Ecotaxe: malgré la suspension, la manifestation est maintenue

Jean-Marc Ayrault a confirmé mardi 29 octobre la suspension sur l’ensemble du territoire de l’écotaxe pour laisser le temps au dialogue sur ce sujet qui suscite de fortes oppositions en Bretagne.

A l’issue d’une réunion avec des élus bretons et les ministres concernés par ce dossier, le chef du gouvernement a déclaré à Matignon que « le courage, ce n’est pas l’obstination, c’est écouter, comprendre ».

« C’est pourquoi j’ai décidé la suspension de la mise en oeuvre de l’écotaxe pour nous donner le temps nécessaire d’un dialogue au niveau national et régional », a annoncé M. Ayrault, précisant toutefois que « suspension n’est pas suppression ».

Selon le Premier ministre, cette taxe poids lourds, prévue par la précédente majorité, doit être « corrigée ». « Pour y parvenir, il n’y a qu’un moyen, c’est le dialogue », a dit le Premier ministre.

Cette suspension, sans limite de durée, est nationale « afin d’éviter les distorsions entre les territoires et les entreprises », a précisé à l’AFP le député PS Jean-Jacques Urvoas, qui avait annoncé la décision du Premier ministre dans un communiqué avant que celui-ci ne prenne la parole. Elle ouvre selon lui « la voie à l’élaboration collective du +plan d’avenir pour la Bretagne +dont notre région a un besoin impérieux ».

Cette décision est « courageuse » et « témoigne de l’attention indéfectible que porte Jean-Marc Ayrault à la gravité de la situation bretonne », a-t-il souligné. « Désormais, le gouvernement tend la main, aux Bretons ensemble de la saisir », a-t-il conclu.

Seul élu breton représentant l’UDI, et seul participant de l’opposition à la réunion de Matignon, boycottée par l’UMP, le député d’Ille-et-Vilaine Thierry Benoit a salué « un geste d’apaisement » de la part du chef du gouvernement.

François Hollande a lui expliqué en marge d’une visite officielle à Bratislava que « la volonté du gouvernement, c’est aujourd’hui d’apporter des réponses aux élus bretons ». « C’est ce que le Premier ministre fait au moment où je suis ici à Bratislava », a lâché le chef de l’Etat.

Suppression, ajournement, suspension … Le feuilleton 

Dimanche, moins de 24 heures après les affrontements qui ont fait une dizaine de blessés au pied du portique écotaxe de Pont-de-Buis (Finistère), Stéphane Le Foll avait assuré avoir « parfaitement entendu » et « parfaitement compris » le message des manifestants. Pourtant il avait affirmé lundi sur i-Télé que le gouvernement ne « pouvait pas revenir en arrière » car défaire « le contrat avec la société chargée de sa collecte coûterait 800 millions d’euros ».

Suppression, ajournement, suspension… les demandes adressées au chef de gouvernement furent convergentes mais différenciées. Ainsi, les membres du collectif qui avait appelé à un grand rassemblement samedi à Quimper pour l’emploi en Bretagne et contre l’écotaxe avaient réaffirmé lundi 28 octobre leur opposition à cette taxe poids lourds réclamant sa « suppression pure et simple », lors d’une conférence de presse à Carhaix (Finistère). 

« Il ne peut pas y avoir d’alternative. On ne va pas nous dire: on la retarde de deux ans ou les 100 premiers kilomètres gratuits ou payez en 10 fois comme chez Darty », 

« On attend la suppression pure et simple de l’écotaxe en Bretagne », avait affirmé de son côté le maire de Carhaix, Christian Troadec, au nom du collectif « Vivre, décider et travailler en Bretagne/Bevan, divizout, labourat e Breizh ». 

Les industriels contre la taxe

Le Groupe des fédérations industrielles (GFI) avait demandé au gouvernement « l’ajournement » de la mise en application de l’écotaxe, une mesure qui, estime-t-il, pénaliserait le « made in France » en s’ajoutant « à une pression fiscale déjà record ».

« Dans un contexte de croissance économique très faible et compte tenu des marges industrielles historiquement basses, le GFI demande au gouvernement de mieux considérer l’impératif de compétitivité de l’industrie en ajournant la mise en application de l’écotaxe poids lourds », a affirmé son président Frédéric Saint-Geours, cité dans un communiqué.

Le successeur de Pierre Gattaz à la tête du GFI demande également à l’exécutif « d’harmoniser ses paramètres avec les dispositifs existants dans les autres pays européens ».

Une augmentation du coût de transport de 5 à 10%

Selon le GFI, comme « plus de 60% du transport routier concerne des produits industriels », l’écotaxe « handicapera encore un peu plus la compétitivité de l’industrie, en augmentant de 5% à 10% le coût du transport selon les cas ».

Les fédérations industrielles soutiennent également que la nouvelle taxe aurait « pénalisé » le « made in France », cher au ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, en « encourageant l’importation de produits finis ».

« Les produits industriels sont en effet le fruit de nombreux assemblages et transformations, réalisés par des entreprises réparties sur l’ensemble du territoire », insiste le GFI pour qui « un produit industriel pourrait donc aisément être taxé 7 ou 8 fois au fur et à mesure des différentes étapes de fabrication ».

La FNSEA avait demandé un report de deux ans

Plus souple, le président de la FNSEA (majoritaire), Xavier Beulin, avait renouvelé sa demande de voir l’écotaxe sur les poids lourds ajournée pour deux ans, le temps que la situation de l’agro-alimentaire s’améliore.

« Nous demandons l’ajournement et pas la suppression » de l’écotaxe sur les poids lourds qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2014, avait expliqué Xavier Beulin, interrogé par l’AFP après que le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a assuré dimanche avoir « parfaitement entendu » et « parfaitement compris » le message des manifestants bretons la veille.

Selon Xavier Beulin, « 2014 ne va pas être une année de retour à la croissance et d’inversion significative en matière d’emploi, malheureusement, dans la plupart des filières de l’agro-alimentaire, on n’est pas prêts de retrouver le chemin de la croissance ». « Deux ans serait un minimum », a-t-il résumé. 

(Avec AFP)


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