La Banque du Vatican mise à mal par enquête du pape et arrestations

Cqfd ? alors qu’en février dernier, nous relevions la concomitance entre la démission du pape Benoît XVI et la nomination de l’Allemand Ernst von Freyberg à la tête de l’IOR, la Banque du Vatican … beaucoup de choses laissent à penser que ceci n’était pas le fruit d’un simple hasard de calendrier.
Sur ordre du parquet de Rome, un évêque, un membre des services secrets italiens et un intermédiaire financier ont en effet été arrêtés vendredi. Mgr Nunzio Scarano, qui travaillait dans l’Administration du patrimoine du Vatican, est – notamment – accusé, ainsi que ses deux complices, d’avoir tenté de blanchir 20 millions d’euros.
Une annonce qui intervient alors que le pape François vient de créer cette semaine une  commission d’enquête en vue de remettre l’IOR sur le droit chemin.

Un nouveau scandale qui selon les analystes pourrait permettre d’accélérer la réforme de tout le système financier du Saint-Siège. But ultime du départ de Benoit XVI et de la nomination d’un nouveau président à la tête de la Banque du Vatican ?

En tout état de cause, Nunzio Scarano a été arrêté vendredi par la brigade financière italienne, soupçonné de «fraude et corruption», tout comme l’ancien membre des services secrets italiens et un intermédiaire financier. Une arrestation réalisée dans le cadre d’une d’une vaste enquête lancée par la justice italienne en septembre 2010 pour violation de la législation contre le blanchiment d’argent, laquelle visait le président de l’IOR , Ettore Gotti Tedeschi, et Paolo Cipriani, alors Directeur général de l’établissement.

Les enquêteurs soupçonnent Nunzio Scarano de s’être mis d’accord avec Giovanni Maria Zito – un ancien membre de l’AISI (services secrets italiens) – et Giovanni Carinzo, un courtier financier, en vue d’organiser le rapatriement de Suisse d’une somme de 20 millions d’euros en liquide, à bord d’un jet privé.  Le prêtre est également accusé d’avoir détourné 560 000 euros d’un de ses comptes établis auprès de la banque du Vatican pour les déposer sur un compte bancaire italien, ceci afin de rembourser un crédit immobilier.

Précisons qu’ancien employé de la Banca d’America e d’Italia, Nunzio Scarano est membre de l’Administration du patrimoine du siège apostolique (APSA), l’organisme qui gère les biens du Saint-Siège.

Si l’on en croit  la presse italienne, Nunzio Scarano détiendrait également des intérêts personnels dans le secteur immobilier. Il serait ainsi propriétaire de 90% de la société de construction Nuen, sise à Salerne. Selon le quotidien «La Repubblica», Monseigneur Scarano serait également visé par une enquête pour blanchiment diligentée par le parquet de cette ville. Il aurait détourné près de 600.000 euros d’un compte ouvert à la banque du Vatican.

D’autres enquêtes sont en cours pour déterminer « l’origine des importantes sommes d’argent et biens immobiliers de Nunzio Scarano« , a ainsi précisé le parquet de Rome. Fait notable : la magistrature italienne a reçu l’entière collaboration de la Banque du Vatican dans l’enquête concernant Nunzio Scarano … chose qui ne s’était jamais vue jusqu’à présent.

Cette arrestation intervient alors qu’il y a quelques jours à peine, le 26 juin dernier, le pape François a mis en place par décret une nouvelle commission de réforme en vue de veiller à «une meilleure harmonisation de l’IOR avec la mission de l’Eglise». Laquelle sera présidée par le cardinal Raffaele Farina et composée de 5 cardinaux chargés d’enquêter sur les agissements de l’IOR.

Le 11 juin dernier, à l’occasion de la messe quotidienne dans la résidence Sainte-Marthe au Vatican, le Souverain pontife avait déclaré que « Saint Pierre n’avait pas de compte en banque ». Ajoutant que la pauvreté qui doit caractériser l’Église « nous sauve du risque de devenir des organisateurs, des entrepreneurs« . Suivez mon regard ….

Précisons également que le 14 juin dernier, Francesco La Motta – Gentilshomme de Sa Sainteté – est arrêté pour un détournement de 10 millions d’euros. Ce qui donne un argument de poids au nouveau pape pour supprimer l’ordre millénaire des Gentilshommes de Sa Sainteté qui conférait à des laïques le privilège d’ouvrir des comptes à la Banque du Vatican.

Le 16 juin, le pape François désignait monseigneur Ricca, un de ses plus proches collaborateurs, « prélat de l’IOR ». Ce dernier, issu du service diplomatique du saint Siège, fera office de secrétaire lors des rencontres de la Commission cardinalice et assistera aux réunions du Conseil de Surintendance. Il s’agit donc d’un rôle de médiation et d’intermédiaire – a tenu à préciser le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège.

