Concurrence : une amende allégée pour le « cartel des yaourts »

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En mars 2015, les producteurs de produits laitiers avaient été condamnés par l’Autorité de la concurrence à une amende totale de 197,2 millions d’euros pour s’être entendus sur les prix et s’être répartis les volumes dans le secteur des produits laitiers en MDD (ADLC, décision n°15-D-03). Saisie d’un recours, la Cour d’appel de Paris a réduit de plus de 60 millions d’euros l’amende qui avait été prononcée (Cour d’appel de Paris, 23 mai 2017, RG n°2015/08224).

Pour annuler partiellement la décision de l’Autorité et réduire le montant total de l’amende de près d’un tiers, la cour d’appel a notamment retenu la violation des principes du contradictoire et droits de la défense.

En effet, lors de la séance devant l’Autorité de la concurrence, les rapporteurs chargés d’instruire le dossier avaient procédé à une quantification nouvelle du dommage à l’économie sur la base de deux méthodes économétriques qui ne figuraient pas dans le rapport précédemment notifié aux parties concernées. En réponse aux protestations des entreprises contre la présentation tardive de cette analyse, le président de séance avait adressé à ces dernières les supports écrits utilisés par les rapporteurs pour préparer leur exposé oral et avait donné à celles-ci un délai de 7 jours pour lui faire parvenir une note en délibéré « dont l’objet unique [était] de produire, sans réouverture des débats, [leurs] observations sur la méthodologie des services d’instruction, à l’exclusion de toute nouvelle étude économétrique ».

Devant la cour d’appel, certaines requérantes ont alors soutenu, d’une part, que la production des notes en délibéré étaient soumises à des conditions trop restrictives et que, d’autre part, les notes produites par les autres parties ne leur avaient pas été communiquées, empêchant ainsi le respect du contradictoire.

Si la cour rappelle la jurisprudence selon laquelle aucune disposition n’impose que les observations orales des rapporteurs revêtent une forme écrite et soient communiquées aux parties (Cass. Com., 19 janvier 2016, n°14-21.670), elle souligne néanmoins que c’est à la double condition qu’aucun élément nouveau n’ait été allégué à la charge des entreprises et que les parties aient pu répliquer à ce qui a été soutenu pendant l’intervention orale des rapporteurs.

La cour relève en outre que la production des notes en délibéré était enfermée dans un délai trop court, et que « compte tenu de la complexité des questions en jeu », les notes en délibéré ne pouvaient que porter sur la méthodologie retenue par les rapporteurs et non sur l’analyse du dommage à l’économie développée par eux, y compris dans ses aspects quantitatifs. Elle estime en conséquence que, sur ce dernier point, les entreprises ont été privées de toute contradiction.

De plus, les notes en délibéré adressées à l’Autorité n’ayant pas été communiquées aux entreprises en cause, la cour d’appel retient que l’Autorité a « dans le cours de son délibéré, disposé et fait usage d’éléments dans l’ignorance desquels elles ont été maintenues, en méconnaissance du principe du contradictoire », peu important que ces notes aient été produites par la suite dans le cadre du recours.

L’autre enseignement de cet arrêt concerne la détermination des sanctions. En l’occurrence, la Cour d’appel de Paris juge approprié, même si elle n’y est pas tenue, d’appliquer le communiqué relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires du 16 mai 2011. En effet, selon la cour ce communiqué « qui vise à accroître la transparence, en faisant connaître par avance la façon concrète dont l’Autorité exerce son pouvoir de sanction, a notamment pour finalité de faciliter la prévisibilité des sanctions encourues par les entreprises, lorsqu’elles envisagent de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles, et, partant, de renforcer leur caractère dissuasif. Or ce besoin de prévisibilité et de dissuasion n’est pas moins grand devant la cour, saisie sur recours, que devant l’Autorité ».

Si la cour fait sienne la grille d’analyse de l’Autorité en matière de sanctions, elle parvient néanmoins à des montants de sanction significativement moindres, et ce pour le bonheur des entreprises concernées…

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