Chute du prix du pétrole : aubaine pour les USA via le crash financier du Venezuela ?

Aussi étrange que cela puisse paraître, la chute du prix du baril pourrait ne pas engendrer que des inconvénients pour les Etats-Unis … bien au contraire.

Si l’on regarde finement, la situation pourrait permettre à l’oncle Sam d’éliminer un farouche adversaire politique et concurrent sur l’échiquier énergétique mondial.

Vous en doutez ? Jugez plutôt …

Dans un article daté de lundi dernier, le quotidien russe Novye Izvestia déplore ainsi le fait que la situation économique du Venezuela s’aggrave au fur et à mesure que le cours pétrolier diminue.

« En dépit de l’optimisme du gouvernement, le marché ne croit pas non plus en un avenir prospère du pays », ajoute le journal. Lequel précise que les taux d’intérêt pour les obligations de 10 ans ont atteint 18% en fin de semaine dernière, un niveau record inégalé depuis cinq ans et supérieur à celui des pays les plus endettés, dont l’Ukraine et l’Argentine.

Au final, le quotidien estime que les obligations du pays sont devenues les plus risquées du monde. Pire encore, selon lui, le marché se prépare ni plus ni moins au crash financier du Venezuela.

Si tous les pays producteurs de pétrole sont certes durement impactés par la chute du prix du baril, le Venezuela semble faire partie des plus vulnérables. En effet, le secteur pétrolier contribue à hauteur de 96% aux recettes des exportations de ce pays, tandis que son coût de sa production est largement plus élevé qu’au Moyen-Orient.

De ce fait, la chute du cours pétrolier, tombé jusqu’à 77,65 dollars le baril vendredi dernier – ce qui constitue le tarif le plus bas depuis fin 2010 – est très pour l’avenir économique du Venezuela et des importants pays producteurs.

Ainsi, en un peu plus d’un mois, le tarif du pétrole vénézuélien a baissé de presque 15 dollars.

La chute du pétrole a provoqué une forte baisse des réserves de change du pays. Selon la Banque centrale du Venezuela, ces dernières sont tombées en-dessous de 20 milliards de dollars au mois d’octobre.

Une situation d’autant plus alarmante que la production pétrolière locale ne cesse de diminuer. Durant l »époque Chavez, le Venezuela produisait 3,5 millions de barils par jour, il n’en produit que 2,6 millions aujourd’hui. Autre élément inquiétant : seulement 1,2 million de barils vendu quotidiennement rapportent des devises au pays.

Car le Venezuela pratique une politique de troc et de tarifs bas avec ses voisins de Cuba et d’autres pays des Caraïbes, le pays de Fidel Castro profitant de l’excellent niveau de ses médecins pour s’approvisionner à bas coûts.

Parallèlement, Caracas envoie des milliers de barils en Chine en vue de rembourser les intérêts des prêts de plusieurs milliards de dollars. 800 000 barils sont quant à eux destinés au marché intérieur. Très bon marché, ils ne rapportent rien au Trésor.

Certes le gouvernement pourrait être tenté d’augmenter le prix de l’essence, mais une telle politique ne ferait qu’accroître une inflation d’ores et déjà record, puisqu’elle dépasse à l’heure actuelle 60% et conduire à l’explosion sociale.

La dévaluation du bolivar, la monnaie du pays, pourrait quant à elle à freiner l’économie du pays, en augmentant le coût des approvisionnements.

Si les marchés vénézuéliens s’avèrent quelque peu pessimistes, le président Maduro déclare à qui veut l’entendre que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, et que la dégringolade du cours pétrolier devrait permettre à ce dernier de rebondir après avoir touché le fond.

Mais la situation est loin d’être aussi idyllique …. En effet, le journal vénézuélien El Universal vient d’indiquer que le Venezuela importait du pétrole pour la première fois dans son histoire. Un porte-conteneurs en provenance d’Algérie devrait ainsi arriver le 26 octobre sur les côtes vénézuéliennes avec quelque 2 millions de barils d’un pétrole algérien ultraléger, dénommé Saharan Blend.

Si la compagnie pétrolière de l’Etat du Venezuela (PDVSA) n’a pas confirmé la nouvelle, diffusée le 16 octobre par l’agence Reuters, le quotidien espagnol El País, considère quant à lui qu’il s’agit d’une « atteinte à la souveraineté d’un pays qui compte les plus grandes réserves pétrolières au monde ». Ajoutant au final que « la chute des prix du pétrole aggrave la crise économique du Venezuela ».

L’importation de ce pétrole algérien léger est destiné à réduire le coût de la transformation du pétrole lourd issu des gisements de la ceinture de l’Orénoque, dans le nord-est du pays.

Le coût élevé du naphta, solvant utilisé par l’industrie pétrolière vénézuélienne en vue de le mélanger au brut avant exportation, grève en effet es comptes de la PDVSA, et ce d’autant plus dans le contexte actuel de baisse des prix du baril. Le gouvernement de Nicolás Maduro a donc choisi de s’approvisionner en pétrole léger d’Algérie pour remplacer le naphta.

Selon un économiste cité par El País, le Venezuela aurait besoin d’un prix du brut à 120 dollars le baril pour espérer maintenir ses dépenses publiques actuelles. « Un prix impensable dans le contexte actuel du marché »,  estime le journal espagnol, le cours actuel avoisinant 80 dollars.

Cinquième exportateur mondial du brut et fournisseur majeur des Etats-Unis le Venezuela est un pays dont l’économie est essentiellement basée sur le pétrole. Ce dernier est non seulement le pilier de l’économie vénézuelienne mais aussi celui de la politique diplomatique menée successivement par Hugo Chavez et Maduro. Ressource stratégique, le pétrole vénézuélien constitue en effet un instrument  de politique nationale, tout en permettant aux dirigeants du pays d’étendre leur influence dans la région aux moyens d’accords et d’alliances. Leur offrant au final les moyens de mener une véritable  « guerre froide » contre les Etats-Unis.

Sources : Presse russe et espagnole, Courrier International

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 23 octobre 2014

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