Cancer: la Sécu innove pour financer les traitements

Si les nouveaux traitements contre le cancer font les affaires des labos, ils compliquent singulièrement l’équation budgétaire de la Sécu. Contrairement à certains pays comme le Royaume-Uni, la France accepte en effet de rembourser à 100 % tous les traitements innovants dès lors qu’ils ont fait la preuve de leur efficacité. Quitte à en payer le prix. Les dépenses de l’Assurance maladie liées au cancer progressent ainsi de 4,2 % par an et pèsent près de 11 % de l’ensemble des remboursements de soins (17,4 milliards sur un total de 162 milliards).

En moyenne, le coût du traitement d’un malade s’élève à 11 500 euros par an, mais la facture s’envole vite dès que des médicaments de pointe sont nécessaires. Les prix publics des immunothérapies des laboratoires BMS et MSD (Opdivo et Keytruda) atteignent 63 510 euros et 91 250 euros par an. Soit une addition totale de 400 millions d’euros pour la Sécu. Quant aux dernières thérapies géniques de Gilead et Novartis, elles grimpent jusqu’à 350 000 euros par patient ! « Les thérapies géniques concernent encore peu de malades, temporise Annelore Coury, directrice de l’organisation des soins à l’Assurance maladie. Et ce sont des prix provisoires avant l’autorisation officielle de mise sur le marché. »

Frais à la charge des malades

Car les prix affichés par les industriels ne correspondent pas forcément à ceux payés par l’Assurance maladie. En réalité, à chaque fois qu’un nouveau médicament est commercialisé, le comité économique des produits de santé, un organisme du ministère de la Santé, négocie pied à pied pour obtenir des ristournes. « Dans les traitements contre le cancer, cela peut aller jusqu’à 30 à 40 % des tarifs publics, confie un connaisseur de ces tractations. Mais les industriels tiennent à ce que cela reste confidentiel pour éviter de diffuser l’information à leurs concurrents et préserver leurs marges dans d’autres pays. »

Certains labos acceptent aussi de signer des « contrats de performance » avec l’Assurance maladie où ils s’engagent à payer de leur poche les traitements qui se révéleraient inefficaces sur certains patients. C’est le cas du Tecentriq de Roche contre le cancer du poumon. Plus globalement, le ministère de la Santé parvient à limiter la hausse des dépenses en revoyant régulièrement à la baisse les prix des traitements les plus anciens. Le remboursement moyen pour un cancer du côlon est ainsi passé de 12 045 euros à 11 602 euros en quatre ans.

« Malgré le remboursement à 100 % des traitements, il reste beaucoup de frais à la charge des malades, pointe Emmanuel Jammes, délégué à la Ligue contre le cancer, comme les médicaments anti-effets secondaires ou les soins dermatologiques souvent nécessaires après une radiothérapie. » Après un cancer du sein, les femmes paient aussi en moyenne 1 391 euros en « reconstruction mammaire ». Des soins qualifiés « de confort » qui restent mal remboursés.

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