La Belgique divisée sur ses ventes d’armes à l’Arabie saoudite

Plus politiquement correct désormais de vendre des armes à l’Arabie saoudite ? cela y ressemble. Alors que l’Allemagne vient de laisser entendre qu’elle pourrait restreindre ces exportations d’armement à destination de l’Arabie saoudite, c’est au tour de la Belgique désormais de justifier à sa manière ses ventes d’armes à Ryad.

Invité par la radio Bel-RTL, Paul Magnette (PS), ministre et président wallon, Paul Magnette, a ainsi défendu lundi le principe des ventes d’armes à l’Arabie saoudite, assurant approuver lui-même ces ventes au terme de « procédures extrêmement rigoureuses ».

Relançant le débat sur la position quelque peu critiquable de la France face au royaume saoudien, il a par ailleurs tenu à relativiser la politique menée par la Belgique en affirmant que la Wallonie était « un tout petit vendeur comparé à la France ».

Rappelons que l’Arabie saoudite, pays à majorité sunnite a exécuté dimanche 47 personnes condamnées pour « terrorisme », dont le dignitaire chiite Nimr al-Nimr. Avivant les tensions avec l’Iran et l’Irak.

Ce commerce d’armes est le fruit de « décisions européennes », a tenu par ailleurs à souligner le ministre-président, tout en concédant que derrière les procédures « extrêmement rigoureuses » mises en œuvre pour approuver les contrats, il n’en demeurait pas moins que ces décisions pesaient sur des «  milliers d’emplois » et une expertise wallonne. A noter par ailleurs si l’on en croit Paul Magnette, que ces livraisons ne sont destinées qu’à des forces armées ou de police.

Selon le rapport concernant ces ventes, approuvé en novembre dernier par la sous-commission du parlement wallon sur le contrôle des licences d’armes, le gouvernement wallon a accordé en 2014 pour près de 400 millions d’euros de licences de vente, dont la majorité portaient sur des armes à feu et des munitions, à destination de l’Arabie saoudite.

Selon le journal Les Echos, ce chiffre est quatre fois supérieur aux chiffres enregistrés en 2013, faisant alors de l’Arabie saoudite le deuxième client de la Wallonie, derrière le Canada.Les troisième et quatrième clients n’étant autres que le Qatar et les Emirats arabes, respectivement.

Lorsque toutes ces transactions seront effectives, les montants concernés s’élèveront à une somme supérieure à 3 milliards d’euros, soit plus de 9 fois le montant constaté en 2013.

Le parti écologiste belge Ecolo a quant à lui dénoncé les propos du ministre socialiste. « L’Arabie saoudite n’est pas un marché anecdotique pour la Wallonie: plus d’un tiers des licences d’exportation d’armes octroyées en 2014 concernaient de pays », ont-ils tenu à rappeler. Selon eux, alors que le PS et le parti politique nationaliste belge N-VA invoquent l’argument financier pour maintenir les liens économiques entre l’industrie wallonne de l’armement et le royaume saoudien, les droits humains semblent « visiblement secondaires ». Ecolo a par ailleurs répété son appel à la suspension de toute exportation d’arme vers l’Arabie saoudite.

Parmi les socialistes flamands, le député Dirk Van der Maelen a également pointé du doigt le discours de M. Magnette , s’estimant en désaccord « à 500 %  » avec lui. Il a par ailleurs demandé l’ouverture d’une concertation entre les trois Régions sur le commerce des armes avec l’Arabie saoudite. « La Suède et l’Allemagne ont déjà imposé un embargo sur les livraisons d’armes à l’Arabie saoudite. Notre pays pourrait s’en inspirer », a-t-il suggéré.

Selon lui, il n’existe aucune garantie sur le fait que les armes vendues par la Belgique se retrouvent exclusivement entre les mains de l’armée et de la police. « Il y a tellement d’armes importées que l’on peut douter qu’elles soient utilisée uniquement par l’armée et la police. On soupçonne en outre que de vieux stocks d’armes sont acheminés vers des groupes suspects en Syrie et que les munitions sont utilisées au Yemen« , a-t-il ajouté.

Précisons qu’en Belgique, le commerce des armes n’est plus une compétence fédérale mais régionale, Geert Bourgeois, le ministre-président flamand en assurant la compétence pour la Flandre. Contrairement à la Wallonie, cette région n’exporte pas d’armes à feu mais des pièces d’armement ou du matériel militaire. « Nous avons un très bon décret qui détermine ce que nous pouvons exporter et dans quel cas, c’est pas exemple lié au fait qu’un groupe de population pourrait être opprimé ou aux violations des droits de l’homme » explique ainsi Geert Bourgeois. Ajoutant que l’évaluation se fait au cas par cas et en cas de doute il s’y oppose.

Si aucune demande d’exportation d’armes vers l’Arabie saoudite n’a été reçue par la Flandre en 2015, une demande pour des véhicules blindés avait essuyé un refus en 2014, contrairement à ‘une commande de combinaisons contre les attaques chimiques.

Mais les circonstances actuelles changent la donne, selon Geert Bourgeois. « Si je recevais une demande aujourd’hui je la considérerais de manière très critique et en cas de doute je ne donnerais pas mon autorisation. Dans les circonstances actuelles, il est très peu probable qu’une autorisation viendrait « . « Je n’ai pas à me mettre à la place de Paul Magnette, mais en ce moment, je n’exporterais pas d’armes de la FN Herstal vers l’Arabie saoudite », a-t-il même lancé mardi sur Radio 1 (VRT).

Geert Bourgeois a tenu par ailleurs à préciser qu’était examiné en profondeur à qui étaient destinées les pièces ou les équipements exportés. « Nous vérifions toujours qui est le destinataire final » a-t-il insisté, rejetant toutefois l’idée d’une interdiction généralisée des exportations.

Au final, cette situation plonge les autorités wallonnes dans quelques embarras. D’autant plus qu’un rapport d’Amnesty International a relevé la présence, dans les rangs de Daesh, d’anciennes armes de la firme belge FM Herstal, important producteur wallon détenu par la région wallonne. En 2009, le Conseil d’Etat avait suspendu une licence d’exportation d’armes de cette société vers la Libye, tandis que le gouvernement alors au pouvoir avait durci la procédure d’octroi des licences d’exportations d’armes.

A noter toutefois, que mardi, les métallos liégeois de la FGTB  (Fédération Générale du Travail de Belgique) ont mis le monde politique belge en garde contre un embargo wallon sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite. Selon eux, ce genre d’initiative mettrait en grand danger la FN Herstal alors que « les exportations d’armes wallonnes sont probablement parmi les plus contrôlées du monde ».

« Chaque débat sur la question renforce nos craintes. Il est clair que les concurrents directs de la FN n’attendent qu’une chose : un embargo décrété à Namur, qui leur ouvrira toutes grandes les portes d’un marché qui leur était jusqu’ici fermé, et qui est important pour l’entreprise de Herstal », ont averti les métallos.

« La FGTB Métal Liège-Luxembourg rappelle qu’elle s’est toujours opposée à des politiques d’exportation qui aboutiraient à vendre n’importe quoi à n’importe qui. Elle souhaite un cadre strict et ce cadre existe aujourd’hui. Mais la FGTB Métal ne veut pas de politiques qui, finalement, aboutiraient à pénaliser la seule FN Herstal au détriment de ses concurrents européens » ont-il insisté.

Sources : Belga, Echo.be, Les Echos, Amnesty International, Lesoir.be

Elisabeth Studer – 05 janvier 2016 – www.leblogfinance.com


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