Face aux armées, Macron manie la carotte et le bâton

Qu’on se le dise, le « en même temps » est de retour. Lors de la présentation de ses vœux aux armées, vendredi 19 janvier sur le porte-hélicoptères Dixmude en rade de Toulon, Emmanuel Macron s’est employé à envoyer un double message aux forces françaises et aux industriels de défense. Côté carotte, le chef de l’Etat a confirmé la remontée en puissance du budget de défense français, qui augmentera de 1,7 milliard d’euros par an jusqu’à 2022, puis de trois milliards par an les années suivantes, pour atteindre en 2025 les fameux 2% du PIB français. Côté bâton, il a prévenu que l’exécutif serait intraitable sur l’utilisation des fonds débloqués. « J’assume devant la nation mes choix de vous donner ces budgets, mais ils traduiront par ailleurs une réduction d’autres politiques publiques, rappelle Emmanuel Macron. Je vous donne donc des moyens, mais en même temps, ce sera pour vous plus de responsabilité. »

Quelles seront les grandes priorités de la loi de programmation militaire (LPM) en cours de finalisation ? L’accent va être mis sur le renouvellement des équipements, souvent à bout de souffle, des armées : les blindés médians de l’armée de terre seront remplacés, de même que les pétroliers ravitailleurs de la Marine. Le renouvellement des patrouilleurs de la Royale sera accéléré, ainsi que celui des ravitailleurs de l’armée de l’air, qui pourra aussi compter sur des avions supplémentaires (probablement quinze au lieu de douze escomptés). La LPM actera aussi le lancement du renouvellement des deux composantes de la dissuasion, océanique (sous-marins lanceurs d’engins et missile M51) et aéroportée (missiles ASMP/A embarqués sur chasseurs Rafale). Pas un mot en revanche sur le sujet du second porte-avions, dont le candidat Macron avait promis de lancer les études préliminaires.

Dotation OPEX augmentée

Le chef de l’Etat a aussi insisté sur la nécessité d’améliorer les capacités d’observation spatiale de la France, en collaboration avec les alliés européens, et plus largement les capacités de renseignement « optique, électromagnétique, humain et cyber ». Il a également promis un financement des opérations extérieures enfin sincère : la provision OPEX passera de 450 millions d’euros à 1,1 milliard d’euros par an, soit le niveau moyen des engagements français ces dernières années. Ce qui, assure le chef de l’Etat, permettra d’éviter les sempiternelles guérillas de fin d’année entre Bercy et l’hôtel de Brienne sur la répartition du surcoût. « Ces batailles, je n’en veux plus », a martelé Emmanuel Macron.

Mais si le budget militaire va fortement augmenter, « un effort inédit et incomparable » selon le chef de l’Etat, pas question de raser gratis pour autant. « Chaque dépense sera évaluée à l’aune de son utilité opérationnelle », a prévenu le chef des armées, qui assure qu’il y veillera « personnellement ». Les industriels de défense feront l’objet de la même attention, notamment sur leur performance en matière de maintenance (MCO, maintien en condition opérationnelle), devenue un des talons d’Achille de l’armée française. « J’attends plus des industriels, nous ne pouvons pas nous contenter des taux de disponibilité actuel du matériel de défense », indique le chef de l’Etat. Qui sera tout aussi exigeant sur le rapport qualité-prix des équipements neufs : « Nous devons aller vers un meilleur rapport coût-efficacité », martèle Emmanuel Macron.

La DGA devra muer

Quant à la Direction générale de l’armement (DGA), l’organisme qui passe les commandes d’armement (11 milliards par an), teste les équipements des armées et prépare le futur avec des contrats de R&T, elle devra opérer une mue majeure. Elle doit, exige le chef des armées, « faire évoluer ses méthodes », « être un facilitateur apportant de la souplesse », « tirer avantage de la révolution numérique ». Du travail en perspective pour le nouveau DGA Joël Barre.

Restent quand même quelques interrogations. Quel crédit accorder à la promesse d’une hausse de 3 milliards d’euros du budget des armées en 2023, soit un an après l’échéance du mandat d’Emmanuel Macron ? Il faudra soit compter sur une réélection du chef de l’Etat, ou sur un consensus national qui aboutirait au respect par le nouveau pouvoir des engagements de la LPM. L’histoire récente a montré que ce respect des engagements précédents ne vas pas forcément de soi. D’autre part, il conviendra d’éclaircir le financement du fameux service national universel, sachant que le chef des armées assure qu’il « ne viendra en rien impacter la loi de programmation militaire » 2019-2025.

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