Emploi: le tour de passe-passe de Hollande sur la formation

C’est avant tout une déclaration très politique. A un an et demi de la présidentielle de 2017, François Hollande sait que l’emploi reste le sujet qui préoccupe le plus les Français. Et ce, devant les questions de sécurité liées à la menace terroriste. D’où l’annonce, lors de ses vœux du Nouvel An, d’un nouveau « plan massif de formation des demandeurs d’emploi » orienté vers « les métiers de demain » et en tension, c’est-à-dire où les entreprises éprouvent des difficultés à recruter. En sus, l’idée est de mettre toutes les chances de son côté pour enfin voir la courbe du chômage s’inverser, condition principale de sa future candidature pour 2017.

Pour sortir de l’ornière de « l’état d’urgence économique et social », le président a donc ressorti de son chapeau le serpent de mer qu’est la formation des chômeurs. Il a ainsi promis de passer à la vitesse supérieure avec ce plan qui prévoit 500.000 places de formation. Sarkozy en 2011, soit juste avant l’élection présidentielle de 2012, avait dégainé une mesure similaire. Ce traitement social du chômage présente l’avantage de sortir de la catégorie A des demandeurs d’emploi – celle utilisée pour rendre compte des chiffres du chômage – pour les transférer vers la D, et donc d’engranger immédiatement un bénéfice statistique. Un tour de passe-passe comptable sévèrement condamné par certains experts. « Il ne sert à rien de faire de la formation pour de la formation si à la sortie il n’y pas un poste correspondant », tacle Bertrand Martinot, économiste du marché du Travail et ancien délégué général à l’Emploi et à la formation professionnelle.

Une mise en oeuvre qui s’annonce difficile

Sur le fond, le volontarisme de Hollande pourrait très vite faire pschitt… Premier écueil: la faisabilité technique. « En l’état actuel des choses, le système de formation n’est pas adapté pour produire 500.000 places supplémentaires par an. Ce chiffre absolument massif représente une augmentation de 80% », avance Bertrand Martinot. De plus, il va falloir un certain temps aux institutions pour pouvoir s’adapter et notamment Pôle emploi qui doit passer des appels d’offre publics pour sélectionner des organismes de formation. Ces derniers, eux, doivent recruter des personnes qualifiées pour les dispenser. Autre problème de taille en cette période de disette budgétaire: le financement. Les Echos annoncent un coût global de 1 milliard d’euros. Ce montant serait financé « pour moitié par l’Etat et pour le reste par les fonds de la formation professionnelle », ajoute le quotidien. Mais, cela pourrait être bien supérieur. Dans la loi de Finances de 2016, le coût de la formation des demandeurs d’emploi pour l’année 2013 avoisine les 4,4 milliards d’euros… Or cette somme correspond au financement des quelque « 640.000 formations dispensées par an à des chômeurs », poursuit Bertrand Martinot. De quoi douter du chiffrage du gouvernement.

Reste l’efficacité réelle des formations proposées aux demandeurs d’emploi pour que ces derniers retrouvent un travail. Une étude de Pôle emploi évaluant le « plan de formations prioritaires », mis en place suite à la conférence sociale de 2013 et visant des chômeurs peu qualifiés, plaident en faveur d’un ciblage des formations proposées sur des métiers en tension. Selon cet organisme public, 56,9% des bénéficiaires de ce dispositif étaient en emploi six mois après la fin de leur formation et 41,8% d’entre eux avaient un job stable, c’est-à-dire en CDI ou en contrat à durée déterminée de six mois ou plus. Après une phase d’expérimentation en 2013, la mesure est montée petit à petit en puissance pour atteindre 114.500 bénéficiaires en 2014 et quelque 150.000 en 2015. Une opération plutôt réussie en somme.

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