Echec de la stratégie russe pour contourner l’Ukraine : l’UE gèle les travaux de South Stream en Bulgarie

Gazoducs et pipelines, les nouvelles armes de la guerre ? Cela y ressemble.

Alors qu’une forte odeur de gaz règne entre les relations entre la Russie, l’Ukraine et l’Union européenne, le gazoduc South Stream devient une pièce de tout premier choix sur l’échiquier énergétique mondial.

«  La Bulgarie a suspendu les travaux de construction du gazoduc South Stream et les reprendra en fonction des futures consultations avec la Commission européenne », a en effet indiqué dimanche le Premier ministre du pays Plamen Oresharski.

De quoi déplaire fortement à la Russie, cette dernière comptant sur le pipeline pour asseoir sa position dans le secteur énergétique européen.

Plamen Oresharski a tenu par ailleurs à préciser que l’itinéraire des futurs travaux sera fonction de l’issue des prochaines consultations prévues avec Bruxelles.

Or, le tracé du pipeline est on ne peut plus stratégique, puisque le gazoduc – destiné en grande partie à éviter l’Ukraine – passe sous la Mer Noire, puis doit se poursuivre vers la Grèce, l’Italie, la Serbie, la Hongrie, la Slovénie et l’Autriche. Le tout via d’importants efforts financiers de la Russie, laquelle espérait jusqu’à présent un retour rapide sur ses investissements.

Autre élément non négligeable : cette déclaration du chef de gouvernement bulgare, intervient à la suite d’entretiens menés entre lui et les sénateurs américains John McCain, Ron Johnson et Christopher Murphy, en visite dans le pays.

Démontrant s’il en était besoin le lien entre le conflit Russie/Ukraine et la nouvelle position de la Bulgarie – voire la pression mise par les Etats-Unis sur le gouvernement bulgare – McCain a indiqué quant à lui qu’il souhaiterait à terme voir moins d’implication de la Russie dans les questions concernant le South Stream.

Cette annonce intervient à la suite de la proposition faite mardi par la Commission européenne de « suspendre la construction » du gazoduc sur le territoire européen, et ce « tant que le projet ne sera pas conforme avec le droit européen».

La porte-parole du commissaire européen à l’Energie Gunther Oettinger, Sabine Berger, a tenu à préciser pour sa part qu’il ne s’agissait pas d’un blocage, mais que la décision était motivée par la volonté de Bruxelles de voir respecter la législation de l’Union européenne. On ne demande qu’à la croire …

Rappelons qu’un consortium réunissant le géant gazier russe Gazprom, l’italien ENI avec sa filiale Saipei, ainsi que le français EDF, a été créé en vue de construire un pipeline entre la Russie et la Bulgarie. Le projet a quant à lui été lancé en 2012 par le président russe Vladimir Poutine.

Jusqu’à présent, Gazprom tablait sur une mise en service aux derniers jours de 2015, avec une capacité initiale de 63 milliards de m3 par an … soit l’équivalent des achats de gaz de l’UE transitant par l’Ukraine.

Précisons qu’un groupe de travail a été constitué pour négocier la mise en conformité avec le droit européen des accords bilatéraux conclus entre la Russie et les Etats membres de l’UE parties prenantes dans le projet. Si plusieurs réunions techniques ont d’ores et déjà eu lieu, la décision de Moscou d’attaquer les règles européennes devant l’OMC a poussé la Commission à geler le processus.

La Commission européenne a par ailleurs adressé une lettre d’avertissement aux autorités bulgares, en vue de faire suspendre la construction du tronçon de South Stream sur le territoire bulgare. Ce qui est donc désormais chose faite.

«La préférence donnée à des entreprises russes et bulgares sans publication des appels d’offres au journal officiel de l’UE est une claire violation des règles européennes pour les marchés publics», a par ailleurs affirmé Sabine Berger. Ajoutant que la Commission avait demandé des explications et réclamé la suspension des travaux tant que les discussions n’auront pas abouti.

Rappelons qu’en octobre dernier, Oresharski et Alexey Miller, le président du comité exécutif de Gazprom, avaient annoncé le début officiel de la construction du gazoduc South Stream sur le territoire bulgare.

Après cinq heures de négociations, les officiels avaient ordonné aux ouvriers de souder les deux premiers éléments du pipeline, à proximité du village de Rasovo, à 143 kilomètres au nord de Sofia, lieu d’implantation d’une des trois stations de compression en Bulgarie.

Sources : AFP, Xinhua, Libération

Elisabeth Studer – 08 juin 2014 – www.leblogfinance.com

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