Les grands clubs européens tels que le Chelsea et le Real Madrid s’affrontent en cette fin avril 2014 en phases finales de la Ligue des champions. Pour autant, un autre match se joue entre ces mastodontes financiers du ballon rond et l’UEFA, l’instance dirigeante du football européen. Cette organisation doit mettre en application début mai la règle du fair-play financier et sanctionner ou non les clubs qui ne la respectent pas.
Bastien Drut, économiste du sport et auteur avec Richard Duhautois du livre
20 questions improbables sur le foot, revient sur les enjeux de cette règle.
Pourquoi l’UEFA a-t-elle voulu édicter le principe du fair-play financier ?
L’UEFA sous l’égide de Michel Platini, son président, a décidé de s’attaquer au problème des modèles économiques non-viables de certains clubs européens. Ces dix dernières années, les déficits des clubs sont devenus de plus en plus importants. Par exemple, en 2011, les clubs européens totalisaient 1,7 milliard de déficit. Il fallait faire quelque chose pour éviter un désastre financier. L’autre grande philosophie du fair-play financier est de trouver un meilleur équilibre entre les gros et les petits clubs pour une meilleure équité sportive.
En quoi consiste le fair-play financier ?
Cette règle a pour principe la bonne gestion financière. Un club ne peut pas dépenser plus qu’il n’engrange de recettes. Toutefois, l’UEFA a introduit une marge de manœuvre de 45 millions d’euros [c’est le montant maximal de déficit accepté, ndlr]. Par ailleurs, la règle ne s’applique qu’aux clubs participant aux coupes européennes (Champion League et Europa League). Et le fair-play financier ne se focalise que sur les déficits et sur non sur les dettes. Enfin, certaines dépenses ne sont pas prises en compte dans le calcul du déficit comme celles ayant trait à la construction d’un nouveau stade ou celles effectuées pour le développement du centre de formation des jeunes footballeurs.
Le fair-play va-t-il régler tous les problèmes ?
Non, loin de là. Il y a une vraie différence entre d’un côté des grands clubs, qui sont fortement endettés en raison des montants des transferts, et de l’autre des clubs plus petits, notamment espagnols, qui ont chaque année des déficits importants. Les premiers n’ont aucun problème de refinancement. Prenez un club comme Chelsea détenu par le milliardaire russe Roman Abramovich. A tout moment, ce dernier peut éponger les dettes en faisant un gros chèque. Ce n’est pas le cas pour des plus petites structures. Par exemple, le club de Malaga en Espagne a dû brader ses joueurs en raison d’arriérés de salaires et des retards dans le règlement d’indemnités de transferts. Ce club illustre bien les dérives du foot business et le manque de réglementation en Espagne. L’an dernier, il y a eu 500 millions d’euros d’impôts impayés par les clubs ibériques.
Les clubs français vont-ils être touchés par le fair-play financier ?
La France possède les règles les plus strictes d’Europe en matière de bonne gestion financière. Seul le Paris Saint-Germain est dans le collimateur de l’UEFA pour un contrat passé avec le Qatar Tourism Authority, une émanation de l’Etat du Qatar comme l’est aussi le fonds d’investissement qui possède le PSG. C’est une façon déguisée de contourner le fair-play financier.
Quelles sont les sanctions encourues par le PSG?
Michel Platini a d’ores et déjà annoncé qu’aucun club ne sera exclu des coupes européennes. Des interdictions de recrutements de nouveaux joueurs ou des sanctions financières sont plus probables. Cette dernière option devrait être retenue par l’UEFA concernant le PSG. Cela serait un moindre mal pour le club. Ce dernier a des fonds illimités. Et ce n’est pas une amende qui va freiner le club dans ses velléités de conquête du football européen en effectuant des transferts aux sommes astronomiques…
Propos recueillis par Florian Fayolle
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