Ce qui vous attend à midi à la cantine du bureau

S’il y a bien un endroit ou la distanciation sociale n’existe pas, c’est bien la cantine: file d’attente, passage du plateau, table commune avec les collègues. Pour sept salariés sur dix, l’heure du déjeuner signifie passage à la cantine. Un moment de retrouvailles et de détente pour beaucoup, assez étranger, il faut l’avouer, à la notion d’éloignement. Pourtant, les entreprises qui réouvrent aujourd’hui sont obligées de prévoir des espaces pour aider leurs salariés à se nourrir. En effet, impossible pour eux d’aller déjeuner ailleurs: les restaurants sont, jusqu’à nouvel ordre, fermés.

Salarié, autant te le dire tout de suite: ce midi, manger à la cantine ne va pas être simple. Finis les « self » et autres « libre-services ». Supprimés les tickets de caisse, les carafes, les salières et les poivrières sur les tables. Terminé aussi les animations comme le bar à salades ou le pizzaiolo. Depuis une quinzaine de jours, les grands prestataires, comme Sodexo, Elior ou Eurest négocient la mise en place des mesures d’hygiène et de sécurité en fonction des locaux et des usages de chacun de leurs clients. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la traditionnelle « cantoche », c’est terminé!

Repas pré-réservés

La première mesure des géants de la restauration hors foyer a été d’élargir leurs plages d’activité pour décongestionner les flux. Elior, explique Frédéric Galliath, son directeur général du marché entreprise, a ainsi mis en place « un service de onze heures trente à quinze heures ». Et pour éviter que les règles de distanciation ne soient enfreintes, des contingentements ont été mis en place, variables selon la taille du restaurant d’entreprise. Pour beaucoup, ce midi, il faudra réserver sa place à la cantine. Comme pour un grand restaurant!

Il a ensuite fallu définir des parcours pour chacun, clients et employés de restauration, pour éviter qu’ils ne se croisent, et déployer des marquages au sol pour définir de nouveaux parcours. Il a aussi fallu résoudre l’épineux problème de la « petite cuillère ». En effet, impossible de mettre à disposition assiettes, verres, pain et couverts, comme c’était l’usage jusqu’alors. Tout, désormais, doit être individualisé, pour éviter qu’un convive ne puisse toucher un ustensile qui sera utilisé par d’autres. Eurest, par exemple, a décidé de passer en service 100% assisté: le salarié passe sa commande depuis son poste de travail, et vient prendre ensuite son plateau repas à un point de livraison. Chez Sodexo, explique Denis Machuel, le directeur général du groupe, les menus ont été « simplifiés et la vente à emporter privilégiée ». 

La French Tech s’y plie aussi

On pourrait penser que les pionniers de la French Tech échappent à ces contraintes. Mais pour eux aussi, les consignes sont drastiques. « Avant le confinement, on avait environ 20% de nos locaux qui étaient des zones informelles et de rencontre pour les 6.400 personnes qui travaillent pour les 150 entreprises que nous accueillons. Ces espaces ouverts leur servaient très souvent pour déjeuner: il a fallu réaménager tout cela », explique Agathe Fouache de Morning Coworking, qui, avec une vingtaine de personnes a travaillé toute la semaine dernière à l’aménagement des 20 espaces (55.000 m² au total) du groupe de coworking. L’entreprise a dû aussi condamner un siège sur deux de son espace central, remiser les frigos et les fontaines à eau, deux points de rencontres extrêmement dangereux du point de vue des consignes de sécurité. 

Avec ses 34 villages et ses 800 start-up accueillies, Le Village by CA fait figure de poids lourd des incubateurs. « On a pivoté, » résume Fabrice Marsella, le directeur général de cette filiale du Crédit agricole, « en adaptant le règlement intérieur d’un espace comme le nôtre ou le décloisonnement est plutôt la norme. On a retiré un certain nombre de sièges, marqué d’une croix les places interdites pour déconcentrer les espaces de travail, et pris un accord avec notre maison-mère pour que les employés des start-up puissent aller chercher des plateaux repas à la cantine du siège, de l’autre coté de la rue…

De nouvelles solutions tirent leur épingle du jeu

« A Marseille, l’incubateur Zebox, n’a pas fermé pendant le confinement pour laisser aux start-up qui en avaient besoin la possibilité de venir travailler. Ca a notamment été le cas de Rofim qui met à disposition des EHPAD une solution de téléconsultation assistée et de télé-expertise médicale. Mais aujourd’hui, avec l’afflux de ce lundi, de nouvelles mesures sont entrées en vigueur: l’accès à l’espace cafétéria et à la cuisine est limité à cinq personnes maximum. L’incubateur demande aussi aux salariés de mettre du gel sur les mains avant d’ouvrir le frigo ou le micro-ondes et obligation d’en mettre sur la porte après l’avoir ouverte ou fermée.

La start-up Foodles propose des menus présentés dans des armoires.

Un seul prestataire semble plutôt satisfait de la situation, c’est Foodles. Cette start-up propose des menus présentés dans des armoires. Chaque plat est suivi en RFID: sa fraîcheur est garantie et son remplacement, en cas de retrait, est assuré rapidement, pour une facture, pour l’entreprise, deux à trois fois inférieure aux systèmes traditionnels. « Notre système nous évite d’avoir à gérer des employés, des préparations sur des sites nombreux, tout en assurant une qualité gustatives élevée et une hygiène absolue », explique Clément Bonhomme, son cofondateur qui compte plus de 70 grands clients, dont Hermès, Veepee.com, Ubisoft, Groupama,Allianz. Et d’ajouter:  » Nous sommes intervenus toute la semaine dernière sur les sites de nos clients pour adapter leurs cafétérias aux nouvelles règles: marquages au sols, désinfection, kits de couverts, flexibilisation des réapprovisionnements. On a bossé comme des fous, mais, pour ce lundi midi… on est prêts! »

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