Conduire sans permis pourrait ne plus être un délit

Selon un projet de loi qui sera présenté ce vendredi 31 juillet par Christiane Taubira en conseil des ministres – que La Croix a pu consulter en exclusivité – les automobilistes qui conduiront sans permis de conduire pourraient ne plus passer devant le juge et être condamnés à une simple amende de 500 euros. 

Cette réforme s’inscrit dans le cadre du projet sur la justice du XXIe siècle de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui doit être présenté vendredi en Conseil des ministres, a-t-on appris de sources syndicales, confirmant une information du quotidien La Croix. Jusqu’à présent, la conduite sans permis était passible d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. Le nouveau texte prévoit cependant que cette contravention ne s’appliquera que lorsque les faits « seront constatés pour la première fois » et à l’exception « de certaines circonstances ». « Lorsque ces faits seront commis de façon renouvelée dans un délai de cinq ans, ou commis en même temps que d’autres infractions ou par le conducteur d’un véhicule de transport de personnes ou de marchandises, ils continueront de constituer des délits », précise en effet le texte. Et, dans ce cas-là, la loi sera plus sévère puisque les contrevenants seront passibles du double de la peine actuellement encourue, soit deux ans de prison et 30.000 euros d’amende pour un défaut de permis. Le défaut d’assurance sera, lui, passible d’une peine de deux mois alors qu’il n’est puni aujourd’hui que d’une peine d’amende. Dans l’exposé des motifs de la loi, la Chancellerie justifie cette réforme en expliquant que ces nouvelles mesures « permettront d’assurer une répression automatique » ainsi qu’une « sanction plus rapide et plus systématique ». 

Un projet de loi calamiteux et irresponsable

Chez les associations de sécurité routière, en revanche, le texte suscite une rarissime unanimité contre lui, alors que la mortalité routière est repartie à la hausse en 2014 (3.388 morts, +3,5%) pour la première fois en douze ans. « C’est le pire des messages que l’on peut envoyer, un projet de loi calamiteux, pathétique », qui démontre « que la sécurité routière n’est pas la priorité du gouvernement », déplore la présidente de la Ligue contre la violence routière, Chantal Perrichon. « La ministre ne réalise pas la conséquence. Espérons que le Parlement en réalisera la gravité. » Pour son habituel opposant, le directeur général de l’association 40 millions d’automobilistes, Pierre Chasseray, « c’est un texte stupide et incompréhensible ». « Ça coûtera moins cher de prendre une +prune+ que de prendre une assurance! Et vu qu’il y a de moins en moins de policiers au bord des routes, la probabilité d’être pris est faible », ajoute-t-il. « C’est un relâchement alors qu’on constate une augmentation du nombre de personnes conduisant sans permis et sans assurance », estimé respectivement à 500.000 et 750.000 personnes. « Est-ce que si les tribunaux sont pleins de cambrioleurs, on ne sanctionnera plus les cambrioleurs? » lance-t-il. « Une excellente nouvelle pour les automobilistes et pour les délinquants, une très mauvaise nouvelle pour la sécurité routière », résume l’avocat Rémy Josseaume, qui défend les usagers de la route. « C’est complètement irresponsable, c’est un pousse-au-crime. La conduite sans permis ou sans assurance est un fait intentionnel. Ceux qui hésitaient à le faire en se disant +c’est grave, je risque un casier, de la prison avec sursis+ n’hésiteront plus. On perdra aussi la valeur pédagogique de passer devant un juge. Et griller un feu rouge sera plus lourd puisqu’on encourt 750 euros d’amende, une perte de points et une suspension de permis. » De son côté, le CNPA Education-Routière juge cette annonce « totalement infondée, alors que de plus en plus de jeunes trouvent la mort sur les routes ». Selon le Conseil National des Professions de l’Automobile, « cette mesure serait purement et simplement une banalisation de l’infraction, un message très négatif envoyé aux jeunes qui pourraient être plus nombreux à prendre la route sans en avoir les capacités. » Il rappelle que le permis de conduire est un diplôme que l’on obtient au terme d’un « apprentissage exigeant, afin d’assurer la sécurité de tous sur les routes ».

Une étude citée par La Croix relate par ailleurs que ce projet n’aura qu’un impact très limité sur la charge actuelle de travail des magistrats, ne libérant que dix postes de magistrats sur un total de 8.000 et seulement trente postes de greffiers.

(avec AFP)

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