Iran : la Turquie cesse ses importations, les S-400 russes dans la balance

Iran : la Turquie cesse ses importations, les S-400 russes dans la balance

Entre l’Iran et les Etats-Unis, la Turquie a semble-t-il choisi son camp … optant pour celui de Donald Trump. Il faut dire qu’Ankara doit tenter en parallèle de faire accepter par Washington ses achats de systèmes russes de défense antiaérienne S-400. Un contrat qui aura fait pencher la balance turque du côté des USA sur l’épineuse question des sanctions contre Téhéran.

La Turquie respecte les sanctions US contre l’Iran

Un responsable turc a ainsi indiqué cette semaine que la Turquie avait cessé totalement d’importer du pétrole iranien depuis début mai. Objectif officiellement affiché : « respecter » les sanctions américaines, qu’Ankara « désapprouve » néanmoins.

“En tant qu’allié stratégique” des États-Unis, la Turquie respecte les sanctions, a ainsi indiqué un responsable, sous couvert de l’anonymat. Ajoutant qu’Ankara ne pensait pas « qu’une isolation complète de l’Iran soit bénéfique”.

Précisons que ces propos ont été énoncés en marge d’une visite à Washington du vice-ministre turc des Affaires étrangères Yavuz Selim Kiran. Ceci pouvant expliquant cela …. pas question de froisser les susceptibilités US sur le sol américain.

Pour rappel, l’administration Trump a rétabli les sanctions américaines contre l’Iran après avoir quitté en 2018, l’accord international sur le nucléaire iranien.
Ces sanctions interdisent notamment à l’Iran d’exporter son pétrole, visant parallèlement les pays qui poursuivraient de s’approvisionner auprès de Téhéran.

Fin des dérogations le 2 mai dernier

Si initialement huit pays, dont la Turquie mais également la Chine, l’Inde ou le Japon, avaient bénéficié d’une dérogation pour continuer à importer du brut iranien, ces autorisations ont pris fin le 2 mai dernier et n’ont pas été renouvelées.

Lorsque la non poursuite de ces dérogations avait été annoncée, Ankara avait semblé dans un premier temps ne pas vouloir céder à la pression américaine. “Nous n’accepterons pas de sanctions unilatérales et de contraintes sur la manière dont nous gérons nos relations avec nos voisins”, avait ainsi déclaré lancé le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu.

Mais la Turquie a bien au final cessé d’importer du pétrole iranien depuis le 2 mai, si l’on en croit le responsable turc.

Les contrats d’armement turcs au cœur des négociations avec Washington

Il faut dire qu’Ankara n’est pas en position de force par rapport aux Etats-Unis. Et peut ainsi difficilement se mettre à dos Washington sur le dossier iranien, ses propres enjeux nationaux pesant davantage dans le cadre de ses négociations avec l’administration Trump.

De nombreux contentieux entachent en effet les relations entre Turquie et Etats-Unis. Les contrats d’armement passés par Ankara ou en cours de signature figurent au premier plan. Washington voit ainsi d’un mauvais oeil l’achat par la Turquie de systèmes russes de défense antiaérienne S-400. Dénonçant cet accord, les Américains menacent en représailles de ne pas livrer aux Turcs les avions de chasse F-35 récemment commandés, voire même d’imposer des sanctions économiques contre Ankara.

S’exprimant mercredi à Washington, le vice-ministre turc a déclaré à des journalistes que l’accord était conclu, signifiant ainsi que la Turquie n’avait aucune intention de le remettre en cause et qu’elle en renoncerait pas au contrat passé avec Moscou.

La Turquie veut rassurer les USA sur l’accès à des données sensibles

Tentant d’amadouer la partie américaine, le gouvernement turc a proposé à l’administration Trump de mettre en place un groupe de travail technique conjoint. Objectif : estomper les craintes des États-Unis, lesquels redoutent que la technologie dont sont dotées les batteries S-400 ne soit employée pour collecter des données technologiques sur les avions militaires de l’OTAN, offrant ainsi une porte ouverte à la Russie pour y accéder. “Nous attendons toujours la réponse” sur cette “commission technique”, a déploré néanmoins le responsable turc sous couvert de l’anonymat.

L’Iran principal fournisseur de la Turquie

Reste néanmoins que l’Iran est l’un des principaux fournisseurs de gaz et de pétrole de la Turquie, laquelle dépend presque totalement des importations pour ses besoins pétroliers. D’où l’importance de ses travaux d’exploration au large de Chypre ? Nous y reviendrons prochainement.

En avril dernier, Ankara a indiqué qu’il tentait de convaincre les Etats-Unis d’autoriser la société de raffinage turque Tupras à continuer d’importer du pétrole brut iranien sans que des sanctions lui soient appliquées.

Si la Turquie est certes  membre de l’OTAN, dont le budget est financé “pour 90 %” par Washington …. si l’on en croit Donald Trump, les analystes estimaient encore l’été dernier qu’Ankara pouvait difficilement stopper net ses importations énergétiques iraniennes.

L’Irak était le principal exportateur de pétrole brut vers la Turquie entre 2014 et 2017, mais de janvier à juillet 2017, ses exportations de pétrole brut vers la Turquie ont diminué de 20,5%, passant de 5,4 millions de tonnes à 4,3 millions de tonnes.

En 2016, les importations de pétrole de la Turquie en provenance de l’Irak,  l’Iran, la Russie, le Koweit et l’Arabie saoudite ont représenté 96,6% du total des importations de pétrole brut du pays. L’Irak aura ainsi fourni 9,2 millions de tonnes, l’Iran 6,9 millions, la Russie 3,2 millions, le Koweït 2,5 millions et l’Arabie saoudite 2,1 millions.

Maintien des importations malgré les sanctions US annoncées en 2018

en août 2018, Ankara avait pourtant annoncé qu’elle allait continuer d’acheter du gaz naturel à Téhéran. Demeurant ainsi conforme avec le contrat qui la lie à l’Iran sur le long terme. Des propos énoncés par le ministre turc de l’Energie, Fatih Donmez, dans une déclaration officielle. Turquie et Iran apparaissaient alors solidaires face aux sanctions US. Le marché du gaz demeurant le plus important … voire le plus fort. La Turquie dépendant des ses approvisionnements iraniens pour faire face à ses besoins énergétiques et l’Iran de ses exportations pour maintenir son économie,

Fatih Donmez avait alors ajouté que le contrat d’approvisionnement à long terme de la Turquie avec la République islamique était valable jusqu’en 2026 et qu’Ankara était obligé contractuellement à acquérir 9,5 milliards de mètres cubes. “Nous continuerons ce commerce car nous ne pouvons pas laisser nos citoyens dans l’obscurité”, avait-t-il déclaré. Précisons à cet égard que près de 40% de la production d’électricité en Turquie provient du gaz naturel.

Le ministre ne s’était toutefois pas exprimé sur les quantités futures de pétrole brut iranien  importées par la Turquie. Et ce, alors que la compagnie pétrolière turque Tupras avait toutefois réduit ses achats de pétrole en provenance d’Iran.

Sources : AFP, Reuters, Natural gas and World

Elisabeth Studer – 24 mai 2019 – www.leblogfinance.com

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