BCE : statu quo sur les taux, Draghi va calmer le jeu sur l'euro

La Banque centrale européenne a laissé jeudi ses taux inchangés mais se voit contrainte de réagir à l’envol de l’euro provoqué par les propos de Washington en faveur d’un dollar faible, qui risquent de rallumer la guerre des monnaies.

Comme attendu, l’institution de Francfort a maintenu son principal taux de refinancement à zéro, et confirmé la poursuite de son vaste programme de rachats de dette publique et privée au rythme de 30 milliards d’euros par mois et ce jusqu’à septembre 2018, voire « au-delà si nécessaire ».

Les regards se porteront à partir de 13H30 GMT sur la conférence de presse du président de la BCE, Mario Draghi, poussé à désamorcer l’émoi déclenché sur les marchés par les déclarations abruptes mercredi soir du secrétaire d’Etat américain au Trésor, Steven Mnuchin.

Lors du Forum économique de Davos, M. Mnuchin a affirmé qu’un « dollar plus faible » était « bon » pour les Etats-Unis puisqu’il favorise « le commerce et les opportunités », rompant avec des décennies de discours américain en sens inverse, et poussant l’euro à son plus haut niveau depuis trois ans.

Message subtil

« G20 après G20, les grandes économies se sont mises d’accord pour éviter les manipulations de change », rappelle à l’AFP Gilles Moec, économiste chez Bank of America-Merrill Lynch. Mais « si les Etats-Unis s’éloignent de ce consensus, il sera plus difficile » de dissuader d’autres pays de manœuvres sur leur monnaie.

Comme la BCE refuse par principe de commenter les taux de change, qui échappent à son mandat, Mario Draghi devra peser ses mots pour ne pas remettre de l’huile sur le feu : « au mieux, il dira que la stabilité des taux de change est bonne pour tout le monde », ajoute l’économiste.

Au-delà de cette remarque générale, le banquier italien pourrait rappeler que le niveau de l’euro, sans constituer un objectif de politique monétaire, est un « paramètre important » susceptible d’influer sur l’inflation, qui figure elle au cœur du mandat de l’institution.

Car la remontée de l’euro, ces dernières semaines, baisse mécaniquement les prix des importations et vient encore freiner l’inflation en zone euro, toujours loin du niveau « proche mais légèrement inférieur » à 2% visé par l’institution monétaire.

« S’il y avait encore un petit doute ces derniers jours sur le type de communication qu’allait adopter Mario Draghi jeudi, il est désormais évident qu’il va tout faire pour calmer le jeu », estime Sylvain Broyer, économiste chez Natixis, joint par l’AFP.

D’abord le QE

Au-delà des déclarations visant explicitement l’euro, la sortie de Mnuchin conforte en effet le président de la BCE dans son intention de dissiper les attentes d’un resserrement monétaire plus rapide que prévu.

M. Draghi fait figure de chef de file des « colombes » de la BCE, partisans de garder une politique très accommodante tant que l’inflation ne paraîtra pas en mesure de rejoindre l’objectif de l’institution.

Dans l’autre camp, rangés derrière le patron de la Bundesbank Jens Weidmann, les « faucons » veulent resserrer plus vite les vannes du crédit, compte tenu des multiples signes de croissance soutenue en zone euro.

D’ordinaire feutrée, cette bataille au sein du conseil des gouverneurs a filtré dans le compte rendu (« minutes ») de la dernière réunion de la BCE de décembre, semant le trouble sur les marchés.

Mais « la crédibilité de la BCE doit être préservée », souligne auprès de l’AFP Michel Martinez, chef économiste à la Société Générale, pour qui M. Draghi devrait « clarifier les choses » face à la presse.

Une chose semble certaine, « la BCE voudra d’abord en terminer avec le QE, puis marquer une pause, enfin remonter ses taux. Cette séquence est gravée dans le marbre », estime Alain Bokobza, stratégiste de la Société Générale. Tout l’enjeu des mois à venir portera sur la vitesse d’exécution de ce plan.

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