Eutelsat, la commande qui tombe à pic pour Thales

C’est une commande qui tombe à pic. L’opérateur satellite européen Eutelsat a offert une belle bouffée d’oxygène à Thales Alenia Space, en commandant mardi 29 octobre au groupe franco-italien un satellite de télécommunications de 5,3 tonnes baptisé Eutelsat 10B. Cet engin à propulsion électrique sera destiné à la connectivité à bord des avions et des bateaux, un segment en pleine explosion. Si sa position orbitale (10° Est) lui permet une couverture des Amériques jusqu’à l’Asie, le satellite est avant tout calibré pour servir le marché européen et le Moyen-Orient. « Eutelsat 10B apportera une grosse capacité de connexion dans les avions en Europe, qui permettra aux passagers se regarder des films en streaming, indique à Challenges Rodolphe Belmer, directeur général d’Eutelsat. Le marché européen avait jusqu’à présent du retard par rapport au marché américain, mais il est train d’exploser. » Gogo Air, un des leaders mondiaux de la connectivité en vol, a d’ailleurs annoncé qu’il achèterait une partie de la bande passante du satellite Eutelsat 10B, dès son entrée en service en 2023.

Le contrat Eutelsat, dont le montant n’est pas communiqué mais estimé entre 200 et 300 millions d’euros, est un énorme soulagement pour Thales Alenia Space (TAS). La division spatiale de Thales, codétenue par l’italien Leonardo, a été durement touchée par l’atonie du marché des satellites télécoms depuis quatre ans. Thales anticipe une baisse de 10% du chiffre d’affaires de TAS en 2019 (2,45 milliards d’euros en 2018), puis une nouvelle baisse, plus modeste, en 2020. Faute de contrats, la division avait même dû lancer cette année un plan de 500 suppressions de postes, soit 6% de ses effectifs (8.000 salariés), qui touche particulièrement les sites français de Cannes et de Toulouse. Faute de nouveaux contrats, 150 à 300 nouvelles suppressions de postes supplémentaires étaient envisagées, selon la Tribune.

Transformer l’essai

La commande d’Eutelsat arrive donc à point nommé. D’abord, elle montre que TAS est toujours compétitif face aux Airbus Defence & Space, Boeing, et autres Maxar. « Thales Alenia Space a gagné la compétition à la fois sur l’aspect technologique, et sur leur capacité à livrer rapidement le satellite pour une mise en orbite en 2022 », indique Rodolphe Belmer. Ensuite, le contrat concerne un satellite très puissant (35 gigabits par seconde, contre 1,8 pour Eutelsat 172B, lancé en juin 2017) et très lourd (5,3 tonnes), d’où un prix élevé et beaucoup d’heures de travail pour les usines de TAS. « Eutelsat 10B nous apporte une charge de travail précieuse, confirme Pascal Homsy, vice-président des activités télécommunications de Thales Alenia Space. Avec deux ou trois contrats supplémentaires à court terme, on commencera à bien respirer. » TAS a pour l’instant gagné deux contrats en 2019 : Eutelsat 10B et le satellite Satria pour l’Indonésie. Or il faut entre trois et cinq contrats par an pour faire tourner à plein les sites du groupe.

TAS doit donc désormais transformer l’essai en remportant rapidement d’autres contrats. Selon nos informations, le groupe est en finale sur trois compétitions qui pourraient être bouclées d’ici à la fin de l’année, auprès du luxembourgeois SES, de l’espagnol Hispasat (Amazonas) et de l’égyptien Nilesat. Sur la compétition SES, le groupe franco-italien propose sa nouvelle gamme de satellites 100% digitaux Space Inspire, dévoilée en septembre dernier à la World Satellite Business Week de Paris. Ces satellites, plus petits que l’engin vendu à Eutelsat (2 tonnes, contre 5,3 tonnes), sont conçus pour pouvoir changer de mission en orbite (diffusion TV, connectivité) et être livrables en 18 mois, soit deux fois plus vite que les satellites télécoms classiques.

Le rêve Telesat

Pour définitivement se remettre sur la bonne orbite, Thales Alenia Space vise également un gros contrat avec l’opérateur canadien Telesat. Ce dernier veut lancer d’ici à 2022 une constellation de 300 satellites en orbite basse dédiée à la connectivité Internet, qui concurrencera les projets de OneWeb, SpaceX (Starlink) ou Amazon (Kuiper). Après avoir longtemps fait équipe avec l’américain Maxar, TAS concourt désormais en solo pour ce contrat estimé à 3 milliards de dollars, sur lequel il est opposé à Airbus Defence & Space. Thales Alenia Space espère que sa grande expérience de la conception de constellations (Iridium, O3B, Globalstar) lui permettra de faire la différence. La décision finale de Telesat, longtemps annoncée fin 2019, pourrait glisser début 2020.

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