Devises et taux : POINT HEBDO-Les marchés tournent le dos avec soulagement à un octobre « noir »

par Blandine Henault

PARIS, 2 novembre (Reuters) – Après un mois d’octobre fidèle à sa réputation de période agitée sur les Bourses mondiales, les investisseurs seront-ils capables de réaliser un rally de fin d’année en dépit de la persistance des risques économiques et politiques ?

Les inquiétudes liées à la hausse des taux d’intérêt, à la montée du protectionnisme ou encore à la vigueur de la croissance mondiale, couplées à des déceptions sur les résultats de certaines grandes entreprises technologiques, ont provoqué un vif mouvement de correction sur les marchés d’actions mondiaux.

A Wall Street, le mois d’octobre s’est soldé par une perte de 5,07% pour le Dow Jones, de 6,94% pour le S&P 500 et de 9,2% pour le Nasdaq. Il s’agit des plus nets replis mensuels depuis janvier 2016 pour le Dow, septembre 2011 pour le S&P et novembre 2008 pour le Nasdaq.

En Europe, le Stoxx 600 a perdu 5,6% le mois dernier, sa plus mauvaise performance mensuelle depuis janvier 2016. Le CAC 40 à Paris a reculé de 7,28%, son plus fort repli sur un mois depuis août 2015.

L’indice MSCI des marchés émergents a quant à lui accusé un troisième mois consécutif de repli, ce qui porte sa baisse à plus de 17% depuis le début de l’année.

Les valorisations des marchés d’actions sont-elle désormais assez attractives, et le sentiment de marché assez solide, pour laisser la place à un rebond ?

DES ACTIONS « SURVENDUES »

Une amélioration s’est déjà faite sentir ces derniers jours, avec une hausse de plus de 4% pour le S&P 500 et de plus de 3% sur le Stoxx 600 sur les quatre dernières séances.

Un « effet Halloween » ne peut être exclu : traditionnellement, la période est jugée propice à des prises de position sur les actions au moins jusqu’en mai, où un autre adage (« sell in may and go away ») conseille ensuite de vendre.

Mais au-delà de cet éventuel effet saisonnier, certains signaux techniques plaident pour un rebond. Le Dow Jones est notamment revenu au-delà de sa moyenne mobile à 200 jours.

« Les indicateurs techniques suggèrent que le marché a été vendu de façon exagérée et doit rebondir, mais il est difficile de savoir si cela durera », déclare Neil Wilson, responsable de l’analyse marchés chez Markets.com.

D’autres observateurs remarquent que les publications de résultats d’entreprises, en dépit de quelques déceptions remarquées, restent solides.

Aux Etats-Unis, où la saison des résultats du troisième trimestre est déjà bien avancée, 77% des entreprises du S&P 500 ayant publié ont fait mieux que les attentes, contre 74,4% en moyenne lors des huit trimestres précédents selon des données I/B/E/S fournies par Refinitiv.

En Europe, il est trop tôt pour tirer des conclusions car le bal des publications n’en est encore qu’à ses débuts. Pour l’heure, 48% des sociétés du Stoxx 600 ayant publié leurs comptes ont dépassé le consensus contre une moyenne de 50%.

« Les fondamentaux, essentiels à la performance à moyen terme sur les marchés, restent bien orientés : (..) les bénéfices des entreprises continuent de croître et la valorisation des marchés actions reste relativement attractive », souligne Ken Van Weyenberg, responsable de l’allocation d’actifs chez Candriam.

Le rendement attendu sur un an pour les actions n’est pas loin d’un taux à deux chiffres, ajoute le gérant.

LES « MID-TERMS » À SUIVRE

De fait, les stratèges de Candriam ont décidé d’augmenter légèrement leur exposition au risque sur le marché en passant d’un positionnement « neutre » sur les actions à « surpondérer ».

« Nous sommes convaincus qu’aux niveaux actuels, le ratio risque/rendement des marchés actions est attractif », estime Ken Van Weyenberg.

