Devises et taux : 3 QUESTIONS À : Lagarde a le bon profil pour ramener le calme à la BCE, selon UBP

PARIS, 24 octobre (Reuters) – L’une des premières missions de Christine Lagarde, qui succédera le 1er novembre à Mario Draghi à la présidence de la Banque centrale européenne, sera d’apaiser les tensions au sein de l’institut d’émission, tâche pour laquelle son expérience politique pourrait être précieuse, estime Patrice Gautry, chef économiste de l’Union bancaire privée (UBP).

1/ Que retenir de l’ultime conférence de presse de Mario Draghi ?

Patrice Gautry – « Il n’y a pas eu d’annonce, ce qui était attendu. C’était un passage de témoin à Christine Lagarde. Le problème pour Mario Draghi, et maintenant pour Christine Lagarde, c’est de mettre en place un environnement monétaire qui permette à l’économie de mieux fonctionner. Il a insisté sur les risques baissiers, que l’on peut énumérer: ce sont les tensions géopolitiques, la politique commerciale ou encore la vulnérabilité des pays émergents.

« Mais il y a un autre mot qui revient souvent, c’est l’incertitude. Face à cette incertitude, la politique monétaire a pour contrainte de faire en sorte qu’il n’y ait pas de verrou dans la transmission de la liquidité et de l’offre de crédit. On peut mettre cela à l’actif de Mario Draghi depuis 2011 puisqu’il a su éviter l’effondrement de la zone euro et un effondrement des banques et du crédit.

« L’effet de la politique monétaire serait encore bien supérieur si l’on avait un outil de politique fiscale, en mettant l’accent sur la Commission européenne afin qu’elle mette en place une politique budgétaire commune en parallèle à une politique monétaire commune.

« Le problème, c’est que ce n’est pas dans le mandat de la BCE mais on peut espérer qu’il y aura une communauté de pensée sous l’impulsion d’Ursula von der Leyen, la prochaine présidente de la Commission européenne. »

2/ La BCE a-t-elle encore des armes à sa disposition ?

Patrice Gautry – On a un outil de politique monétaire fort sur lequel on peut encore agir. Le « whatever it takes » est toujours présent dans les outils qui seront à la disposition de Christine Lagarde à partir de la semaine prochaine. Mais il y aussi un autre challenge qui est, peut-être, de changer la régulation de cette zone euro.

« C’est peut-être là le testament intellectuel et économique le plus intéressant que laisse Mario Draghi en disant: ‘vous avez plein d’outils monétaires qui ont un effet de levier formidable si vous les complétez avec une politique budgétaire adéquate qui ne soit pas de la responsabilité d’un seul pays mais qui s’inscrive dans une logique européenne’.

« Aller chercher des taux encore plus négatifs n’est pas nécessaire puisque, comme l’a reconnu lui-même Mario Draghi, on a été obligé de mettre en place ce système de ‘tiering’ pour amortir le choc. Mme Lagarde s’est d’ailleurs exprimée là-dessus avec une sensibilité qui n’est pas d’aller chercher des taux encore plus négatifs.

« Pour le QE, contrairement à ce qu’ont dit Mario Draghi et le chef économiste de la BCE, Philip Lane, je pense que la question de la limite se pose. Les contraintes techniques autour des achats peuvent encore être modulées de façon assez souple. L’objet du QE n’est pas de faire baisser les taux mais d’augmenter la liquidité en s’assurant que cette liquidité se transmette dans le circuit bancaire et arrive à la petite entreprise du coin et au ménage qui veut s’endetter pour sa consommation ou son immobilier.

« La prochaine étape pour Christine Lagarde, ce n’est peut-être pas d’augmenter le QE ni de baisser encore les taux mais plutôt de jouer sur la courbe des taux comme le fait la Réserve fédérale et de moduler la part entre les obligations gouvernementales et les achats de crédit avec, peut-être, la possibilité – que la BCE s’interdit pour l’instant – d’acheter des obligations bancaires. »

3/ La première mission de Christine Lagarde ne sera-t-elle pas de recoller les morceaux à la BCE ?

Patrice Gautry – « Si, tout à fait, et d’ailleurs, c’est son profil. La composante principale du personnage est davantage la politique que la technique bancaire ou financière. C’est peut-être un avantage par rapport à un profil du style de Benoît Coeuré, par exemple, qui est vraiment dans la technique bancaire et dans la politique monétaire au sens pur. Mais il est certain que cette dissonance, qui n’existait pas auparavant, devient un peu tonitruante par rapport à la réalité des faits, comme les indices d’activité PMI ou l’inflation qui, pour l’instant, donnent raison à Mario Draghi. »

Voir aussi :

La BCE laisse ses taux inchangés, Draghi défend son bilan

Principaux extraits de la conférence de presse de Mario Draghi (Propos recueillis par Patrick Vignal, édité par Marc Angrand)


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