Hollande et Merkel, l’Europe au cœur

C’est une première au Parlement européen. Une première depuis 1989, où le couple Kohl-Mitterrand était venu parler devant les élus de Strasbourg. Ce mercredi après-midi, c’était au tour de François Hollande et d’Angela Merkel de mettre en scène les bonnes relations entre Paris et Berlin, comme moteur indispensable pour rebooster une Europe confrontée à des défis majeurs. De fait, la crise des migrants, doublée de la panne institutionnelle de l’Union, de l’atonie économique et des doutes liés à un possible départ de la Grande-Bretagne, placent le Vieux Continent à la croisée des chemins. Sans compter que les deux dirigeants espéraient que cette image de détermination commune permette de regonfler leur popularité érodée, celle flapie du président de la République –que 77% des Français estimaient fin septembre ne pas être un bon dirigeant– comme celle de la chancelière, que sa politique d’accueil des réfugiés a fait plonger dans les sondages. Désormais, seuls 54% sont satisfaits de sa politique et près de 45% des Allemands ont une image plutôt négative de l’immigration (ils étaient 10% de moins il y a un mois).

Après-midi historique

Parlant le premier, François Hollande a été longuement applaudi à l’évocation du 11 janvier: « A chaque crise, des peurs se manifestent. Il faut vivre avec la peur, mais pas dominé par la peur ». Sur la question des demandeurs d’asile, il a observé que « l’Europe n’a pas mesuré l’espoir qu’elle suscite pour ceux qui sont dans le noir ». Sans surprise, il a exhorté à « répartir les demandeurs d’asile entre les pays européens », avant d’insister sur la nécessaire coopération avec les pays tiers pour l’accueil, comme aussi pour le retour des réfugiés. Front soucieux, veste noire et cravate bleu marine, le président de la République a terminé sur un plaidoyer en faveur de l’Europe et du moteur franco-allemand. Discours dans la même veine de la chancelière, habillée de bleu roi, qui a lancé un vibrant appel à la tolérance et à l’ouverture. Qui a aussi enjoint le Vieux Continent à être à la hauteur de la crise des réfugiés. « Nous avons plus que jamais besoin de l’Europe. Nous avons besoin de davantage d’Europe ». Moment touchant, elle a terminé en évoquant cette « Europe de la liberté » dont elle « rêvait », elle et « tant d’autres, dans le camp de l’Est » au temps du Mur.

Discours d’unité

Déjà, hier, mardi 6 octobre, à l’ambassade d’Allemagne à Paris, Wolfgang Schäuble, ministre allemand des Finances, et le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve avaient tenu le même discours d’unité, à l’occasion de la fête de l’unité. S’exprimant en français, devant plus de 2.000 personnes de l’élite politico-économique parisienne, le grand financier d’Angela Merkel, avait parlé « d’impératif moral ». Et de poursuivre sur la crise des réfugiés: « elle nous oblige aujourd’hui à prouver ce que nous avons toujours proclamé: que l’Europe est, réellement, la réponse. Nous avons un besoin urgent de solutions à l’échelle de l’Europe. Et nous avons aussi besoin, dans ce domaine, que la France et l’Allemagne se comprennent mieux. » Pour conclure enfin: « Beaucoup de ceux pour qui l’Occident est l’ennemi attendent et espèrent que l’Europe échouera. Dans notre intérêt le plus cher, nous ne devrions pas leur faire ce plaisir ». Une exhortation qui a été le fil rouge de cet après-midi historique dans l’hémicycle de Strasbourg.

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