Devises et taux : POINT HEBDO-La hausse des taux s’éloigne, celle des actions continue

par Marc Angrand

PARIS, 26 avril (Reuters) – Optimisme béat ou confiance justifiée dans l’avenir ? C’est l’une des questions du moment pour les marchés après les records inscrits à Wall Street et les plus hauts de près d’un an atteints en Europe au mépris, pêle-mêle, des tensions commerciales, de la cherté du pétrole et du ralentissement économique.

L’indice Nasdaq Composite américain a inscrit jeudi un nouveau pic historique à 8.151,85 points et la veille, le Standard & Poor’s-500 avait flirté avec son record de septembre tandis que le Stoxx 600 européen atteignait son meilleur niveau depuis juillet.

Sur le plan conjoncturel, la semaine écoulée a pourtant été plus mitigée que la précédente: l’indice Ifo du climat des affaires en Allemagne a reculé en avril, l’économie sud-coréenne s’est contractée au premier trimestre et les inscriptions hebdomadaires au chômage aux Etats-Unis ont enregistré leur plus forte hausse depuis plus d’un an et demi.

La première estimation de la croissance américaine a quant à elle laissé une première impression mitigée vendredi: à 3,2% en rythme annualisé, elle a certes dépassé les attentes mais grâce surtout à des facteurs temporaires alors que la demande intérieure montre des signes de faiblesse.

La semaine à venir permettra d’en savoir plus sur l’évolution de la conjoncture mondiale avec entre autres les premières estimations du produit intérieur brut (PIB) en France et en Italie, les chiffres définitifs des indices PMI manufacturiers en zone euro jeudi et les statistiques mensuelles de l’emploi américain vendredi. Sans oublier la reprise des discussions commerciales sino-américaines à Pékin.

En Chine justement, les investisseurs craignent désormais de voir les autorités réduire trop vite ou trop fortement leur soutien à l’économie et aux marchés sans attendre que l’accélération de la croissance se confirme, ce qui s’est traduit par un coup de froid sur la Bourse de Shanghai.

L’indice SSE Composite a chuté de 5,64%% sur la semaine, sa plus mauvaise performance hebdomadaire depuis plus de six mois.

NERVOSITÉ PERSISTANTE EN CHINE

Les indices des directeurs d’achats chinois (PMI officiels mardi, Caixin-Markit jeudi) seront donc étudiés avec attention et pourraient influencer les prochaines décisions des autorités.

« Un chiffre inférieur aux attentes du PMI (manufacturier) d’avril pourrait nourrir la nervosité du marché », préviennent les stratèges de Société générale, ajoutant qu’une correction en bonne et due forme sur les actions chinoises créerait une opportunité d’achat.

Les marchés peuvent heureusement encore compter sur les autres grandes banques centrales pour veiller à ne pas priver les marchés d’oxygène: la Banque du Japon (BoJ) et la Riksbank suédoise ont repoussé jeudi l’horizon d’une éventuelle hausse de taux et la veille, la Banque du Canada avait supprimé de son communiqué de politique monétaire le passage évoquant un possible resserrement dans les mois à venir.

Le grand rendez-vous des prochains jours sera bien sûr la conférence de presse de Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale américaine.

S’il est désormais acquis que la Fed ne changera rien à sa politique monétaire mercredi, son président pourrait préciser le diagnostic de l’institution sur la croissance et l’inflation.

Pour les marchés, il est désormais exclu que les taux américains remontent avant la prochaine récession et la question clé est devenue celle d’une possible baisse.

Pour l’instant, estime Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires d’Allianz GI, « la Fed a trouvé l’équilibre parfait compte tenu du ralentissement contrôlé de l’économie américaine et de marchés actions qui ont retrouvé leurs niveaux de mi-2018, créant un effet richesse non négligeable ».

Il évoque toutefois entre autres l' »anomalie » que constitue la faiblesse persistante de l’inflation sous-jacente en dépit des hausses de salaires.

Jerome Powell pourrait aussi être interrogé sur l’impact de la hausse des cours du pétrole, favorisée entre autres par le choix de Donald Trump de durcir les conditions d’application des sanctions économiques contre l’Iran.

« Une hausse du prix du pétrole tend à conduire à une montée des anticipations d’inflation, qui favorise à son tour la hausse des rendements obligataires », rappelle NN Investment Partners. « A un moment donné, cela peut affecter les actifs risqués. »

Dans l’ombre de la Fed, la Banque d’Angleterre devrait elle aussi prolonger le statu quo jeudi, « pour éviter de rajouter aux turbulences » liées au Brexit, comme le résume Thomas Flury, stratège devises d’UBS.

UN DÉBUT DE SAISON DES RÉSULTATS PLUTÔT RASSURANT

Pour les actions, les publications de résultats restent la priorité. A Wall Street, le cap du tiers des présentations du S&P-500 est désormais dépassé et les nouvelles sont globalement bonnes: plus de 77% des sociétés cotées concernées ont battu le consensus au premier trimestre selon le dernier décompte de Refinitiv.

Mieux, le consensus, de nouveau revu en hausse, ne table plus que sur une stagnation des profits de l’indice phare de Wall Street alors qu’il anticipait une baisse auparavant. Et l’état d’esprit en Europe évolue sur la même tendance.

« Les chiffres d’affaires ressortent légèrement meilleurs qu’attendu tandis que les bénéfices sont 5% au dessus des attentes. Pour l’instant, on a plutôt une saison de résultats qui est bonne », résume Stéphane Deo, stratège de LBPAM.

« En Europe, très peu de sociétés ont publié mais les ‘guidances’ ne sont pas aussi prudentes que redouté, à l’instar de ce qu’ont pu annoncer SAP et certaines compagnies automobiles », ajoute-t-il.

Les stratèges de Barclays dressent eux aussi un constat « rassurant », tout en rappelant que la période des publications ne fait que commencer.

« Cela devrait néanmoins assurer un certain soutien fondamental au sentiment des investisseurs après la forte réévaluation des PE observée depuis le début de l’année », ajoutent-ils.

A l’agenda des jours à venir figurent entre autres Apple, Alphabet et Pfizer aux Etats-Unis et, en Europe, BNP Paribas, Air France-KLM, HSBC, Royal Dutch Shell ou encore BP.

La semaine sera plus calme au Japon où la semaine toute entière sera chômée pour la succession impériale et les jours fériés de la « Golden Week ».

Voir aussi:

*GESTION-Les flux prennent acte de taux durablement bas-BAML

*ANALYSE-Les marchés restent zen face aux risques des européennes

*GRAPHES-En Chine, plus de croissance, moins de soutien ?

(Avec Blandine Hénault, édité par Patrick Vignal)


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