Devises et taux : GRAPHES-Les marchés craignent un effet de contagion de la crise turque

par Ritvik Carvalho et Karin Strohecker

LONDRES, 15 août (Reuters) – La chute de la livre turque depuis le début du mois, qui l’a fait tomber lundi à son plus bas niveau historique face au dollar, a eu des répercussions sur la plupart des marchés financiers mondiaux.

Si la livre a repris du terrain mardi et mercredi, les investisseurs continuent de s’interroger sur le risque de contagion, par le biais des banques exposées au marché turc ou par effet de ricochet sur d’autres marchés émergents.

Les graphiques ci-dessous illustrent la baisse de la livre turque et son impact sur différentes classes d’actifs:

1. LA CHUTE DE LA LIVRE

Variations de différentes classes d’actifs (devises, actions, emprunts d’Etat) depuis le début du mois:

L’indice MSCI des marchés émergents accuse désormais un repli de près de 10% depuis le début de l’année et continue de reculer, creusant ainsi son retard sur l’indice MSCI mondial. Un mouvement que favorise aussi le resserrement des politiques monétaires dans plusieurs pays émergents.

Les analystes sont partagés sur la durée et l’ampleur des répercussions de la crise de la devise turque sur l’ensemble des marchés mondiaux.

« Tant que l’on parle de risques spécifiques, comme les sanctions contre la Russie et les relations entre la Turquie et les Etats-Unis, on ne peut pas parler de contagion majeure », explique Steve Donze, de Pictet Asset Management. « Une contagion à l’ensemble des marchés émergents impliquerait une appréciation généralisée du dollar. »

2. LES ACTIONS TURQUES EN PREMIÈRE LIGNE

La chute de la monnaie turque a ébranlé les marchés actions locaux. L’indice MSCI turc en dollar a perdu environ 24% de sa valeur depuis le début du mois et plus de 50% depuis le début de l’année, soit cinq fois plus que l’indice MSCI de l’ensemble des marchés émergents.

3. LES AUTRES DEVISES ÉMERGENTES EXPOSÉES

Le peso argentin a inscrit un nouveau plus bas et une hausse en urgence du taux directeur de la banque centrale n’a pas suffi à enrayer durablement sa chute.

La roupie indienne a elle aussi inscrit un plus bas tandis que le rouble russe, le rand sud-africain et la roupie indonésienne tombaient à leur plus bas niveau depuis un an ou plus.

Pour Stuart Culverhouse, d’Exotix Capital, le mouvement de vente ne vise pas seulement les marchés qui présentent des similitudes avec la Turquie.

« La contagion et l’aversion au risque restent les thèmes dominants même si nous y voyons un mouvement de vente généralisé plutôt que le fruit de la théorie des ‘caractéristiques similaires' », dit-il.

En raison de l’ampleur et du creusement de leurs déficits courants, certains pays émergents sont particulièrement exposés à la réduction en cours de l’exposition au risque chez certains investisseurs.

« De ce point de vue, la Turquie, l’Argentine et le Pakistan figurent parmi les plus vulnérables », ajoute Stuart Culverhouse.

La volatilité implicite à un mois des devises émergentes a en outre fortement augmenté ces derniers jours, ce qui suggère que les investisseurs anticipent une poursuite des mouvements en cours.

4. L’EURO ET LES BANQUES DE LA ZONE EURO

L’indice Stoxx des valeurs bancaires de la zone euro a souffert depuis vendredi en réaction aux informations faisant état de la préoccupation de la Banque centrale européenne (BCE) quant à l’impact de la baisse de la livre turque sur certains établissements de crédit.

« Les banques espagnoles sont les plus vulnérables à une intensification de la crise des devises, devant les françaises et les italiennes », estime Shweta Singh, de TS Lombard.

« Au vu de l’exposition importante de l’Europe à la Turquie par le biais des flux bancaires, les investisseurs sont de plus en plus inquiets des conséquences potentielles si la crise s’amplifie. »

Cette inquiétude a aussi contribué à la dépréciation de l’euro, affecté par les interrogations quant à la stabilité du système financier de la région.

5. LES VALEURS REFUGES

Le dollar américain a bénéficié à plein de son statut de valeur refuge, l’aversion pour le risque favorisant les achats de bons du Trésor américain.

Le rendement des emprunts d’Etat américains à dix ans a touché un plus bas de deux semaines tandis que le billet vert atteignait son plus haut niveau depuis plus d’un an face à un panier de devises de référence.

Le yen et le franc suisse, considérés eux aussi comme des devises refuges, ont également gagné du terrain.

(Avec Sujata Rao à Londres, Marc Angrand pour le service français, édité par Juliette Rouillon)


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