La CFDT fait sa rentrée en haussant le ton face au patronat

Laurent Berger, le leader de la CFDT, sort les griffes. Considéré comme réformateur et allié du gouvernement pour lancer des réformes taboues, il a néanmoins tapé du poing sur la table en étrillant ce mercredi 23 septembre en conférence de presse le Medef. Dans sa ligne de mire: la proposition du patronat de diminuer les pensions versées par les régimes complémentaires aux salariés partant avant 65 ans afin d’éviter la faillite des caisses de retraites complémentaires Agirc-Arrco. Pour rappel, le déficit de ces dernières a atteint 3 milliards d’euros l’an passé, et les réserves financières seront épuisées en 2018 à l’Agirc (en 2027 à l’Arrco). Il y a donc urgence à ce que les partenaires sociaux, qui gèrent ces caisses, trouvent un accord. Mais pas à n’importe quel prix. « Le Medef essaye de faire de cette négociation un cheval de Troie afin de repousser l’âge de départ à la retraite à 64 ans », martèle-t-il. Une ligne rouge que la centrale syndicale de Belleville (Paris) ne veut pas franchir.

Pour autant, la CFDT ne veut pas s’emmurer dans un discours idéologique jusqu’au boutiste et souhaite signer un accord. C’est pour cela que son leader a dévoilé ce mercredi 23 septembre les grandes lignes d’une contre-proposition. L’idée centrale: faire contribuer les nouveaux retraités avec « une contribution de solidarité intergénérationnelle de 4% de la retraite complémentaire versée pendant deux ans ». Une sorte de voie de compromis. Si la CFDT veut bien que les nouveaux retraités mettent la main à la poche, elle refuse catégoriquement de toucher à la durée de cotisation. Ce sujet avait déchiré la centrale en interne en 2003 lors de la réforme Fillon des retraites. Les partenaires sociaux doivent se retrouver le 16 octobre prochain.

Un syndicat réformateur énervé

Cette négociation périlleuse, qui pourrait mettre à mal, faute d’accord, l’un des derniers bastions du paritarisme à la française, illustre bien la méthode Berger. Ce dernier porte fièrement une vision du syndicalisme de négociation. Sur le terrain, la CFDT n’hésite d’ailleurs pas à s’engager en signant des accords interprofessionnels (temps partiel ou compte personnel de formation) ou à négocier des accords d’entreprise comme ce fut le cas à Renault ou ThyssenKrupp.

Mais, le leader de la CFDT n’entend pas pour autant donner son blanc-seing à chaque fois. Un exemple de l’actualité récente le montre. Sur le dossier de la renégociation du temps de travail à l’usine Smart, à côté de Strasbourg, la CFDT a refusé de signer un accord d’entreprise. En cause, les méthodes de la direction qui « en organisant un référendum, a voulu prendre en otage la négociation. Cette pratique est à condamner », assène-t-il sans hausser le ton. Non dogmatique, celui qui a su reconnaître le besoin de « flexibilité des entreprises françaises », a bouleversé les codes de son propre camp, mais « ne voit pas beaucoup le patronat le faire ». En clair, la CDFT souhaite que le patronat voit le dialogue social au sein de l’entreprise non pas comme une contrainte et un frein, mais comme « un facteur de progrès et de performance économique ».

Compte personnel d’activité

Cette vision est au cœur du positionnement du syndicat sur le rapport de Jean-Denis Combrexelle, l’ancien directeur du Travail, sur la réforme du code du travail. Ce dernier « n’est pas un texte sacré, il peut évoluer à condition de ne pas toucher aux droits des salariés », répète à l’envi Laurent Berger. Dans son esprit, le code du travail doit être supplétif et doit s’appliquer seulement si aucun accord majoritaire d’entreprise ou de branche n’est conclu. Pile ce que propose le rapport Combrexelle. Là encore, la CFDT marque sa différence au sein de la grande famille sociale. « Nous n’avons pas peur de nos militants pour négocier sur le terrain des accords à la différence de certains », lâche-t-il au passage. Une façon de tacler ses autres camarades syndicalistes, qui selon lui « prennent ce qui marche et se dédouanent du reste » (article de Challenges du 9 avril). En retour, ces derniers ne se privent pas de critiquer la CFDT pour sa proximité idéologique avec le gouvernement.

Dernier point, Laurent Berger est attaché à une revendication: la création d’un « compte social personnel ». Un outil de flexisécurité pour stabiliser les parcours professionnels des salariés soumis à des changements de postes ou à des périodes de chômage. Si François Hollande a annoncé le 3 avril dernier la création d’un « compte personnel d’activité », une mesure similaire, la CFDT souhaite que ce dispositif soit étendu aux non-salariés, c’est-à-dire aux freelances comme les chauffeurs d’Uber. Ce sera l’un de ses chevaux de bataille lors de la prochaine conférence sociale du 19 octobre prochain.

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