Economie : Une hausse de taux de la BoE n'est plus d'actualité jeudi

par David Milliken

LONDRES, 6 mai (Reuters) – La Banque d’Angleterre devrait se résoudre au maintien de ses taux d’intérêt cette semaine et pourrait même avoir du mal à convaincre les investisseurs de la nécessité d’un resserrement cette année.

Des indicateurs économiques qui ont surpris par leur faiblesse et des propos prudents du gouverneur Mark Carney ont douché les anticipations d’une hausse de taux qui, il y a quelques semaines encore, paraissait acquise pour ce mois de mai.

Depuis qu’il a pris la tête de la BoE en 2013, Mark Carney a ouvert à plusieurs reprises la porte à une hausse de taux, pour être ensuite déjugé par les données économiques.

Les incertitudes toujours importantes sur les perspectives économiques du pays et les modalités de la sortie de l’Union européenne viendront encore compliquer sa tâche jeudi.

Son plus grand défi sera de rendre la perspective d’une hausse de taux cette année toujours crédible aux yeux des investisseurs, dont beaucoup ont été pris à contre-pied par le ralentissement de l’économie et la communication changeante de la banque centrale.

La livre sterling est tombée vendredi à son plus bas niveau face au dollar sur fond de perspectives divergentes pour la croissance et les taux d’intérêt des deux côtés de l’Atlantique.

« Rétablir la communication après avoir manqué une hausse de taux sera une tâche difficile pour le comité de politique monétaire », écrit Barclays dans une note signée de ses économistes Fabrice Montagne et Sreekala Kochugovindan.

« Il lui faudra convaincre que l’accès de faiblesse du T1 (..) était passager », observent-ils. « Les marchés auront probablement du mal à adhérer (..) compte tenu de la volte-face opérée avant la réunion monétaire de mai. »

REPORT OU ABANDON ?

La neige a perturbé l’activité économique d’une bonne partie de l’Europe en mars mais c’est en Grande-Bretagne que la croissance du premier trimestre a été la plus faible, pénalisée toujours par le Brexit qui pressurise le pouvoir d’achat des consommateurs et dissuade les entreprises d’investir.

La BoE a relevé ses taux d’intérêt en novembre pour la première fois depuis plus d’une décennie, puis a estimé en février qu’elle pourrait devoir les remonter à nouveau et plus vite que ce qu’anticipaient les marchés.

Deux membres du comité de politique monétaire ont voté en faveur d’un relèvement lors de la dernière réunion en mars et jusqu’à tout récemment encore les investisseurs pensaient que la BoE emboîterait le pas à la Réserve fédérale américaine en augmentant régulièrement le coût du crédit.

Les statistiques publiées en avril, avec notamment une décélération plus forte que prévu de l’inflation et une croissance annualisée au plus bas depuis cinq ans, ont commencé à remettre en cause ce scénario.

La banque centrale pourrait choisir d’ignorer ces indicateurs de court terme et retenir surtout que le chômage est à son plus bas niveau depuis 1975, avec en prime des signes d’accélération de la croissance des salaires.

Mais les économistes interrogés par Reuters pensent dans leur majorité que la réunion de mai sera un « remake » de celle de mars avec les deux mêmes voix dissonantes au comité de politique monétaire, celles de Michael Saunders et d’Ian McCafferty.

Les marchés ne situent plus qu’à 50% à peine la possibilité d’une hausse de taux d’ici juin et certains se demandent même si la BoE ne va pas en rester là toute l’année.

La remise en cause des anticipations de taux, susceptible d’alimenter l’inflation via la baisse de la livre et le crédit bon marché, n’est pas une bonne nouvelle pour la banque centrale.

Les économistes s’attendent donc à ce qu’elle maintienne sa projection d’une inflation au-dessus de son objectif de 2% à moyen terme, même si elle revoit à la baisse ses prévisions de croissance et de hausse des prix pour cette année.

« Cela donnerait à penser que la normalisation progressive de la politique monétaire est différée plutôt qu’abandonnée », souligne Howard Archer, économiste chez le consultant EY ITEM Club.

Philip Shaw, économiste chez Investec, pense que la BoE veillera cette fois à ne pas s’engager trop sur la conjoncture. « A ce stade, le comité n’est pas obligé de trancher si le coup de mou actuel de l’économie est temporaire ou plus inquiétant. Carney pourra mettre l’accent sur les incertitudes entourant les récents indicateurs. »

Mais d’autres pensent que le gouverneur a peut-être manqué le coche s’il veut relever de nouveau les taux avant son départ prévu en juin 2019, trois mois après la sortie du Royaume-Uni de l’UE. « Reporter la prochaine hausse de taux, c’est se priver de la possibilité de les relever tout court », estime Barclays en mettant en avant le risque d’incertitudes croissantes avant le Brexit. (Véronique Tison pour le service français)

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