Italie : le Brexit pourrait fragiliser les banques et créer un effet domino dans l’UE

Alors que les banques italiennes doivent d’ores et déjà faire face à de nombreuses créances douteuses, le Brexit ne devrait rien arranger à leur situation financière. Pire encore, leur éventuelle faillite pourrait, via un effet domino, conduire à une nouvelle crise de la zone euro.

Car l’annonce des résultats du réferendum britannique, en faveur d’une sortie de Royaume-Uni de l’Union européenne, a provoqué une réelle tourmente en Italie. Désormais Rome et l’Union européenne redoutent que les stress-test financiers (test de solidité des banques européennes) programmés pour le 29 juillet ne mettent en lumière l’ampleur du gouffre financier qui atteint désormais les établissements financiers du pays.

Une situation d’autant plus préoccupante qu’aucune solution ne se profile à l’horizon pour permettre de leur venir en aide.

Éclaté avec plus de 700 établissements, le secteur bancaire transalpin est fragilisé par des problèmes de capitalisation et plie sous le poids de 360 milliards d’euros de créances douteuses, ce qui constitue un record en Europe. En six mois, l’indice des banques italiennes a cédé 55 %, parmi elles, la Banca Monte dei Paschi di Siena (BMPS), plus vieil établissement financier au monde, a chuté de 75 %.

Selon certains analystes, dans certains établissements, plus de la moitié des crédits accordés risquent de ne jamais être remboursés. Constat d’autant plus préoccupant que les banques n’ont pas, à l’heure actuelle, suffisamment de fonds propres pour couvrir les éventuelles pertes si les débiteurs faisaient effectivement défaut.

Alors que la crise de la zone euro de 2010 a entraîné une grande fragilité des banques italiennes, le Brexit n’a fait qu’intensifié le phénomène, créant de manière globale de fortes turbulences sur les marchés financiers internationaux, frappant de plein fouet les valeurs bancaires et spécialement les plus fragiles d’entre-elles, tels que les établissements italiens. Le jour même de l’annonce, Unicredit et Intesa Sanpaolo ont ainsi chuté respectivement de 23,79 % et 22,94 %.

L’action de la banque Monte dei Paschi a quant à elle dégringolé en début de semaine, perdant 36 % de sa valeur en deux jours, avant que le régulateur boursier italien n’intervienne, le 6 juillet, pour interdire les spéculations sur le titre.

La troisième banque italienne traverse depuis plusieurs années une passe difficile, situation consécutive notamment au rachat d’Antonveneta en 2008 pour neuf milliards d’euros, au point que l’établissement a dû être renfloué par les pouvoirs publics. Des pertes sur le marché des produits dérivés à haut risque et d’une accumulation de créances douteuses n’auront rien arrangé à l’affaire.

La banque, classée dernière aux tests de résistance européens pratiqués en octobre 2014,  détient 46,7 milliards d’euros de créances douteuses brutes, soit plus du tiers de son portefeuille de prêts, le pourcentage le plus élevé du secteur bancaire italien. Alors que le poids de ces créances inquiète de plus en plus les investisseurs, la Banque centrale européenne lui a demandé de rechercher un acquéreur.

Si Monte dei Paschi, chroniquement au bord de la faillite depuis des années et impliquée dans des affaires de corruption, constitue certes un cas extrême, la plupart des plus de 600 établissements bancaires du pays ont perdu de la valeur depuis les résultats du référendum britannique.

Compte-tenu du volume des créances douteuses détenues par les banques italiennes, les 67 milliards d’euros qui se sont avérés nécessaires pour sauver le secteur bancaire irlandais ne devrait pas suffire dans le cas transalpin.

Des exigences financières qui tombent au plus mal alors que l’état des finances publiques des autres membres de l’UE ne s’avère guère réjouissant.

Si le Premier ministre italien, Matteo Renzi, souhaite injecter directement de l’argent dans les banques en difficulté, en empruntant de l’argent à l’Europe si nécessaire,
mais une réglementation européenne de 2014 pourrait rendre la tâche du gouvernement italien particulièrement compliquée.

Elle stipule en effet que les actionnaires des groupes concernés soient les premiers à être sollicités financièrement avant de faire appel à l’argent des contribuables. Or, historiquement, les actionnaires des banques italiennes sont principalement des petits épargnants ou des particuliers.

Matteo Renzi peut difficilement demander à des retraités et à des simples citoyens de perdre de l’argent, alors que tous les autres pays ont pu se faire aider par l’UE et le FMI souligne le Financial Times.

C’est dans un tel contexte que le Premier ministre italien a annoncé le 4 juillet dernier, qu’il ferait tout pour sauver les banques, en tâchant notamment de faire abstraction de cette réglementation.

Une déclaration qui a fortement déplu à l’Allemagne, laquelle a d’ores et déjà averti de l’impossibilité d’aider directement les banques italiennes à travers un programme d’aide internationale, si Rome décidait de contourner « des règles adoptées il y a à peine deux ans ».

Au final, si le gouvernement refuse de faire payer des petits actionnaires et si Berlin refuse que des fonds européens soient prêtés à Rome en cas de non-respect de réglementation de 2014, l’Italie pourrait se retrouver dans l’impasse.

Or, la faillite des banques italiennes pourrait être propice à l’émergence d’un vaste effet domino au sein des pays européens, pouvant conduire à terme à une nouvelle crise de la zone euro.

Sources : France24, Le Point, WSJ

Elisabeth Studer – 10 juillet 2016 – www.leblogfinance.com

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