En pleine crise, Auchan se sépare de 517 salariés supplémentaires

C’est le nouvel épisode d’une triste série qui secoue la grande distribution depuis des mois. Un an après l’annonce d’un plan de départs touchant les cadres de Carrefour, c’est au tour d’Auchan de présenter aux instances représentatives, ce mardi 14 janvier, un plan de départs volontaires, touchant les sièges d’Auchan Retail et d’Auchan Retail France. Il concerne « les salariés des fonctions « siège » et « produits » d’Auchan Retail, des fonctions « siège » et « produits » d’Auchan Retail France et des services d’appui de l’organisation commerciale territoriale des activités françaises », précise le communiqué. Et au total, il entraînera la suppression nette de 517 emplois. Plus précisément, « 677 postes seraient supprimés dont 652 actuellement occupés et 135 postes seraient créés », déclare le communiqué.

20.000 collaborateurs en moins en un an

C’est certes moitié moins que les 1.000 départs annoncés dans la presse ces dernières semaines (une fuite volontaire pour créer un effet de comparaison favorable?). Mais c’est tout de même 13% des 4.000 collaborateurs qui travaillent dans les entités concernées. Et surtout, le nombre de salariés dont Auchan a souhaité se séparer en moins d’un an dépasse désormais 20.000, sur un total de 354.800. En avril, le distributeur annonçait en effet la cession prochaine de 21 magasins, pour un total de 700 à 800 collaborateurs concernés. Un mois plus tard, il prévenait qu’il allait également se séparer de ses filiales italienne (18.000 salariés) et vietnamienne (850). 

Si du côté du groupe, on cherche à minimiser le chiffre de 517, en le rapportant aux 75.000 salariés d’Auchan en France, cette décision n’a en réalité bien évidemment rien d’anodin. Dans cette entreprise non cotée, appartenant à la famille Mulliez, 5ème fortune de France selon le classement de Challenges, les valeurs catholiques ont longtemps fait foi (sic). Licencier un collaborateur? Un acte rare, que l’on cherchait jadis à éviter coûte que coûte. La règle de la seconde chance primait. Se séparer de plus de 20.000 personnes en l’espace de dix mois représente un sacré changement de paradigme.

Un basculement en 2018

Les choses ont basculé lors de l’éviction brutale de l’ancienne équipe dirigeante d’Auchan Retail, en octobre 2018. Du jour au lendemain, Wilhelm Hubner et Régis Degelcke ont été remplacés par un Mulliez, nommé à la présidence exécutive: Edgard Bonte. Sa mission: mettre en place « des arbitrages et renoncements », pour sauver le navire Auchan. Il est vrai que la situation devenait critique. En 2018, les pertes du distributeur ont atteint le chiffre record d’un milliard d’euros. Six mois plus tard, les résultats semestriels dévoilaient une nouvelle perte d’1,5 milliard d’euros. En se séparant de plusieurs filiales, magasins et collaborateurs, Edgard Bonte s’est jusqu’à présent concentré sur la réduction de coûts. Le dirigeant avait précisé l’an dernier viser 1,1 milliard d’euros d’économies en année pleine. En interne, comme en externe, plusieurs collaborateurs et observateurs s’inquiétaient depuis de l’absence de vision qualitative.

Le communiqué de presse précise justement les grandes lignes stratégiques du plan 2022. La première consiste à « devenir un acteur référent du bon, du sain et du local, à travers la sélection et la conception d’une offre unique, juste et responsable ». Le triptyque « bon, sain et local » n’a rien de nouveau: Wilhelm Hubner, l’ancien directeur général, en parlait il y a des années déjà. Mais entre-temps, Carrefour, Casino ou encore Intermarché ont mis les bouchées doubles sur ces questions d’alimentation durable. Il va falloir appuyer le pied sur l’accélérateur. Auchan s’engage à augmenter le nombre de filières agricoles responsables à 1.500 dans le monde en 2022 ou encore à faire figurer un label nutritionnel sur 100% des produits marque de distributeur.

« Reprendre notre destin en main »

Le deuxième vise à « être créateur de liens et d’expérience pour améliorer la qualité de vie des habitants ». Il s’agit, concrètement, de réinventer les magasins pour développer l’offre locale, proposer des expériences, de nouveaux services. Les départs annoncés découlent directement de ce plan. « Ces départs ne sont pas envisagés pour faire des économies, ils résultent de la mise en vigueur de notre plan Auchan 2022 destiné à réinventer notre métier en profondeur pour restaurer la rentabilité en France », a expliqué Edgard Bonte à La Voix du Nord, avant de justifier le contexte du plan: « On ne fait pas un régime, on change d’alimentation. Je ne veux pas être un tueur de prix, je préfère travailler en profondeur sur l’offre de produits et sur le rôle des hypermarchés. Jusque-là les diagnostics étaient bons mais personne ne voulait changer réellement les choses. Oui, on a perdu du temps et nous devons reprendre notre destin en main. » Les syndicats espèrent sans doute que cette reprise en mains ne présage pas d’autres suppressions d’emplois. D’après La Voix du Nord, Auchan devrait annoncer une année 2019 meilleure que la précédente en France avec une érosion du chiffre d’affaires modérée.

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