Devises et taux : Draghi défend la politique ultra-accommodante de la BCE

(Actualisé tout du long)

JACKSON HOLE, Wyoming, 25 août (Reuters) – La politique monétaire ultra-accommodante de la Banque centrale européenne est un succès et la reprise économique s’installe en zone euro, même s’il faudra encore du temps pour que l’inflation atteigne son objectif, a déclaré vendredi son président.

A la conférence annuelle de Jackson Hole, dans le Wyoming, Mario Dragh a dit qu’il fallait faire preuve de patience, mais qu’il était convaincu que l’inflation convergerait vers l’objectif de la BCE – inférieur à mais proche de 2% – à mesure que l’économie arriverait à fonctionner à pleine capacité.

Alors que la croissance en zone euro est supérieure à 2%, son rythme le plus rapide depuis 2011, l’inflation devrait rester sous son objectif au moins jusqu’en 2019, un dilemme pour les responsables de la politique monétaire européenne.

« D’un côté nous sommes convaincus qu’avec la pleine utilisation des capacités de production, l’inflation va continuer à converger vers son objectif à moyen terme », a-t-il dit à une séance de questions après son discours. « D’un autre côté, nous devons être très patients parce que les tendances du marché du travail et la faible productivité ne sont pas des facteurs susceptibles de disparaître dans un avenir proche. »

Pour relancer l’inflation la BCE a acheté plus de 2.000 milliards d’euros d’actifs au cours des deux dernières années. Ce programme d’achats, appelé assouplissement quantitatif (quantitative easing ou QE), doit s’achever à la fin de l’année. Mais les responsables de la zone euro ont décidé en juillet d’ajourner pour l’instant les discussions sur les prochaines étapes, entretenant ainsi volontairement le flou sur les décisions qu’ils pourraient prendre entre septembre et décembre.

« Nous n’avons pas encore constaté la convergence auto-entretenue de l’inflation vers son objectif à moyen terme », a dit Mario Draghi. « C’est pourquoi une politique monétaire très accommodante reste nécessaire », a-t-il dit, réaffirmant la position de la BCE pour une politique monétaire expansionniste.

Il a noté que les capacités excédentaires de main-d’oeuvre freinaient la croissance des salaires et donc l’inflation.

L’euro a atteint son plus haut niveau en plus de deux ans face au dollar après ce discours, dans lequel le président de la BCE n’a pas exprimé son inquiétude concernant la fermeté de la devise européenne comme l’attendaient certains analystes.

La devise européenne a touché un pic de 1,1940 dollar, son plus haut depuis janvier 2015. La devise européenne a légèrement réduit ses gains après les propos accommodants de Mario Draghi. Vers 21h35 GMT, l’euro se traitait néanmoins autour de 1,1925 dollar, encore en hausse de plus de 1%.

MENACE PROTECTIONNISTE

Mais le président a averti que malgré le soutien des politiques monétaires dans le monde, la montée du protectionnisme menace de limiter le commerce, de freiner les gains de productivité et in fine de freiner la croissance.

Il a noté que la mondialisation avait laissé des pans de la société en plan, éveillant une défiance vis-à-vis des politiques traditionnelles d’ouverture et de coopération internationale.

Ces propos s’opposent aux tendances protectionnistes de l’administration Trump, qui menace de dénoncer les accords commerciaux et notamment l’Alena avec la Canada et le Mexique.

« Un virage vers le protectionnisme créerait de sérieux risques pour la poursuite de la croissance de la productivité et pour le potentiel de croissance de l’économie mondiale », a-t-il dit dans son discours très attendu de Jackson Hole.

« Pour créer une économie mondiale dynamique, nous devons résister à la tentation protectionniste », a-t-il souligné.

« Sans un potentiel de croissance plus forte, la reprise cyclique que nous constatons actuellement au niveau mondial convergera à terme vers des taux de croissance plus lents. »

Le président de la BCE a défendu par ailleurs la réglementation plus stricte mise en place après la crise financière, faisant écho au discours de la présidente de la Réserve fédérale, Janet Yellen, prononcé plus tôt.

« Vu le coût collectif élevé que nous avons pu constater, il n’y a jamais de bon moment pour relâcher la réglementation », a-t-il dit dans un discours qui n’a fait aucune mention de la politique monétaire actuellement menée par la BCE. « Mais il y a des moments où c’est particulièrement inopportun. »

« Surtout lorsque la politique monétaire est accommodante, une réglementation laxiste présente le risque de réveiller les déséquilibres financiers », a-t-il ajouté. (Balazs Koranyi, Juliette Rouillon pour le service français)

Investir – Toute l'info des marchés – Les Echos Bourse