Un avis partagé par les stratèges de Barclays, qui jugent la récente correction sur les marchés d’actions excessive.

« Nous nous attendons à un rebond d’ici à la fin de l’année », écrivent-ils. « Nous ne disons pas qu’il n’y aura pas de nouvelles secousses plus loin sur la route mais nous pensons qu’il est trop tôt pour se positionner pour la fin du cycle haussier global. »

Malgré cet optimisme, les stratèges de Candriam comme ceux de Barclays rappellent que les facteurs de risque – guerre commerciale, resserrement monétaire de la Réserve fédérale (Fed), incertitudes sur l’Italie, le Brexit et la croissance chinoise – demeurent bel et bien présents.

Une nouvelle échéance pourrait encore alimenter la volatilité à court terme sur les marchés, avec la tenue mardi des élections de mi-mandat aux Etats-Unis.

Le scrutin devrait conduire à une division partisane du Congrès, les démocrates récupérant la majorité à la Chambre des représentants et les républicains conservant leur avantage au Sénat au terme de deux années de présidence de Donald Trump.

Ce blocage politique pourrait toutefois être bien appréhendé par le marché. « Si républicains et démocrates se partagent le contrôle du Congrès, celui-ci ne votera probablement aucune loi importante d’ici l’élection présidentielle de 2020. Les marchés devraient donc bien réagir à ce résultat dans la mesure où l’économie américaine se porte bien et où le marché des actions profite de la situation », explique Scott Krauthamer, responsable de la stratégie actions chez AllianceBernstein.

L’issue de ce scrutin ne devrait pas non plus modifier la politique commerciale de Donald Trump, qui décide seul sur ce sujet, ajoute-t-il.

« Le président Trump conservera le contrôle de la politique commerciale du pays quelle que soit la couleur du Congrès. »

STATU QUO ATTENDU POUR LA FED

Pour l’heure, le conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine semble marquer une pause mais les discussions prévues ce mois-ci devraient être cruciales. Donald Trump doit rencontrer le président chinois Xi Jinping à la fin novembre à Buenos Aires en marge du sommet du G20 en Argentine.

Les deux hommes ont alimenté les espoirs vendredi en faisant part de leur optimisme quant à une résolution de leur différend commercial. Mais les points d’achoppement sont nombreux et Donald Trump n’a pas renoncé à sa menace de taxer la totalité des exportations chinoises vers les Etats-Unis si aucun accord n’était trouvé.

Pour les observateurs, la mise en oeuvre de tarifs douaniers sur toutes les exportations chinoises est susceptible d’accélérer l’inflation aux Etats-Unis, alors que le pays connaît déjà une poussée des salaires.

Le mois dernier, le salaire horaire moyen y a progressé de 3,1% en rythme annuel, soit son plus fort taux de croissance enregistré depuis avril 2009.

Dans ce contexte, la Fed devrait se garder de toute initiative inattendue lors de sa réunion de politique monétaire mercredi et jeudi, d’autant que celle-ci interviendra au lendemain des élections de mi-mandat.

La banque centrale américaine devrait conserver néanmoins son biais plus restrictif en dépit des turbulences observées sur les marchés financiers.

« Dans le contexte actuel de croissance encore très dynamique, de conditions continuant à s’améliorer sur le marché du travail et d’inflation proche de l’objectif, il semble peu probable que la Fed réagisse à la baisse des marchés actions du mois d’octobre », estime Bastien Drut, stratège chez CPR AM.

« Les membres du Board of Governors, qui définissent les grandes lignes de la politique de la Fed, restent confiants sur les perspectives économiques et il faudrait une baisse bien plus marquée des marchés pour que la Fed modifie sa communication à court terme. »

Voir aussi :

GESTION-Sorties nettes sur les fonds actions, notamment les techs-BAML

(Édité par Dominique Rodriguez)


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