Carrefour s'allie avec le géant Google

Décidément, les vieux distributeurs ne cessent de s’allier aux jeunes pure-players. Après l’alliance entre Auchan et Alibaba, celle entre Carrefour et Tencent, ou encore celle entre Monoprix (Casino) et Amazon, c’est désormais au tour de Google et Carrefour d’annoncer un partenariat stratégique.

Le deal porte sur trois points. Tout d’abord, Google et Carrefour proposeront en 2019 une nouvelle expérience d’achat: tous les produits vendus par Carrefour seront disponibles via l’enceinte Google Home, Google Assistant, l’assistant personnel connecté de Google, ou Google Shopping Actions, le nouveau service de Google qui permet aux internautes d’acheter directement leurs articles depuis le moteur de recherche de Google ou Google Assistant. Lancé au deuxième semestre, ce dispositif concernera tout d’abord les produits non-alimentaires, puis, à partir de début 2019, il s’appliquera à l’offre alimentaire.

Deuxième volet: la création d’un laboratoire d’innovation, à Paris, en partenariat avec Google cloud. Les ingénieurs du distributeur y travailleront étroitement avec les experts du géant d’Internet, notamment ceux spécialisés en Intelligence Artificielle. Le but? Créer conjointement de nouvelles expériences pour le consommateur. Dernier axe: la digitalisation du groupe Carrefour. Google déploiera au sein du distributeur ses solutions de bureautique et de travail collaboratif, du type Google Suite. Un programme de formation aux nouvelles technologies sera également dispensé à des milliers de collaborateurs dans le monde.

Après Walmart, Google choisit Carrefour

Ce n’est pas la première fois que Google s’allie à un distributeur via un deal de ce genre. Pour mémoire, en août dernier, ce mastodonte avait déjà annoncé une alliance avec l’Américain Walmart. « A partir de fin septembre, nous travaillerons avec Google pour proposer des centaines de milliers d’articles qui pourront être commandés par la voix via Google Assistant », avait alors annoncé Marc Lore, responsable e-commerce de Walmart. Mais Alexandre Bompard, PDG de Carrefour s’est félicité: « C’est la première fois que Google s’engage avec un distributeur en Europe pour développer une offre de e-commerce alimentaire. » Le patron a par ailleurs ajouté: « [cette étape] nous permet d’accélérer notre mue digitale et de prendre une longueur d’avance dans le déploiement du dispositif omnicanal que nous voulons offrir à nos clients. »

Une alliance prévisible

L’alliance entre Google et Carrefour n’a rien de surprenant. En septembre dernier, Challenges publiait un article intitulé: « Et si Amazon rachetait Monoprix et Carrefour s’alliait à Google. » Un consultant nous expliquait alors: « Il y a un moment où, lorsque l’on regarde la puissance des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), cela paraît compliqué d’envisager de faire sa révolution digitale sans eux. » Au cours des derniers mois, plusieurs indices ont laissé penser qu’un deal Google-Carrefour pourrait subvenir. Tout d’abord, Alexandre Bompard, et son directeur financier Matthieu Malige, artisans du rapprochement de Fnac et Darty en 2016, sont réputés pour leur capacité à nouer des deals, comme celui avec Tencent ou, récemment, avec Système U. Ensuite, Carrefour avait annoncé en décembre un partenariat aux achats avec Fnac-Darty… lequel a ensuite dévoilé en avril un accord stratégique avec Google. La troisième étape de ce ménage à trois semblait logique. Enfin, l’opération annoncée en mars entre Casino (via Monoprix) et Amazon laissait penser qu’un rapprochement entre Carrefour et Amazon serait impossible, pour des raisons évidentes de concurrence. Et que donc, s’il devait choisir un GAFA pour s’allier, ce serait vraisemblablement plutôt Google.

Un sous-traitant de luxe

Carrefour a donc enfin trouvé son partenaire digital. Voilà qui rappelle les propos de Marie Cheval, directrice exécutive clients, services et transformation digitale de Carrefour, en mars dernier dans Les Echos. Interrogée sur le rapprochement entre Ocado et Monoprix, elle rétorquait: « L’e-commerce est le secteur d’avenir de nos métiers. Certains, parce qu’ils n’ont pas la taille ou le savoir-faire nécessaires, font le choix de sous-traiter ce nouveau relais de croissance. Ce n’est pas notre cas. » Carrefour ne serait-il justement pas en train de sous-traiter son e-commerce à Google ? « Nous ne sous-traitons pas à Google », rétorque un porte-parole de Carrefour. « Carrefour restera opérateur de ses produits et de ses données. » Tout en bénéficiant d’un allié de choc.

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