Déjà au plus haut depuis 2012 en dollars, l’once d’or profite des largesses budgétaires des Etats

Les contrats à terme sur l’or ont enregistré un bond de 7% la semaine dernière pour atteindre 1.700 dollars l’once jeudi (dernier jour de cotations avant le week-end pascal). Le cours du précieux métal est dopé par les anticipations de taux bas, voire négatifs, pour une période prolongée, et par les plans de relance massifs des banques centrales et des Etats qui portent un risque de dépréciation des devises.

Goldman Sachs n’est pas loin de valider son pronostic réalisé il y a près de trois semaines d’une once d’or à 1.800 dollars en 2020. En clôturant la séance de jeudi sur un nouveau gain journalier de 2% (soit +7% sur la semaine) à 1.752,80 dollars sur le New York Commodities Exchange, le contrat sur l’once d’or pour livraison en juin évolue à un sommet depuis octobre 2012, selon les données compilées par Factset.

En prévision d’une période prolongée de taux d’intérêt bas, voire négatifs, les investisseurs se ruent sur le métal précieux que ce soit via des achats physiques ou surtout d’ETF. Le World Gold Council indique que « les ETF mondiaux adossés à l’or et les produits similaires ont enregistré des entrées nettes de 298 tonnes, soit une croissance des actifs nets de 23 milliards de dollars à travers le monde au cours du premier trimestre 2020 ». Soit la plus forte progression en tonnage depuis 2016, et en dollars tout simplement la plus élevée jamais enregistrée.

Alors que l’or a traversé la période de fortes secousses sur les marchés actions sans se distinguer véritablement -la folle ruée des investisseurs vers les liquidités, c’est-à-dire vers le dollar, ne permettant pas au métal jaune de profiter entièrement de potentiel de valeur refuge- c’est maintenant qu’il atteint de nouveaux sommets.

« Le marché est inondé de liquidités provenant des banques centrales du monde entier, ce qui fait gonfler le prix de l’or en cette période très incertaine », souligne Craig Erlam, analyste de marché senior chez le courtier Oanda. L’or a ainsi touché un nouveau plafond depuis sept ans et demi jeudi, stimulé par la baisse du dollar en réaction à l’annonce de la Fed de la mise en place de nouveaux programmes de prêts à destination des entreprises et collectivités locales pour 2.300 milliards de dollars. Ces nouveaux plans de soutien massifs à l’économie soutiennent le cour du métal jaune dans la mesure où ils se traduisent par une explosion de la dette et, in fine, une hausse de l’inflation.

Même avant que les économies mondiales ne soient contraintes par la pandémie de s’arrêter, « une crise économique, financière et monétaire était de toute façon inévitable, la pandémie ne fait que l’accélérer et l’exacerber » juge Mark O’Byrne, directeur de recherche chez GoldCore. « L’or surpasse les autres actifs et enregistre une performance de +12% en dollars depuis le 1er janvier (+15% sur un an, NDLR), une surperformance qui se poursuivra dans les mois et les années à venir » selon le spécialiste, qui voit l’once s’envoler potentiellement jusqu’à 5.000 dollars dans les deux ans qui viennent.

Peter Grosskopf, directeur général du gestionnaire d’actifs Sprott, estime lui aussi que les prix pourraient dépasser leur record. « Nous suivons de près les échanges et les flux sur les marchés de l’or, ainsi que l’analyse technique sous-jacente, dont la plupart indiquent que l’or dépassera les 2.000 dollars à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine », explique-t-il, interrogé par Barron’s.

« Il y a trop de dettes à tous les niveaux. Nous avons emprunté sur l’avenir, et nous n’avons pas les moyens de le rembourser. Cette équation nécessite une austérité financière beaucoup plus importante à l’avenir, et l’or est une excellente cachette pour traverser ce processus », développe-t-il. Le gérant d’actifs considère par ailleurs que la crise économique qui se profile constitue également une opportunité d’investir dans le domaine de l’extraction de l’or. De fait, il s’agit selon lui du « moment idéal pour acheter des titres de sociétés aurifères » qui n’ont, « dans la précipitation des investisseurs pour répondre aux appels de marge », pas échappé à la purge sur les marchés actions depuis fin février. « Leurs marges atteindront des niveaux records à l’avenir », conclut-il.