Collusion entre Daesh et la Coalition sous forte odeur de pétrole, selon la Russie

Alors que des medias tels que M6 dans son émission Capital et le Financial Times ont d’ores déjà pu démontrer à quel point le business model de Daesh était lié au pétrole, l’affaire prend une nouvelle ampleur via l’intermédiaire du Ministère de la défense russe, Moscou laissant entendre à demi-mot que les pays occidentaux protègent en quelque sorte cette économie parallèle. Laquelle leur permettrait notamment de s’approvisionner via une filière low-cost.

Les lobbies pétroliers US pourraient également avoir intérêt à faire baisser le cours du brut pour affaiblir des multinationales « adverses » et tenter de réduire les parts de marché de pays comme l’Arabie saoudite, en les incitant à baisser leur niveau de production pour maintenir les prix. Or, l’offre supplémentaire de pétrole mise ainsi sur le marché par Daesh est également de nature à faire baisser le cours du baril.

En tout état de cause, le porte-parole du ministère de la Défense russe vient de démentir les déclarations de Washington prétendant avoir ciblé les installations pétrolières de l’État islamique en Syrie. Mieux encore, il accuse les États-Unis de n’avoir bombardé que les infrastructures syriennes.

« Miraculeusement, seuls les champs pétroliers capturés par Daesh qui ont permis aux terroristes de gagner des dizaines millions de dollars chaque mois grâce à la vente illégale du pétrole et de recruter des mercenaires autour du monde ne sont pas tombés sous le feu de la coalition occidentale menée par les États-Unis », a déclaré le porte-parole du ministère de la Défense russe Igor Konashenkov. Répondant ainsi indirectement aux propos prononcés quelques heures auparavant par le directeur de la CIA, John Brennan, lequel avait accusé la Russie d’avoir pratiqué « une tactique de terre brûlée » en Syrie.

« La coalition internationale, dirigée par Washington, a méthodiquement détruit l’infrastructure syrienne, depuis 2012, afin d’affaiblir son gouvernement légitime et ce, en dépit de la menace pour la population civile« , a-t-il poursuivi.

« John Brennan est parfaitement au fait des résultats réels des actions russes en Syrie. À l’attention particulière de la CIA et d’autres services spéciaux de ce type, nous les avions annoncés lors de la conférence finale de l’année du ministère de la Défense russe« , a-t-il souligné en rappelant que la Russie, la Turquie et l’Iran avaient signé un accord de cessez-le-feu en Syrie et entamé des préparations aux négociations de paix à Astana.

La coalition internationale dirigée par les États-Unis déclare avoir frappé les positions de Daech en Syrie depuis 2014. Parallèlement, les forces spéciales américaines ont soutenu des groupes armés de l’opposition dite « modérée » en lutte contre le gouvernement syrien.

 – Daesh, un business model basé en grande partie sur le pétrole – 

En novembre 2015, quelques mois après que le  magazine Capital de M6 ait laissé entrevoir que le financement de Daesh   ou Etat islamique  voire même tout son système économique étaient fortement liés à la manne pétrolière, le Financial Times  lui avait emboîté le pas. Selon le journal anglo-saxon, l’organisation pourrait ainsi dégager autour de 500 millions de dollars par an, grâce à l’exploitation du pétrole. Les frappes aériennes de la coalition internationale ne changeant rien à l’affaire, avais-je alors ajouté.

Au terme d’une vaste enquête, les journalistes du Financial Times ont pu ainsi établir que Daesh gère ni plus ni moins qu’une véritable compagnie pétrolière, générant l’essentiel de ses revenus de l’exploitation de l’or noir. Des conclusions auxquelles les investigations de M6 avaient également permis d’aboutir.

Contrairement au mouvement terrorriste Al-Qaida, financé grâce à de riches donateurs extérieurs et grâce aux rançons de ses prises d’otage, l’organisation Etat islamique peut dégager les ressources dont elle a besoin sur son propre territoire, déclare ainsi le FT. Mieux encore – et comme ses confrères de Capital – le journal qualifie ses méthodes de professionnelles. Il ne s’agit ni plus ni moins que du business à grande échelle, une méga-entreprise dont l’activité serait la vente de pétrole low-cost , laissaient entendre quant à eux les journalistes de M6.

