Boeing 737 Max: les avions sont-ils correctement certifiés?

Sale temps pour la Federal Aviation Administration (FAA). La puissante agence fédérale de l’aviation américaine, en charge notamment de la certification des avions de Boeing, est sous le feu des critiques depuis le double accident des 737 MAX de Lion Air et Ethiopian, qui ont fait 346 morts le 28 octobre 2018 et le 10 mars dernier. La FAA avait déjà été attaquée pour avoir été la dernière à clouer au sol les monocouloirs de Boeing après le crash d’Ethiopian, plusieurs jours après que ses homologues chinois et européens n’aient pris les devants. Le Wall Street Journal a jeté un nouveau pavé dans la mare le 28 avril en révélant que les inspecteurs de la FAA avaient envisagé d’immobiliser la flotte de 737 MAX dès 2018, après avoir appris que Boeing avait désactivé le signal d’alerte censé avertir des dysfonctionnements du système anti-décrochage MCAS, celui-là même qui a été mis en cause dans les deux accidents. L’idée de clouer le MAX au sol avait finalement été abandonnée.

Coupes budgétaires

Pour l’agence américaine, le coup est rude. « La crédibilité de la FAA a été durement écornée, constate Scott Hamilton, du cabinet américain Leeham. Elle va désormais devoir regagner la confiance des autres régulateurs, les compagnies aériennes, les pilotes et le grand public. » La tâche s’annonce d’autant plus difficile que l’agence a reconnu que, suite à plusieurs coupes budgétaires, elle déléguait à Boeing depuis une dizaine d’années des pans entiers du processus d’inspection et de certification de ses avions. « Ce système de délégation a échoué, assène Ernest Arvai, analyste chez AirInsight. Les employés n’ont pas su repérer les problèmes potentiels de logiciels, le système MCAS a été à l’évidence mal testé. Boeing et la FAA n’ont pas fait leur job. »

La tempête autour de la FAA risque de durcir les relations entre l’agence américaine et ses homologues, notamment l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA). Jusqu’à présent, l’EASA approuvait quasi-automatiquement les certifications d’avions Boeing par la FAA. Le régulateur américain faisait de même pour les avions Airbus certifiés par l’EASA, selon un système proche de l’équivalence de diplômes dans les universités. « Cette réciprocité est désormais clairement menacée », estime Richard Aboulafia, vice-président du cabinet Teal Group. Echaudés par le double accident du MAX, les régulateurs aériens, la FAA en tête, pourraient aussi se révéler bien plus sévères lors de la certification des futurs avions. Le très attendu NMA (New Midsize Aircraft), que Boeing envisage de lancer l’année prochaine pour une entrée en service à l’horizon 2025, pourrait en être la première victime.

Scénario catastrophe

En attendant, la FAA tente de reconquérir sa crédibilité perdue. L’agence a invité le 23 mai à Washington ses homologues européens, chinois, canadien, éthiopien et brésilien pour discuter des changements apportés par Boeing au fameux système anti-décrochage MCAS du 737 MAX. Faute d’accord, lors de cette réunion, chaque autorité nationale pourrait imposer ses propres tests pour certifier à nouveau l’avion. Un véritable scénario catastrophe, à la fois pour la FAA et pour Boeing. L’immobilisation du 737 MAX, commandé à plus de 5.000 exemplaires, a déjà coûté un milliard de dollars à l’avionneur américain.

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