Chine : faillite d’un promoteur immobilier, l’éclatement d’une bulle immobilière est proche !

Vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous avait pas prévenu !! Alors que depuis déjà quelques mois, nous évoquons les craintes des analystes face à l’éclatement d’une nouvelle crise de crédit en Chine, certains voyant même les prémices d’un credit crunch, les choses semblent s’accélérer.

Selon des sources proches des autorités de Fenghua où est basée la société Zhejiang Xingrun Real Estate, un promoteur immobilier chinois, redevable de milliards de yuans auprès de banques et de particuliers, serait au bord de la faillite.
Si certes, les faillites et les défauts sur des emprunts bancaires sont relativement courants dans l’Empire du Milieu, l’affaire a semé un vent de panique. Si tout d’abord, la taille des prêts contractés par le promoteur est loin d’être anodine, rappelons que cet événement intervient moins de deux semaines après que le pays a enregistré son premier défaut de paiement sur le marché obligataire local.
L’organe de presse public China News Services a rapporté ainsi lundi que Zhejiang Xingrun Real Estate devait 2,4 milliards de yuans (279 millions d’euros) à 15 banques et 1,1 milliard à des investisseurs particuliers.  Un employé des affaires financières de la municipalité de Fenghua, s’exprimant sous condition d’anonymat, a certes confirmé les difficultés du promoteur, tout en précisant que les montants évoqués étaient exagérés.  Wang Ruilin, chargé de la gestion des affaires immobilières de la ville, a déclaré pour sa part que le propriétaire de Zhejiang Xingrun et son fils avaient été arrêtés pour levée de fonds illégale.

Suite à cette annonce, l’indice du secteur immobilier de la Bourse de Shanghai reculait de 0,9% vers 7h25 GMT. Les actions de promoteurs tels que Beijing Capital Development, Xingye Resources et Poly Real Estate reculaient parallèlement respectivement de 3,87%, 3,16% et 2,82%.
Si certains analystes tentent de rassurer en affirmant qu’il n’y aura pas d’effet domino, on ne demande certes qu’à y croire, mais rien n’est moins sûr …
D’autres soulignent toutefois que les promoteurs immobiliers actifs dans la région de Zhejiang doivent faire face à de graves difficultés depuis un an, malmenés par d’intenses spéculations, notamment à Ningbo et Wenzhou, deux villes qui ont vu les prix des biens immobiliers fortement chuter.
Le marché immobilier chinois montre des signes d’essoufflement depuis la fin de l’année dernière, en raison notamment des mesures prises par les autorités en vue de contenir les prix.  De nombreux experts estiment par ailleurs que le défaut de paiement de Chaori Solar, intervenu le 7 mars dernier, est lié à la volonté des autorités chinoises d’imposer une plus grande rigueur dans le fonctionnement des circuits du crédit.

Autre élément notable : selon des sources bancaires et industrielles, de nombreuses banques ont réduit jusqu’à 20% leurs prêts à certains secteurs industriels. Elles s’inquiètent en effet de la santé financière de ce secteur, qui a tendance à être surdimensionné en Chine.
En septembre 2013, la Banque centrale chinoise avait indiqué pour sa part que les prêts accordés en août dans l’Empire du Milieu avaient quasiment doublé en un mois, atteignant 1.570 milliards de yuans. Mais élément encore plus grave : seuls 45% d’entre eux sont des crédits bancaires, la majorité des prêts correspondant à des crédits informels (shadow banking), lesquels inquiétaient déjà au plus haut point les analystes. Autre fait notable : ce chiffre était nettement supérieur à la moyenne de 950 milliards anticipée par les économistes.

Des éléments dont s’alarmaient déjà les agences de notation et la Coface. Standard & Poor’s avait ainsi indiqué que les défauts de paiement allaient très certainement se multiplier en 2013 en Chine.  En juin 2013, déjà, l’agence de notation Fitch indiquait qu’un éclatement d’une bulle de crédit sans précédent dans l’histoire du monde moderne risquait d’éclater en Chine.

Rappelons également qu’à cette date, le marché interbancaire chinois, sur lequel les établissements financiers se prêtent de l’argent au quotidien, a été confronté à une sévère pénurie de liquidités, provoquant durant trois semaines une envolée des taux à court terme sur ce même marché et mettant en péril la capacité des banques à se financer et à accorder des prêts.  La Banque Centrale chinoise avait au final annoncé le 30 juillet 2013 avoir injecté 17 milliards de yuans (2,8 milliards d’euros) dans le système bancaire.

En février 2013, nous avions d’ores et déjà évoqué quant à nous les craintes des analystes. Ces derniers s’alarmant d’une croissance excessive des prêts bancaires accordés au secteur privé, et des prêts accordés en dehors du secteur formel de plus en plus nombreux … et difficiles à rembourser.

Les experts s’attendaient alors à ce que la situation pour le moins tendue perdure, le pire restant à craindre selon eux. Ces derniers estimaient alors que la PBOC devrait maintenir sa politique de forte restriction de l’accès au crédit pour les entreprises et les particuliers. Raisons invoquées : le niveau élevé de créances douteuses détenues par les banques chinoises.  Un contexte qui fait craindre aux investisseurs que les banques soient confrontées à des difficultés de plus en plus fortes pour se re-financer.

