyllique qu’un syndicaliste avait estimé que cela était «  trop beau pour être vrai », invitant à la vigilance.

Libé indiquait parallèlement que le différent était né d’une visite faite en 2000 par Jean Faure et Jean-Paul Béchat auprès de leur ministre de tutelle, Alain Richard, en vue de lui présenter un projet de mariage de leurs activités d’explosifs et de propulsion. Lequel semblait d’autant plus ravi d’une telle proposition que les Etats-Unis venaient eux aussi « de constituer leur champion de l’explosif militaire ».

Mais après leur travail d’évaluation, les banques-conseils de la Snecma avaient convaincu Béchat d’exiger plus que la parité.

En vue d’équilibrer la donne, Jean Faure propose donc alors de mettre dans Herakles son centre de recherche et la gestion de son parc immobilier. Proposition rejetée par la Snecma … conduisant au « clash » selon les termes mêmes de Libé.

Histoire de trouver quelques appuis, le patron de la Snecma avait su alors s’attirer les faveurs des syndicats, pour lesquels une fusion d’égal à égal avec leurs collègues de la SNPE semblait alors inacceptable. «Notre statut est bien meilleur que celui de la SNPE », expliquait ainsi Dominique Thebaud, de Force ouvrière. « Rien que cette année, chaque salarié du groupe va recevoir 24 000 francs au minimum au titre de la participation et de l’intéressement. Si on intègre Herakles, on devra faire une croix dessus » ajoutait-il.

Une affaire qui tombait alors fort mal pour Jean Faure, qui parallèlement au projet Herakles, négociait une augmentation de capital de 76,2 millions d’euros. Opération accepté par Alain Richard à la seule condition que la SNPE et la Snecma mettent fin à leurs différents. Et ce … à trois semaines du départ de Faure, prévue le 24 septembre 2001 … soit le lundi suivant la catastrophe du vendredi 21 septembre …

Quant à Jean-Paul Béchat, ce dernier semblait vouloir « jouer la montre », travaillant sur l’ouverture de 25 % du capital de la Snecma prévu pour la fin octobre 2001.

«Si on cède la majorité d’Herakles à la Snecma, la SNPE devient un petit groupe de chimie » assurait alors un proche de Faure. Redoutant d’être vendu à « un plus gros » compte-tenu des difficultés liées au fait de se développer tout seul.

Un contexte industriel pour le moins chargé, donc, à quelques heures à peine de la catastrophe dite AZF survenue sur le site voisin de la SNPE  alors même que les Etats-Unis  venaient « de constituer leur champion de l’explosif militaire ».

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 21 septembre 2017

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