Le Financial Times rapportait en effet que Daesh procède à des opérations massives de recrutement de personnel qualifié – ingénieurs, formateurs, managers – en vue de développer son secteur économique leader, devant le racket ou le commerce des antiquités. Selon le quotidien, l’organisation Etat islamique profite par ailleurs de sa situation de monopole dans les régions qu’elle contrôle, mais aussi sur le territoire de ses ennemis. Elle fournit ainsi le carburant nécessaire aux tracteurs, aux groupes électrogènes des hôpitaux ou encore aux machines qui servent à dégager les victimes des débris.

Selon  le magazine Capital, l’économie de Daesh fait preuve d’une très bonne organisation autour de la gestion de production pétrolière. Le reportage mettait ainsi en avant le fait que l’Etat Islamique s’est fixé pour objectif de dégager des rendements deux fois supérieurs à ceux obtenus dans les champs de pétrole avant qu’ils en prennent possession. Selon le magazine, l’Etat islamique est très bien organisé dans ce domaine, ses membres connaissant très bien la filière. Cerise sur le gâteau, on y retrouve un véritable organigramme avec des ministres, des personnes en charge du budget …. Pétrole, dollar, productivité, un modèle au final pas si éloigné des méthodes capitalistes des majors pétrolières, sachant que cette fois-ci, il s’agit de faire du low-cost avec des mercenaires payés à moindres frais que sont les terroristes  ….

Le vaste reportage de M6 précisait également alors que Daesh vendait des barils entre 18 et 23 dollars, c’est-à-dire près de trois fois moins chers que les autres. Ce pétrole quittant de manière illégale la Syrie ou l’Irak pour emprunter par la suite des voies qui le conduisent en Europe.

– Quand l’ambassadrice de l’UE en Irak affirmait que l’UE achetait du pétrole à Daesh via la Turquie – 

En septembre 2014, alors que nous indiquions que du pétrole du Kurdistan  était exporté depuis le début de l’année vers la Turquie, laquelle affirmait haut et clair destiner ce pétrole au marché international, l’ambassadrice de l’Union européenne en Irak avait affirmé lors du Comité des Affaires étrangères du Parlement européen que certains pays européens avaient acheté du pétrole à « l’Etat islamique » . Néanmoins, en dépit des questions pressantes de certains députés européens désireux d’en savoir plus, cette dernière avait refusé de divulguer la liste des pays impliqués.

En août 2014, le site d’information « Jutarnji List » indiquait quant à lui qu’un pétrolier transportant du pétrole brut du Kurdistan irakien, contenant 80.000 mètres cubes de brut, était entré dans le port croate d’Omisalj. Ajoutant qu’il s’agissait de la quatrième cargaison d’une telle envergure de brut en provenance du Kurdistan irakien, chargée dans un port de Turquie, à destination de la Croatie.

L’ambassadrice avait par également déclaré quant à elle que les tankers chargés du pétrole acquis auprès de l’Etat Islamique étaient arrivés dans plusieurs pays membres de l’UE, exhortant l’Union européenne à faire pression sur Iran, Kurdistan et Turquie en vue de faire stopper ces transactions.

David Rigoulet-Roze, spécialiste des questions énergétiques au Moyen-Orient, avait indiqué pour sa part, s’exprimant sur TV5Monde, que du pétrole du Kurdistan était exporté depuis janvier 2014 via des camions citernes vers la Turquie. Autre alternative en dehors de la voie maritime : depuis mai 2014, un pipeline ayant pour destination le port turc de Ceyhan permettant également de fournir la Turquie en hydrocarbures.

De son côté, le gouvernement du Kurdistan avait alors décidé d’octroyer des concessions pétrolières à des entreprises étrangères (Exxon Mobil, Chevron, Total) – sans l’aval de Bagdad – avec l‘ouverture d’un oléoduc partant de Tak Tak (raffinerie dans la région d’Erbil), d’une capacité de transit vers la Turquie de 100 000 barils jour, pouvant atteindre à terme 400 000 barils jour.

En août 2014, le site Atlantico indiquait pour sa part que le pétrole et les produits dérivés sous contrôle de l’Etat islamique étaient revendus à prix réduit sur le marché noir local, en Irak et en Syrie (à un prix variant entre 25 et 50 dollars le baril contre un prix sur le marché de plus de 100 dollars). Le site indiquait alors que ces produits étaient également utilisés par l’EI pour ses propres besoins, tout en ajoutant que l’EI contrôle également les routes de contrebande et de transit du pétrole vers la Jordanie, la Turquie et l’Iran (via le Kurdistan).

