Devises et taux : POINT HEBDO-Le marché se prépare à la réduction du bilan de la Fed

(Répétition sans changement d’une dépêche diffusée vendredi)

par Blandine Henault

PARIS, 18 septembre (Reuters) – Après les grands rendez-vous de politique monétaire en Europe, les investisseurs se tournent vers la Réserve fédérale américaine (Fed), qui pourrait enclencher cette semaine une nouvelle étape de son resserrement monétaire.

Si les derniers chiffres de l’inflation aux Etats-Unis, supérieurs aux attentes, ont alimenté les anticipations d’une nouvelle hausse des taux d’ici la fin de l’année, la réunion de mardi et mercredi devrait surtout être l’occasion pour la banque centrale américaine de préciser ses intentions concernant la réduction de la taille de son bilan, gonflé par les rachats d’actifs après la crise financière de 2007-2009 et qui s’élève désormais à 4.500 milliards de dollars (3.830 milliards d’euros).

« Les banques centrales des pays du G4, dont le bilan total s’élève actuellement à 19.462 milliards de dollars, ont injecté conjointement 12.540 milliards de dollars depuis la faillite de Lehman Brothers », il y a tout juste neuf ans, ont rappelé la semaine dernière les stratèges de Société Générale.

En juin, la Fed avait indiqué que le processus de réduction de son bilan devrait passer par une diminution progressive des réinvestissements des titres arrivant à échéance.

La banque centrale avait alors expliqué que la réduction des réinvestissements serait dans un premier temps de six milliards de dollars par mois pour les Treasuries, puis augmenterait par paliers de six milliards tous les trois mois pendant 12 mois jusqu’à atteindre 30 milliards de dollars par mois.

Pour les autres formes de dette publique et pour les créances immobilières titrisées (MBS), la réduction serait de quatre milliards de dollars par mois au départ, augmentant par paliers trimestriels de quatre milliards pour atteindre 20 milliards de dollars par mois.

Dans la perspective de ce nouveau tour de vis monétaire de la Fed, certains investisseurs commencent à se montrer plus prudents. Les stratèges de Société Générale ont ainsi décidé cette semaine de réduire leur exposition sur les actifs risqués, avec un positionnement à « neutre » sur les actions et à « sous-pondérer » sur les obligations d’entreprises.

De leur côté, les stratèges de Barclays se disent « inconfortablement positifs » sur les marchés d’actions. Dans une note parue vendredi, ils s’inquiètent en particulier de la valorisation historiquement élevée des actions américaines alors que le soutien apporté par la politique monétaire diminue.

« Un cycle de relèvement des taux de la Fed, même modeste, accompagné de deux hausses de 10 points de base des taux de la Banque centrale européenne en 2018 – selon les prévisions de nos économistes – rend l’environnement moins favorable pour les valorisations », expliquent-ils.

Les indices américains ont touché de nouveaux records historiques cette semaine, et l’indice paneuropéen Stoxx 600 est en passe de signer sa plus forte progression hebdomadaire depuis deux mois.

L’amorce attendue de normalisation du bilan de la Fed, ainsi que les éventuelles indications que pourrait donner mercredi la banque centrale sur la trajectoire de ses taux, devraient par ailleurs alimenter la volatilité sur le marché des changes.

« Le marché pourrait sous-estimer le potentiel de rebond du dollar lié à la réduction attendue du bilan [de la Fed]. Le dollar a baissé de façon significative cette année et semble bien placé pour une reprise alors que l’inflation ‘core’ devrait repartir sur la fin de l’année », observe Niel Wilson, analyste marchés chez ETX Capital.

OURAGANS ET DETTE EN TOILE DE FOND

Au-delà des données sur l’inflation, les décisions que prendra la Fed cette semaine pourraient aussi dépendre de l’impact des ouragans sur la croissance américaine.

Les économistes s’attendent à ce que les conséquences du passage des cyclones Harvey et Irma, qui ont frappé les deux Etats du Texas et de la Floride, pénalisent l’activité économique des Etats-Unis sur le troisième trimestre. « Du fait de la violence de la chute d’activité dans les régions concernées, l’impact sera significatif au niveau macro-économique », préviennent les économistes d’Aurel BGC, qui rappellent que le Texas et la Floride représentent un peu moins de 15% du PIB américain.

Cet impact devrait être toutefois de courte durée, avec un rebond attendu de l’activité au quatrième trimestre grâce aux efforts de reconstruction et à la hausse des ventes de voitures.

Toutefois, Harvey et Irma, et l’évaluation des dégâts qu’ils ont causés, pourraient bien avoir un autre effet : celui de reporter l’attention des investisseurs sur le plafond de la dette des Etats-Unis.

« Les investisseurs sont encore un peu nerveux quant à la façon dont les négociations pour le financement du plan de secours seront menées, compte tenu des difficultés politiques avec le Congrès et de l’ampleur du financement nécessaire », pointe Paul Hatfield, directeur général d’Alcentra.

L’accord conclu entre Donald Trump et les chefs de file démocrates du Congrès pour relever le plafond de la dette fédérale américaine n’a fait que repousser la question jusqu’au 15 décembre.

« Washington a évité une crise imminente de la dette mais la conséquence pourrait être une falaise budgétaire abrupte en décembre ou au début de l’année 2018 », renchérit Isabelle Mateos y Lago, directrice générale au BlackRock Investment Institute.

LA LIVRE STERLING AU PLUS HAUT DEPUIS LE BREXIT

En Europe, la Banque centrale européenne (BCE) a, au début du mois, renvoyé à sa réunion du 26 octobre pour d’éventuelles annonces sur la réduction progressive de ses rachats d’actifs.

La Banque d’Angleterre s’est pour sa part montrée beaucoup plus offensive jeudi dernier en évoquant une hausse des taux dans les « prochains mois », ce qui constituerait une première depuis plus de dix ans.

L’effet sur la livre sterling a été immédiat : la devise britannique a grimpé quasiment en ligne droite, pour atteindre un plus haut depuis le 24 juin 2016, au lendemain du référendum sur le Brexit.

La devise britannique restera dans le viseur des cambistes ces prochains jours, avec une intervention prévue ce lundi (à 14h30 GMT) du gouverneur de la Banque d’Angleterre Mark Carney dans le cadre d’une discussion ouverte avec Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds Monétaire International (FMI) à Washington.

De son côté, le président de la BCE, Mario Draghi doit s’exprimer jeudi (13h15 GMT) dans le cadre d’une conférence à Francfort.

En attendant plus d’indications de la part de la BCE et de son président, les opérateurs de marché surveilleront ce lundi les chiffres définitifs de l’inflation en zone euro pour le mois d’août, avant la publication vendredi des indices PMI « flash » pour le mois de septembre.

Autre échéance attendue en fin de semaine: le scrutin électoral législatif en Allemagne. Pour l’heure, les investisseurs semblent assez indifférents à cette élection, alors que le parti de l’Union chrétienne-démocrate Union (CDU), menée par la chancelière Angela Merkel, est donné favori.

A VOIR AUSSI : Graphe interactif sur les élections allemandes: http://tmsnrt.rs/2fv8Yqv

(édité par Marc Angrand)

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