Devises et taux : Une ébauche d'accord M5S-Ligue secoue les marchés italiens

par Dhara Ranasinghe et Danilo Masoni

LONDRES/MILAN, 16 mai (Reuters) – Les rendements des emprunts d’Etat italiens sont en forte hausse tandis que la Bourse de Milan chute mercredi après la publication d’un document évoquant la volonté du Mouvement 5 Etoiles (M5S) et de la Ligue, les deux partis qui tentent de former un gouvernement, de demander l’effacement de 250 milliards d’euros de dette et de réclamer des procédures permettant aux Etats membres de sortir de l’union monétaire.

Le Huffington Post Italia a publié mardi soir sur internet un document présenté comme un projet de contrat de gouvernement entre la Ligue et le M5S et selon lequel les deux partis envisagent de demander à la Banque centrale européenne (BCE) d’effacer purement et simplement la part de la dette italienne qu’elle a rachetée ces dernières années.

L’information a ébranlé les marchés de la péninsule en dépit du démenti du porte-parole de la Ligue en charge des dossiers économiques qui a déclaré à Reuters qu’aucun projet d’annulation de dette ne figurait dans le projet officiel de contrat de gouvernement. ²

« L’Italie ne dispose pas du pouvoir de négociation avec l’Europe lui permettant une telle exigence », estime Giuseppe Sersale, gérant de fonds d’Anthilia Capital Partners à Milan à propos d’une éventuelle demande d’effacement de dette.

« La proposition est irréalisable et vouée à l’échec. Cela explique la réaction négative des marchés. »

Le document publié par le Huffington Post Italia montre aussi que les deux partis veulent une renégociation des contributions de l’Italie au budget de l’Union européenne, le démantèlement d’une réforme des retraites adoptée en 2011 et la création par l’Union européenne de « procédures économiques et judiciaires permettant aux Etats membres de sortir de l’union monétaire ».

Un tel projet d’accord ne manquerait pas d’inquiéter Bruxelles et la BCE. Il pourrait également déplaire au président de la République italienne, Sergio Mattarella, qui a souligné à maintes reprises l’importance d’un euro fort et du maintien d’une position pro-européenne.

LE SPREAD ITALIE-ALLEMAGNE S’ÉCARTE

Il a en tout cas créé une vive réaction sur les actifs italiens, qui avaient jusque là plutôt bien résisté aux incertitudes politiques des derniers mois dans la péninsule, alors même qu’une alliance entre le M5S et la Ligue était perçue comme le « scénario du pire » par les investisseurs.

Sur le marché des emprunts d’Etat, le rendement des obligations d’Etat italiennes (BTP) à dix ans est monté jusqu’à 2,086%, et l’écart de rendement avec le Bund allemand s’est élargi à plus de 149 points de base, soit le niveau atteint au lendemain des élections législatives du 4 mars qui avaient abouti à une absence de majorité au Parlement.

Le rendement à deux ans, à 0,044%, est quant à lui repassé en territoire positif pour la première fois depuis plus d’un an.

« Les marchés obligataires ont ignoré le problème jusqu’à aujourd’hui. Ce n’est que maintenant qu’ils commencent à se dire qu’il pourrait y avoir un revenu minimum et d’importantes baisses d’impôts, avec la menace d’un déficit budgétaire qui gonfle », indique Michael Browne, gérant d’un fonds actions européennes chez Martin Currie.

« Il y a une possibilité de confrontation entre l’Union européenne et l’Italie, où les banques restent fragiles, même si la situation s’est considérablement améliorée. L’Italie est un pays qui a absolument besoin du soutien de la Banque centrale européenne », ajoute-t-il.

La Bourse de Milan perdait 1,95% vers 13h30 GMT et la baisse était plus marquée encore pour les valeurs bancaires, très vulnérables à l’évolution de la perception du risque politique dans la péninsule en raison du poids des obligations d’Etat dans le bilan des principales banques du pays. L’indice du secteur cédait 3,32%.

Sur le marché des changes, l’euro abandonnait au même moment 0,31% face au dollar à 1,18 et 0,5% face au franc suisse .

Le coût d’une garantie contre un risque de défaut à cinq ans de l’Italie sur sa dette atteignait 102 points de base dans la matinée, son plus haut niveau depuis fin mars, selon les données d’IHS Markit.

La dette publique italienne dépasse 2.250 milliards d’euros et représente 131,8% du produit intérieur brut (PIB) du pays selon les données d’Eurostat, le deuxième ratio le plus élevé de l’Union après celui de la Grèce.

(Juliette Rouillon et Blandine Hénault pour le service français, édité par Patrick Vignal)

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