« En raison de la complexité et souvent de l’opacité des réseaux de distribution, ces pays pourraient en effet devenir les clients involontaires et indirects de l’Etat islamique, s’ils ne le sont pas déjà » affirmait par ailleurs le journaliste d’Atlantico. Lequel ajoutait « à terme, on ne peut pas exclure que du carburant vendu par des intermédiaires de l’Etat islamique ne soit commercialisé aux Etats-Unis et même en Europe ».

Le site French.irib indiquait alors pour sa part que des rapports avaient déjà accusé la Turquie d’acheter et de transporter le pétrole vendu par « l’Etat islamique » et par le Front al-Nosra. Selon ces documents, les services de renseignement occidentaux seraient capables de suivre les livraisons de pétrole des terroristes de l’EI se déplaçant à travers l’Irak et la Turquie.

– Quand Poutine accusait des membres du G20 de financer Daesh

En novembre 2015, alors que des soupçons quant aux possibles accointances entre Daesh / Etat islamique et Washington émergeaient de plus en plus ici là sous forte odeur de pétrole et de papier monnaie … Barack Obama avait affirmé que les Etats-Unis et leurs alliés poursuivraient sans relâche leur lutte contre les extrémistes de l’Etat islamique (EI).

« Détruire (l’Etat islamique) n’est pas seulement un objectif réaliste, c’est une tâche que nous allons mener au bout », avait ainsi déclaré le président américain. « Nous les éliminerons. Nous reprendrons les terres où ils sont, nous supprimerons leurs financements, nous traquerons leurs dirigeants, nous démantèlerons leurs réseaux, leurs lignes de ravitaillement, et nous les éliminerons » avait-t-il ainsi affirmé grandiloquent.

Des propos qui résonnent étrangement avec les soupçons qu’avait formulés Poutine lors de sa participation au sommet du G20, qui s’est tenu du 14 au 16 novembre 2015 en Turquie, soit le lendemain des attentats perpétrés à Paris. Le président russe avait alors souligné que la Russie avait présenté des exemples de financement des terroristes de Daesh par des personnes physiques venant de 40 pays, y compris des pays-membres du G20.
Vladimir Poutine avait également évoqué la nécessité urgente d’empêcher la vente illégale de pétrole.

Le 13 août 2014, reprenant une analyse du quotidien Nezavissimaïa Gazeta, l’agence de presse russe  Ria Novosti, avait également dénoncé à son tour le fait que les terroristes de EI bénéficient en réalité d’un soutien financier, matériel et militaire pratiquement illimité du Qatar, et indirectement des États-Unis et de l’UE.
Après avoir rappelé que « les organisations terroristes islamistes, comme Al-Qaïda ou les talibans, ont été créés par la CIA, le Pentagone et le département d’État« , les médias russes soulignaient ainsi ,  « qu’avec le consentement silencieux, voire parfois le soutien direct de Washington et de ses alliés occidentaux et régionaux, le terrorisme international se répand sur la planète, représentant une menace toujours plus importante pour l’humanité. »

On ne peut ainsi que s’étonner que les frappes aériennes occidentales contre ces mouvements aient obtenu si peu de résultats depuis plusieurs semestres, alors qu’elles étaient venus à bout de l’armada irakienne de Saddam Hussein en 3 semaines. Rappelons ainsi que la guerre contre l’Irak a été déclarée par George W. Bush le 20 mars 2003 et que Bagdad est tombée le 12 avril de la même année.

– Quand le Canard enchaîné rejoint les accusations de la Russie

Le Canard enchaîné du 6 octobre 2014 se voulait quant à lui beaucoup plus direct, affirmant que les pilotes américains et alliés de la coalition opérant en Syrie et en Irak ont reçu l’ordre de ne jamais frapper les terroristes du groupe Front al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda.

« La Turquie (membre de l’Otan), l’Arabie saoudite et le Qatar (alliés et clients des Etats-Unis et de la France) arment et financent cette Armée de la Conquête », une force « dirigée par le Front Al-Nosra« , écrit ainsi le journal. « Les pilotes américains et alliés ont, voilà plus d’un an, reçu l’ordre de ne jamais balancer le moindre missile sur ces héritiers de Ben Laden », poursuivait le Canard. Ajoutant que « c’est l’armée de Bachar, avec le soutien militaire de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah, qui a empêché Daesh de planter ses drapeaux noirs sur Damas ».

Au final, si l’« État islamique » et les terroristes d’Al Nosra-Al Qaïda sont officiellement combattus, de plus en plus d’éléments laissent à croire qu’ils sont en réalité soutenus discrètement, par Washington et ses vassaux.

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 5 janvier 2017

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