Droit civil: les points-clés de la protection du conjoint

Sujet trop souvent ignoré, la protection du conjoint survivant n’est qu’imparfaitement assurée par les mécanismes du Droit Civil. La mise en place de mesures simples permet pourtant de couvrir bien des sujets qui se révèlent cruciaux en cas de disparition brutale de l’autre époux 

Ainsi, une protection financière adéquate du conjoint peut être rapidement mise en place. Pour un coût limité, un dispositif de prévoyance (exemple : assurance-décès) permet au conjoint bénéficiaire, en cas d’accident de la vie, d’élever les enfants et de maintenir son niveau de vie sans avoir à arbitrer dans l’urgence des actifs de la succession. Cette stratégie a un avantage supplémentaire : le capital qui est attribué au conjoint lui viendra de la compagnie d’assurances. Ce ne sera pas un actif de la succession sur lequel il sera en concurrence avec les descendants.

Jusqu’à 80.000 €, pas de droits de donation

Ensuite, lorsque les patrimoines respectifs présentent une grande asymétrie, il est possible de rééquilibrer les patrimoines du vivant des époux par des donations de biens présents. Jusqu’à 80.000 euros d’actifs transmis, il n’y aura pas de droits de donation à acquitter. Si une donation vise à gratifier l’époux pour avoir renoncé  à sa carrière, et assuré l’éducation des enfants, elle pourra prendre la forme d’une donation rémunératoire, non soumise aux droits de succession. Si le rééquilibrage des patrimoines est de grande ampleur, une disposition adéquate insérée dans un contrat de mariage permettra de mettre à égalité les époux de leur vivant, pour un coût juridique et fiscal symbolique.  Attention toutefois ! Les donations de biens présents sont des donations irrévocables, même si les époux viennent ultérieurement à se séparer.

Lorsqu’on se trouve dans une configuration de ménage recomposé, les libéralités graduelles et résiduelles ont une grande utilité. Elles permettront une attribution tout d’abord au conjoint, puis en second lieu aux enfants, dans un cadre juridique et fiscal très favorable. En effet, lors de la seconde transmission, les droits de succession ne seront pas calculés à partir du lien de parenté entre le premier et le second bénéficiaire, mais à partir du lien entre le constituant (l’époux disparu en premier) et le bénéficiaire en second, soit en ligne directe.

Un changement de régime peu coûteux

Par ailleurs, si on souhaite faire du « sur mesure » dans l’attribution des biens à la succession, l’insertion de dispositifs ciblés dans un contrat de mariage conviendra fort bien. Contrairement à une idée répandue, le changement de régime matrimonial est simple et peu coûteux : il nécessite la rédaction d’un contrat, enregistré chez un notaire. L’homologation judiciaire du contrat n’est nécessaire qu’en présence d’enfants mineurs. Les enfants majeurs seront informés de ce changement, mais ne disposent pas d’un droit de veto.

Last but not least, la mise en place de dispositions successorales permettra d’assurer une transmission conforme aux vœux du défunt. Aucune disposition testamentaire n’a jamais empêché des héritiers qui souhaitaient donner une suite judiciaire à la succession de le faire ; mais elle les empêche à coup sûr de bloquer la succession au préjudice de tous.

Comme on le voit,  à condition de se rapprocher des spécialistes concernés (assureurs pour l’assurance-décès, notaires pour les donations et avantages matrimoniaux), un ménage peut mettre en place toute une gamme de dispositifs protecteurs qui contribuent  à la sérénité des familles. Encore faut-il anticiper …

Par Jean-François Lucq, ingénieur patrimonial – KBL Richelieu


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