Ils ne supportent plus qu’on leur refuse de payer par carte

Depuis l’apparition de la première carte de paiement en 1968 en France, la CB a fait du chemin et est devenue un moyen de paiement incontournable pour les Français. Ces derniers sont même devenus accros, au point de ne plus pouvoir s’en passer. Plus de neuf français sur dix interrogés (91%) utilisent ainsi leur CB tous les jours ou au moins une fois par semaine, selon une étude* réalisée par l’Ifop pour la société PayPlug publiée ce mercredi 25 septembre. D’ailleurs, seuls 2% des personnes interrogées ne possèdent pas de CB, principalement chez les ménages dont les revenus sont inférieurs à 1.000 euros par mois.

Parmi ceux qui sont équipés, une large majorité (70%) a déjà eu la désagréable surprise de se voir refuser un paiement par carte bancaire. Les principales raisons invoquées par les commerçants sont le montant de l’achat, jugé insuffisant (49% des sondés), le coût du paiement par CB (36%), ou tout simplement le fait qu’il n’y ait pas de lecteur (31%) ou qu’il ne fonctionne pas (24% de réponses positives). Et dans 8% des cas, le commerçant ne prend même pas la peine de trouver une explication.

« Inadmissible » pour un tiers des Français

Une fâcheuse situation qui agace leurs clients. 36% des Français interrogés jugent que le refus de la CB est inadmissible et 32% se sentent frustrés car ils  préfèrent payer habituellement avec leur carte bancaire. Seulement un tiers des personnes (32%) trouvent que ce refus n’est pas grave ou le comprennent.

Du coup, les Français adaptent leurs comportements et mettent au point diverses stratégies, qui ne sont pas sans conséquence pour le commerçant. Soit ils prennent leurs précautions en allant retirer de l’argent liquide à un distributeur (76% des Français ont déjà fait cette démarche). Soit ils préfèrent éviter les commerçants qui ne sont pas équipés (ce qui est déjà arrivé à 58% des Français sondés, dont 11% régulièrement). Plus inquiétant encore, du point de vue du petit commerçant, 58% des Français ont déjà renoncé à un achat quand ils n’avaient pas la possibilité de payer en carte bancaire.

Refuser la CB nuit ainsi significativement à l’image du commerçant. Pour 93% des personnes interrogées, celui qui n’accepte pas la carte bancaire ne veut pas payer les frais liés. Une large majorité des Français sondés (73%) estiment aussi que c’est le reflet de quelqu’un qui ne se soucie pas du service rendu à la clientèle et voit le commerçant comme quelqu’un d’archaïque (64% de réponses positives).

Le refus d’accepter ce moyen de paiement suscite aussi la suspicion chez les clients. Plus d’un Français sur deux (57%) y voient pour le commerçant un moyen de ne pas déclarer l’intégralité de ses revenus. Autrement dit, de dissimuler une partie de ses ressources au fisc en travaillant au noir.

Un coût non négligeable pour les commerçants

L’enquête de l’Ifop s’est également intéressée aux prestations pour lesquelles les clients aimeraient effectuer un achat en CB. Outre le paiement des réservations d’hôtels et des taxis, celui des prestataires (plombier, bâtiment, …) ou encore des factures (loyer, assurance, etc.) arrivent en très bonne place.

Face à ce plébiscite des consommateurs, comment expliquer la réticence de certains professionnels à s’équiper? C’est que l’équipement a un coût non négligeable. Chaque commerçant doit négocier avec sa banque pour obtenir un terminal de paiement électronique (TPE). Il doit généralement payer un coût de location et de maintenance tous les mois pour l’appareil (quelques centaines d’euros par an). Ensuite, il doit avoir une ligne téléphonique ou une box ADSL pour transmettre les données du TPE à la banque (quelques dizaines d’euros par mois). Et enfin, il verse pour chaque transaction une « commission interbancaire de paiement » ou CIP (le plus souvent avec des frais fixes par transaction auxquels il faut ajouter une part variable du montant de la transaction).