En février dernier, alors que le pape Benoît XVI venait d’annoncer qu’il allait donner sa démission – chose qui ne s’était jamais vue jusqu’à présent en ce qui concerne les plus hautes instances de l’Eglise – l’Allemand Ernst von Freyberg avait été nommé parallèlement à la tête de l’IOR, la banque du Vatican.

Je suspectais alors que la retraite du pape soit tant due à son âge canonique … qu’aux scandales entourant la banque du Vatican. De là à ce que la « décision » de Benoit XVI soit liée à cette nomination … avais-je alors ajouté. Rappelant par ailleurs que l’établissement financier était privé de président depuis le limogeage d’Ettore Gotti Tedeschi en mai 2012.

Si l’on en croit le communiqué officiel, la décision avait été prise par la Commission cardinalice de surveillance de l’Institut pour les affaires religieuses (IOR) « à l’issue d’une profonde évaluation et d’une série d’entretiens qui ont duré plusieurs mois ». Le porte-parole du Saint-Siège a par ailleurs tenu à préciser que le pape avait clairement donné son assentiment sur cette nomination, alors même que sa démission devait être officiellement rendue à la fin de mois de février.

Lors de la messe de Nouvel An à Saint-Pierre de Rome, Benoît XVI avait ainsi condamné les inégalités entre riches et pauvres, ainsi que « le capitalisme financier non réglementé » . Sous-entendu le capitalisme à outrance qui ne respecte plus l’humain, et la course à l’argent pour l’argent et non la satisfaction des besoins des peuples et populations.

Le pape avait par ailleurs évoqué des « foyers de tension et de confrontation provoqués par l’inégalité croissante entre riches et pauvres, et de la prédominance de la mentalité égoïste et individualiste, qui est également l’une des manifestations du capitalisme financier non réglementé » .

Des propos qui intervenaient alors qu’une crise liée au monde de la finance fait actuellement trembler les murs du Vatican … En effet, si en juillet 2012, la banque du Vatican a certes obtenu la moyenne à l’examen qu’elle a elle-même demandé en vue d’être certifiée comme un établissement ne pratiquant pas le blanchiment d’argent sale, les experts de l’institut de contrôle européen, Moneyval, qui ont contrôlé l’Institut pour les œuvres de religion (IOR) ont appelé à de nouvelles réformes techniques pour éviter tout risque de transit d’argent suspect. Lesquelles devraient être mises en place dans les mois qui viennent.

Après un autre contrôle, Moneyval formulera en juillet 2013 un avis qui pourra être définitif. Il souhaite notamment que cet établissement soit «supervisé de façon indépendante», car il doute que l’autorité de contrôle interne – l’autorité d’information financière (AIF), créée en décembre 2010 à la demande de Benoît XVI – ait suffisamment de pouvoir pour assurer la maîtrise de toutes les opérations et tout particulièrement … des inspections.

Après avoir exigé que la banque du Vatican devienne un établissement «irréprochable», Benoît XVI a recruté il y a moins de trois ans, un banquier extérieur, Ettore Gotti Tedeschi, en vue de réformer l’établissement. Mais ce dernier a été limogé en mai 2012, à la suite du débat sur le principe même de la transparence de cette banque. Le banquier a dû en effet faire face à de fortes oppositions au sein du Vatican, certains craignant pour la souveraineté et l’indépendance du Saint-Siège …

Précisons par ailleurs, que début janvier, l’Italie avait bloqué l’usage de cartes de débit et de crédit au Vatican. Raisons invoquées : le manque de transparence financière. Les autorisations nécessaires pour effectuer ce type d’opérations ayant été refusées par la Banque d’Italie à la branche italienne de la Deutsche Bank, l’ancien fournisseur de services de paiement électronique du Vatican, estimant que les contrôles en matière de blanchiment d’argent étaient défaillants.

En effet, neuf des seize principales normes internationales de lutte contre le blanchiment d’argent seraient respectées par la Banque du Vatican. Laquelle gère tout de même 6,3 milliards d’euros et un peu plus de 33.000 comptes. Parmi lesquels figurent ceux des prêtres, religieuses, conférences épiscopales, fondations et ministères répartis dans le monde entier.

Au final, les paiements par carte bancaire au Vatican n’auront repris que le 12 février dernier, après une interruption de six semaines … et un jour après l’annonce de la démission de Benoit XVI.

Sources : AFP, Reuters,Le Monde, Le Point

Elisabeth Studer – 30 juin 2013 – www.leblogfinance.com


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