Frappes en Syrie : quel a été le rôle de la France?

Les intimidations russes n’y auront rien changé. Malgré le survol menaçant d’une frégate française par un chasseur russe le week-end dernier, malgré les menaces de représailles, malgré la décision du Kremlin de couper l’accès de l’Otan aux avions de transports Antonov du groupe russe Volga Dnepr, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont bien mené, dans la nuit du 13 au 14 avril, la campagne de frappes prévue sur le régime de Bachar el-Assad. Celles-ci ont visé, selon Paris, »le principal centre de recherche » et « deux centres de production » du « programme clandestin chimique » du régime. « C’est la capacité de développer, de mettre au point et de produire des armes chimiques qui est atteinte », a déclaré la ministre des armées, Florence Parly.

Quelle a été l’implication française dans cette campagne de frappe ? Les Etats-Unis ont indiqué avoir tiré deux fois plus de missiles que lors de la frappe américaine d’avril 2017 sur la base militaire d’Al-Chaayrate, près de Homs. Celle-ci avait vu l’envoi de 59 missiles Tomahawk, ce qui laisse penser que la coalition occidentale aurait tiré cette nuit une centaine de missiles. Paris revendique quant à lui 12 engins tirés, dont 9 Scalp depuis des chasseurs Rafale, et 3 missiles de croisière navals (MdCN) depuis des frégates FREMM. On peut donc estimer à 10% environ la proportion de de frappes françaises dans l’opération de cette nuit.

17 avions impliqués

SI le chiffre peut paraître modeste, il s’agit indéniablement d’une opération de grande ampleur pour les forces françaises. Côté armée de l’air, selon le blog le Mamouth, pas moins de 17 avions de l’armée de l’air ont participé au dispositif : une dizaine de chasseurs (5 Rafale, accompagnés de 4 Mirage 2000-5), mais aussi 6 ravitailleurs. Il faut rajouter deux avions E-3F AWACS, des avions de détection et de commandement. Les appareils étant partis des bases françaises, il a fallu les ravitailler, cinq fois par chasseur selon le Mamouth. Soit le chiffre impressionnant de 50 ravitaillements.

La Marine nationale a aussi largement participé à l’opération : elle a dépêché sur théâtre trois frégates FREMM, soit les trois quarts de la flotte de frégates multi-missions en service. Ces navires ont été soutenus par une frégate anti-aérienne, une frégate anti sous-marine, un pétrolier-ravitailleur et probablement un sous-marin nucléaire d’attaque pour protéger le dispositif. Trois missiles de croisière navals (MdCN) ont été tirés depuis les FREMM, une première pour ce nouvel armement livré en 2017 par l’industriel MBDA.

L’impact de la dissuasion

Quelles conclusions tirer de la participation française ? Le raid massif de 10 heures de l’armée de l’air, effectué depuis la France, est une performance réservée à une poignée de forces aériennes dans le monde : il prouve que l’armée de l’air reste en première division. Cette performance a été rendue possible grâce à l’investissement continu de la France dans la dissuasion, qui permet de conserver les compétences sur des opérations longues et complexes. Côté marine, l’utilisation du couple FREMM/MdCN prouve que l’opération de modernisation du porte-avions Charles de Gaulle n’a pas obéré les capacités de frappes de la Royale. Le faible stock de MdCN, que l’on peut estime à 50-60 missiles, est en revanche un vrai facteur limitant : ce stock équivaut à la moitié des missiles américains tirés cette nuit.

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