Grève des pilotes d’Air France : pourquoi le PDG ne cèdera pas

Alexandre de Juniac ne cite jamais le nom des deux principaux concurrents du groupe qu’il pilote. Il préfère les désigner par la couleur de leur logo : les « bleus » pour Ryanair, les « oranges » pour EasyJet. Nul ne sait, en revanche, si les pilotes d’Air France ont droit eux aussi à une couleur. Une chose est sûre, avec l’appel à la grève lancé par les syndicats ce lundi 15 septembre, Alexandre de Juniac voit rouge. 

1. la grève est bien suivie

Les syndicats de pilotes sont pour le moment suivis par la base. Le nombre important de PNT (les membre d’équipage chargé de piloter l’avion dans le jargon aérien) qui refusent de prendre en charge les vols qui leur étaient assignés a conduit la compagnie à réduire de plus de moitié le programme prévu ce lundi 15 septembre. Et, sauf miracle, ce sera rebelote mardi avec un taux de pilotes grévistes qu’Air France annonce comme stable à 60% et un programme de vols réduit en conséquence à 40% de ce qu’il aurait dû être.

2. Le risque financier est important

« La grève nous coûte entre 10 et 15 millions d’euros par jour », assure le PDG d’Air France-KLM .Un coût qui inclut les économies de carburant que fait la compagnie en ne faisant pas voler ses avions. Même s’il se refuse à préciser à partir de combien de jours de grève cette saignée pourrait menacer le retour aux bénéfices promis aux actionnaires et aux salariés, Alexandre de Juniac fait peser sur les épaules des pilotes cette lourde responsabilité.

« Cela pourrait remettre Air France en déficit. C’est triste pour les 70.000 autres salariés de la compagnie qui ont fait des efforts considérables », estime le patron de la compagnie aérienne. Pertes financières et pertes en termes d’image auprès des passagers. Alexandre de Juniac le concède volontiers. Plutôt que de décaler leur voyage, un grand nombre de Français auront préféré profiter des offres d’Easyjet et de la SNCF. A raison de 65.000 passagers par jour touchés par des annulations ou des retards, cela finit par faire du monde.

3. Les pilotes refusent une vraie négociation

Alexandre de Juniac, comme Frédéric Gagey, le patron d’Air France, n’en reviennent toujours pas. Ils sont atterrés par l’attitude des syndicats de pilotes hostiles au plan de développement de Transavia, la marque low cost du groupe qui doit assurer la compétition avec les « bleus » et les « oranges ». Les pilotes s’arc-bouteraient sur la concurrence que pourrait exercer cette filiale vis-à-vis d’Air France ou du moins des activités moyen-courrier de cette dernière. « On nous demande de revenir sur les conditions de travail qui avaient été acceptées lors de la création de Transavia France », s’insurge Frédéric Gagey.

« On leur a proposé de prolonger  de deux ans les conditions dans lesquelles ils peuvent passer d’Air France à Transavia et de leur octroyer un droit de regard sur l’évolution des conditions de travail au sein de cette compagnie », insiste de son côté Alexandre de Juniac. Pas question en revanche d’aligner les horaires de travail. « Sur Air France, c’est entre 5 et 600 heures par an contre 700 à 750 sur Transavia. On est loin du maximum de 900 heures autorisées en Europe », rappelle le PDG du groupe.

Travailler plus pour gagner plus, c’est en fait le deal que propose la compagnie aux co-pilotes dont les plans de carrière ont été contrecarrés par les difficultés économiques d’Air France. En passant chez Transavia, ils deviennent commandants de bord et ils peuvent revenir quand ils le souhaitent en gardant leur nouveau statut. « Ceux qui ont accepté l’offre sont volontaires et passionnés et c’est ce qui inquiètent les représentants syndicaux sur leur capacité à voler », relèvent, non sans malice, Alexandre de Juniac. Un PDG qui sait aussi qu’il peut compter sur la bienveillance du gouvernement… au plus haut niveau.


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