Les autorités monétaires et politiques chinoises souhaitent désormais mettre fin à l’expansion très rapide du crédit de ces dernières années. Il est vrai qu’il y a urgence, à moins que le mal ne soit déjà fait … Principaux établissements dans le viseur : les petites banques, lesquelles ont multiplié leurs prêts tout en spéculant massivement.
Une situation qui pousse le gouvernement à « assainir » le marché bancaire, fermant le robinet aux établissements les plus risqués, une politique pouvant conduire certains à la faillite.

En mai 2013, un rapport publié par l’agence de notation Moody’s indiquait que les prêts informels accordés en dehors du secteur bancaire en Chine avaient progressé de près de 70% au cours des deux dernières années … représentant désormais l’équivalent du 55% du Produit intérieur brut (PIB). Les produits financiers de ce secteur informel s’élevaient à la fin 2012 à 29.000 milliards de yuans (3.600 milliards d’euros), selon des calculs de Moody’s.
Selon une définition plus étroite du secteur excluant les prêts accordés par des sociétés fiduciaires et les obligations adossées à des actifs, le secteur informel ne pèserait que 21.000 milliards de yuans, mais tout de même 39% du PIB. Font partie du périmètre plus étroit de calcul : les prêts accordés par des particuliers (les « tontines »), les fonds de gestion d’actifs, les prêteurs sur gages et les sociétés de micro-crédit.
Le recours à ce type de prêt résulte en partie de la difficulté des emprunteurs, notamment du secteur privé et des petites entreprises, à se financer auprès des banques, lesquelles privilégient les entreprises qui, comme elles, sont étatiques.

Le rapport de Moody’s indiquait parallèlement que « le secteur bancaire informel pourrait avoir un effet de levier sur les finances de l’économie au sens large et amplifier les craintes d’une bulle de crédit ». Nous y voilà … L’agence de notation estimant que la croissance rapide des prêts informels augmentait les risques pour le système bancaire et l’économie chinoise dans son ensemble.

« Vu la taille considérable et la croissance des activités bancaires informelles en Chine, nous doutons de la capacité des banques à se prémunir contre une augmentation significative des défauts de paiement » dans ce secteur, mettait encore en garde Moody’s.

En mars 2013, la Commission de régulation bancaire avait quant à elle ordonné aux banques de contrôler plus étroitement les fonds de gestion d’actifs dans le but d’endiguer les risques et d’accroître la transparence. Un coup d’épée dans l’eau selon Moody’s ….

Selon Fitch, les banques chinoises auraient en quelque sorte caché dans un deuxième bilan parallèle l’équivalent de 2 milliards de dollars de prêts, mécanisme leur permettant de contourner les limites officielles et nouvelles réglementations mises en place pour freiner les excès. Pratiques de nature à engendrer l’éclatement d’une bulle du crédit. Car, toujours selon l’agence de notation, la moitié des prêts doivent être renouvelés tous les trois mois, et un quart en moins de six mois.

Selon Charlène Chu, directrice principale de Fitch à Pékin, « Le pays a dupliqué la totalité du système bancaire commercial américain en cinq ans ». Ajoutant que le crédit est passé de 9 000 à 23 000 milliards de dollars depuis l’effondrement de Lehman Brothers.
« Tout cela est bien pire que tout ce que nous avons pu connaître auparavant dans une économie majeure. Nous ne savons pas ce qui va se passer. Les six prochains mois seront cruciaux », estimait alors Chu . Pour elle, « le modèle de croissance basé sur le crédit est clairement en train d’exploser. Cela pourrait alimenter une crise massive de sur-capacités, et potentiellement à une déflation à la japonaise ».
Elle avait alors indiqué au Daily Telegraph que le système bancaire souterrain chinois n’offrait aucune transparence. « Nous ne savons pas qui emprunte l’argent, qui sont les prêteurs, et quelle est la qualité des actifs, et cela sape la crédibilité des signaux », avait-elle indiqué.

Si les défaillances de prêts du pays ne représentent guère que 1%, cela n’est guère significatif, dans la mesure où ce ne sont pas des banques, mais des fonds de placement, des trusts, et des établissements financiers opaques qui ont accordé plus de la moitié des prêts récents. « Une grande partie de l’exposition des banques à l’immobilier n’est pas enregistrée comme de l’immobilier », résumait ainsi Chu.

Selon Wei Yao de la Société Générale, le niveau d’endettement des entreprises chinoises a atteint le seuil de 30% du PIB, soit le seuil critique … typique des crises financières. Estimant par ailleurs que de nombreuses entreprises ne parviendront pas à rembourser ces prêts, ni même les intérêts. Le pays pourrait ainsi se rapprocher d’un « Minsky moment » : moment où la montagne de dettes s’effondre sous son propre poids.

Sources : Les Echos, AFP, Reuters, La Tribune, The Telegraph

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com   – 18 mars 2014

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