Coronavirus: les hôpitaux et cliniques privés sont « prêts »

Dans la « guerre » qu’Emmanuel Macron a déclarée à l’épidémie de coronavirus lundi soir, les établissements hospitaliers privés sont en première ligne, aux côtés des hôpitaux publics et de la médecine de ville. Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), explique quelles dispositions ont été prises pour faire face à la propagation rapide du virus, et de quels moyens disposent les hôpitaux et cliniques privés. « Nous sommes prêts », assure-t-il, sans cacher qu’au rythme où progresse le Covid-19, « très bientôt, nous serons débordés ».

Challenges – Comment les hôpitaux privés s’organisent-ils pour participer, avec les hôpitaux publics et la médecine de ville, à la lutte contre l’épidémie de coronavirus?

Lamine Gharbi – Dès que le gouvernement a déclenché le « plan blanc maximal » pour les hôpitaux et cliniques [vendredi 13 mars, NDLR], nos 500 établissements sur tout le territoire ont immédiatement déprogrammé toutes les interventions non urgentes prévues. Par exemple, les opérations d’une hernie, de la cataracte ou la pose d’une prothèse de hanches: 100.000 patients sont concernés cette semaine. A titre de comparaison, sept millions de patients sont opérés dans nos établissements chaque année. Concrètement, chacun de nos hôpitaux et cliniques dispose d’entre 20 et 40 lits pour accueillir les patients infectés par le coronavirus. Ces « lits covid » sont dans des unités d’hospitalisation isolées où nous pouvons offrir les soins dont les patients ont besoin, comme de l’oxygène ou des traitements de récupération. Et nous avons, en outre, mobilisé sur tout le territoire 4.000 lits de réanimation et de soins intensifs, dont environ 5% des personnes infectées ont besoin. Nous sommes prêts.

Concrètement, comment gérez-vous la mobilisation du personnel?

Tout le monde est là, mobilisé. A l’exception de l’Île-de-France ou du Grand-Est où l’afflux a déjà commencé, dans les autres régions, nous sommes dans l’attente de ces patients qui vont arriver dans les prochains jours. Nous avons prévu un circuit indépendant pour les urgences hors covid-19, qui est très réduit. D’ailleurs, seules 15% des interventions programmées cette semaine ont été gardées, soit entre 15.000 et 20.000. L’activité sera de toute façon en diminution, avec le confinement, car les activités sportives sont arrêtées, moins de personnes prennent leur voiture, donc il y a moins d’accidents de la vie quotidienne. Pour le coronavirus, nous isolons les malades qui ont de la fièvre dans un circuit à part. Nous allons sans cesse nous adapter aux forces en présence, notamment quand des soignants devront s’arrêter s’ils sont contaminés. Les aides-soignantes pourront, par exemple, prendre certaines tâches des infirmières s’il en manque, comme la distribution des médicaments, la vérification de la tension ou de la température. Et nous avons prévu des cellules psychologiques de soutien aux soignants quand ils seront sur le pont H24. Car, oui, très bientôt, nous allons être débordés…

Pensez-vous avoir tous les moyens nécessaires pour gérer cet afflux de patients qui va survenir inévitablement dans les prochains jours?

Nous avons deux grands sujets d’inquiétude. Le premier, c’est le manque de masques. Le ministre de la Santé évoquait il y a quelques jours un stock de 110 millions de masques. Mais nous sommes 3 millions de soignants au total en France. Si chacun utilise 5 à 6 masques par jour, nous aurions besoin d’au moins 15 à 18 millions de masques par jour. Donc, nous n’aurions en France qu’à peine six jours de stocks? Certes Emmanuel Macron a annoncé hier que 25 départements seraient livrés dès mercredi, mais est-ce que ce sera assez? Nous demandons à l’Etat que nos personnels soient protégés. Le président nous envoie à la guerre, mais nous ne pouvons pas envoyer nos soignants au front sans rien.

Comme pendant la Grande guerre de 1914-1918, quand les Allemands avaient des chars et les Français, en face, des chevaux. Il faut importer des masques de Chine, réorienter les usines textiles en France pour qu’elles fabriquent des masques, comme LVMH a produit du gel hydroalcoolique dans ses usines de parfum. Dans nos établissements, nous avons dû mettre en œuvre des mesures de protection pour notre matériel: gants, masques, gels hydroalcooliques, sont mis sous clés, à cause des vols. Certains établissements se sont fait voler 15% de leurs stocks de masques! Nous sommes d’autant plus inquiets qu’il faudrait pouvoir tester massivement nos personnels. Or, et c’est notre deuxième problème majeur aujourd’hui, comme pour les masques, nous n’avons pas les moyens de réaliser assez de tests. Les laboratoires de ville manquent de réactifs. Il faut que le gouvernement augmente les dotations en réactifs et donnent plus de moyens aux laboratoires de ville.

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