Résultat, l’addition peut se révéler assez salée si le commerçant ne rentabilise pas son investissement avec un certain nombre de clients. L’Autorité de la concurrence, bien consciente que cela représente un frein au développement de la CB, a d’ailleurs imposé en début de semaine à Mastercard et Visa de réduire leurs ponctions sur les transactions.

La France très différente de l’Allemagne sur ce point aussi

Pourtant, contrairement à ce que l’agacement des Français pourrait laisser penser, l’Hexagone est plutôt bien lotie, comparé à d’autres pays comme l’Allemagne, par exemple, où le paiement par CB reste assez minoritaire. Les Français effectuent ainsi en moyenne par an et par habitant trois fois plus de transactions que leurs voisins d’Outre-Rhin par ce biais, selon l’Insee.

Si les Français ne sont pas les champions de la CB en Europe, ils se situent clairement parmi les plus fervents adeptes. L’année dernière, 9,7 milliards de transactions ont été effectuées via des cartes bancaires pour un montant total dépensé avoisinant les 507 milliards d’euros.

Les commerçants sont donc relativement bien équipés en France. Près de 1,5 millions de terminaux de commerce de proximité étaient activés sur le territoire en 2012, d’après le rapport d’activité 2012 du Groupement d’intérêt économique (GIE) des cartes bancaires, qui rassemble plus de 130 acteurs bancaires hexagonaux.

Reste, selon les estimations de PayPlug, environ 1,5 million de professionnels (du médecin au taxi en passant par les prestataires de service) qui ne possèdent pas encore de terminaux de paiement.

Le boom des nouveaux moyens de paiement

Des professionnels qui font face à une multiplication des moyens de paiement ces dernières années, liés notamment à la diffusion des smartphones. Trois grandes banques françaises (BNP Paribas, Société Générale et La Banque Postale) viennent de lancer Paylib, qui veut concurrencer le géant américain Paypal. Depuis quelques années, les services de paiement de ce type ont poussé comme des champignons: Kwixo (Crédit Agricole) et Buyster (Orange, Bouygues et SFR) en 2011 puis S-Money (BPCE) en 2012 et Lydia cette année. Point commun de tous ces systèmes: la création d’un compte en ligne auquel on va associer une ou plusieurs cartes bleues.

Du côté des petits commerçants de proximité, cela peut présenter un inconvénient. On voit mal l’un d’entre eux demander à son client de s’inscrire sur un site pendant de longues minutes avant de pouvoir payer. Or, même le leader du marché, Paypal, avec 7 millions de comptes dans l’Hexagone, reste utilisé par une minorité de personnes.

C’est pour proposer une alternative à cette catégorie de professionnels que Camille Tyan et Antoine Grimaud ont fondé en 2012 PayPlug. Ce service met en place une sorte de passerelle temporaire entre deux comptes bancaires sans avoir à enregistrer quoi que ce soit dans une base de données.

Concrètement, le commerçant fixe le montant dû par le client sur le site ou l’application mobile après avoir entré son code de CB. PayPlug va alors envoyer un lien au client pour aller sur une page web de paiement. Le client entre à son tour son numéro de carte et la transaction est réalisée. PayPlug se charge de payer les commissions auprès des banques et se rémunère auprès du commerçant avec un prélèvement de 2,5% par opération (contre entre 1,4 et 3,4% + 0,25 euro par transaction pour Paypal). A chaque paiement, il faut répéter la même démarche car aucun compte n’est créé.

Pour l’instant, environ 1.000 commerçants utilisent PayPlug et la société a levé 500.000 euros fin 2012 pour se développer. Difficile de savoir cependant si ce système parviendra à percer. Que ce soit auprès des commerçants comme des clients qui pourraient ne pas être très à l’aise avec un outil qu’ils ne connaissent pas et par lequel transiterait leur numéro de carte bancaire.

 

*sondage réalisé par internet du 4 au 6septembre auprès d’un échantillon de 1.001 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus selon la méthode des quotas.


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