Croissance US : le FMI fait fi des hypothétiques mesures de Trump

Une première depuis l’élection de Donald Trump : le Fonds Monétaire International vient d’abaisser ses prévisions de croissance pour les Etats-Unis. Arguments invoqués : les incertitudes concernant son plan de relance économique …. lequel pourrait s’avérer n’être au final qu’une « belle » promesse de campagne. Plus facile de se faire élire que de gouverner ?

Le FMI estime désormais dans son nouveau rapport annuel sur les Etats-Unis que le Produit intérieur brut (PIB) US ne progressera que de 2,1% cette année et en 2018. En avril dernier, il tablait encore sur une hausse de 2,3% en 2017 et de 2,5% en 2018. Mais, en l’absence de précisions sur la mise en œuvre des réformes fiscales et budgétaires promises par l’administration Trump, le Fonds ne souhaite plus prendre en compte dans ses prévisions l’impact attendu de telles hypothétiques mesures.

Le FMI ajoute que ses nouvelles estimations « reflètent pour une large part l’incertitude sur les mesures macro-économiques qui seront mises en place dans les prochains mois ». L’optimisme semble ne plus être de mise désormais alors qu’en janvier dernier, le Fonds avait relevé ses prévisions pour les Etats-Unis, quelques jours avant l’arrivée du milliardaire à la Maison Blanche.

Côte promesses, l’administration Trump a laissé entendre qu’elle mettrait en place une réforme des impôts, que de très importantes dépenses d’infrastructures seraient réalisées et qu’une renégociation des accords commerciaux permettraient de doper la croissance autour de 3% dès 2018 et sur le long terme. Côté réalisations concrètes … aucune discussion relative aux différentes mesures envisagées n’a pu avancer au Congrès.

Or, pour que ses réformes puissent se concrétiser, le locataire de la Maison Blanche devra parvenir à un compromis avec le Sénat et la Chambre des représentants seuls habilités à décider de grandes réformes fiscales. Or, le coût élevé des mesures fait d’ores et déjà débat parmi les parlementaires. Certains « faucons » s’alarment du coût exorbitant d’une réforme aux cadeaux fiscaux désormais financés uniquement par une hypothétique hausse de la croissance, la remise en cause de la réforme de l’Obamacare privant l’Etat d’une importante baisse de dépenses qui aurait pu aider à parvenir à équilibrer autant que faire se peut le budget. Les économies qu’il était prévu de tirer de la réforme de l’assurance santé devaient en effet compenser en partie les réductions d’impôts envisagées et donc la baisse de revenus pour le budget fédéral. Selon le think tankTax Foundation, cette réforme devrait engendrer un manque à gagner de plus de 2.000 milliards de dollars sur 10 ans.

En avril dernier, le secrétaire au Trésor US, Steven Mnuchin, avait quant à lui indiqué au Financial Times que la grande réforme fiscale promise par le président américain Donald Trump « sera probablement un peu retardée en raison de la réforme de la santé », retoquée fin mars. L’objectif initial de faire adopter par le Congrès un texte sur le sujet avant août « est très optimiste voire pas réaliste actuellement », avait-il parallèlement expliqué au quotidien britannique, affirmant toutefois qu’il misait toujours sur un remaniement du code fiscal d’ici la fin de l’année.

Redoutant que les réalités du terrain ne viennent à bout de la fougue de Donald Trump, le FMI s’interroge même désormais sur la faisabilité court terme des projections du gouvernement. « Même avec les conditions idéales d’une politique de relance, la croissance potentielle sera probablement plus faible que ce que le projet de budget prévoit et prendra plus de temps à se matérialiser », estime ainsi le Fonds.

Dans un communiqué publié à l’issue de son examen périodique des politiques économiques des Etats-Unis, le FMI juge au final peu probable que l’objectif de croissance de plus de 3% sur une longue période affiché par Washington soit atteint, et ce d’autant plus que le marché du travail est d’ores et déjà – selon les chiffres officiels – à un niveau correspondant au plein emploi. Sous-entendu : l’administration Trump ne va pas pouvoir tirer de son chapeau – voire des statistiques ? – des emplois supplémentaires.

Si le taux de chômage enregistré  le mois dernier aux Etats-Unis est certes à son plus bas en 16 ans (depuis mai 2011 ! ) à 4,3%, seulement 138.000 emplois ont été créés, contre une attente de 185.000, laissant ainsi entrevoir que la baisse annoncée du chômage correspond plus à une résignation des sans-emplois. Certains analystes  tiennent toutefois à préciser qu’à l’heure actuelle, et au vu de l’évolution de la population active, il suffit d’une centaine de milliers d’emplois nouveaux par mois pour parvenir à faire baisser le taux de chômage.  D’autres – plus optimistes ? … –   estiment  qu’il est peut-être un peu tôt pour parler de « passage à vide » après bientôt deux trimestres après l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.

Mais au delà des doutes quant à la mise en œuvre des mesures promises par le milliardaire, c’est la stratégie de ce dernier pour tenter de relancer l’économie US qui est pointée du doigt par le FMI. Selon lui, les projets budgétaires de la Maison blanche feraient supporter une part disproportionnée des réductions de dépenses aux foyers à revenus faibles ou moyens. Ce qui, fait-il remarquer – avec une pointe d’ironie ? – «  semblerait contraire aux objectifs budgétaires de promotion de la sécurité et de la prospérité pour tous les Américains ».

En vue d’atteindre l’objectif ambitieux que s’est fixé l’administration Trump, le FMI préconise pour sa part la mise en œuvre d’une politique fiscale visant à améliorer le ratio recettes/PIB, des réductions de dépenses mieux réparties afin d’améliorer l’efficacité des amortisseurs sociaux tout en souhaitant que des efforts soient réalisés en vue d’endiguer la hausse des coûts de santé.

Sources : AFP, Reuters, Financial Times

Elisabeth Studer – 28 juin 2017 – www.leblogfinance.com

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