Face à un parc nucléaire vieillissant, la production d’EDF recule

Le nucléaire sera en baisse cette année. EDF qui anticipait une production d’électricité de 395 térawattheures a révisé sa prévision à 390 Twh. L’an dernier, elle avait atteint 393 Twh. L’électricien justifie cette diminution par « une campagne 2019 particulièrement complexe, avec la réalisation de sept visites décennales ». Ces opérations de maintenance qui immobilisent les réacteurs nucléaires pendant environ six mois ont tendance à se multiplier. Au début des années 2010, EDF effectuait tous les ans quatre à cinq visites. Mais le parc français vieillit et les opérations sont de plus en plus complexes.

Le groupe de Jean-Bernard Lévy s’est engagé dans un gigantesque programme de près de 50 milliards d’euros baptisé « grand carénage » qui vise à prolonger la durée de vie des réacteurs de 10 à 20 ans afin qu’ils puissent fonctionner 50 ans, voire 60 ans. La phase de la quatrième visite décennale a débuté à la centrale du Tricastin (Drôme) qui compte quatre réacteurs. Dans les mois à venir, ce sera au tour de Gravelines (Nord, 6 réacteurs) et Dampierre (Loiret, 4 réacteurs). Les visites de maintenance se poursuivront à un rythme élevé jusqu’en 2023.

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Elles ne sont pas la seule raison de la baisse de production nucléaire. Pour EDF, il y a aussi par « une superposition d’opérations denses prévues au second semestre (2019) sur l’ensemble du parc (qui s’est traduite) par des prolongations d’arrêts programmés, notamment sur les réacteurs de Flamanville 2 (Manche)  et de Paluel 4 (Seine-Maritime) ». A cela s’est ajouté l’arrêt imprévu mi-septembre du réacteur 1 de Flamanville en raison de traces de corrosion sur des systèmes de secours et « des conditions météos défavorables », une façon pudique d’évoquer de fortes périodes venteuses au printemps et ensoleillées en été où les éoliennes et le photovoltaïque fonctionnent à plein. C’est le drame du nucléaire. Il n’est pas prioritaire par rapport aux énergies renouvelables. Or le parc des moulins à vent et des centrales solaires ne cesse de grossir. Sur les douze derniers mois, l’électricité renouvelable a permis de couvrir 22% de la consommation française. Face à cet aléa, les réacteurs nucléaires doivent s’adapter et moduler leur puissance en fonction du vent et du soleil.

Plus de tolérance de l’ASN

La situation d’EDF est toutefois moins critique qu’il y a trois ans. Fin 2016, un tiers des 58 réacteurs s’était retrouvé à l’arrêt à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). L’ASN qui a récemment changé de président semble être aujourd’hui dans de meilleures dispositions. L’Autorité a été inflexible sur les problèmes de soudure de Flamanville (l’EPR ne sera lancé finalement qu’en 2023 au lieu de fin 2020). Mais sur le parc existant, elle estime qu’EDF peut poursuivre son activité. « Au vu des analyses que nous avons menées depuis le début du mois de septembre en liaison avec EDF et Framatome, nous estimons qu’il n’y a pas lieu d’arrêter les réacteurs équipés des générateurs de vapeur concernés par les soudures défectueuses », déclarait hier aux Echos le président de l’Autorité Bernard Doroszczuk.

Reste que pour la troisième fois consécutive, EDF ne parvient pas à franchir la barre des 400 Twh de nucléaire. Le groupe est désormais très loin du record des 429 Twh enregistrés en 2005. Aujourd’hui, le parc nucléaire français produit environ 71% de ses capacités théoriques maximales, alors qu’il y a cinq ans, EDF visait un taux de disponibilité de plus de 80%. L’électricien avait alors lancé le programme Génération 420 pour atteindre à terme 420 Twh. Mais aujourd’hui, cet objectif a tout du vœu pieux. Comme la part de nucléaire dans le mix énergétique doit passer de 70% à 50% d’ici à 2035, il ne sera probablement jamais atteint.

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